Ressources humaines

La formation continue, un outil de motivation

Publié le 30 septembre 2022 à 12h00

Joffrey Marcellin    Temps de lecture 10 minutes

Doublement réformée en 2015 puis en 2018, la formation continue concerne de plus en plus le monde de la finance, des banques aux directions financières. Pour rester à la page, booster leur carrière ou se reconvertir, les salariés n’hésitent plus à franchir le pas. Dans ce contexte, le compte personnel de formation (CPF) représente un réel enjeu pour les employeurs, qui cherchent à concilier les choix de leurs collaborateurs avec les besoins propres de l’entreprise.

Depuis qu’il a été réformé, le compte personnel de formation a pris une place nouvelle dans la vie des entreprises, et bouleversé les processus de formation. « Dans le cadre du CPF, nous n’avons plus aucune visibilité sur les choix de formation des salariés. C’est dommage, car il s’agit tout de même d’argent prélevé auprès des employeurs », regrette Yveline Pouillot, secrétaire générale du cabinet de conseil GMBA Walter Allinial. Depuis sa mise en place en 2015, la Caisse des Dépôts et Consignations met à disposition de tous les salariés la somme de 500 euros par an, destinée au financement de leur formation (le financement total ne peut pas dépasser 3 000 euros). Mais si le potentiel d’action des salariés est limité par la somme qu’ils ont à leur disposition, l’autonomie décisionnelle de ces derniers dans le choix de formation a eu pour effet de modifier leur relation avec l’entreprise. « L’employeur ne peut même pas donner un avis consultatif, alors qu’il a une vision macroéconomique qui peut être intéressante pour développer l’employabilité du salarié », déplore Yveline Pouillot.

Il serait pourtant réducteur d’affirmer que les entreprises sont totalement exclues des choix de formation de leurs salariés. D’abord parce que l’employeur peut décider d’imposer à son salarié un certain nombre de formations nécessaires à la bonne tenue de son poste. Dans ce cas, elles sont obligatoires et à la charge de l’entreprise. Ensuite parce que la plupart des formations non-obligatoires à destination des salariés du monde de la finance coûtent très cher, et que le salarié va bien souvent solliciter la participation financière de son employeur.

«Dans le cadre du CPF, nous n’avons plus aucune visibilité sur les choix de formation des salariés. C’est dommage, car il s’agit tout de même d’argent prélevé auprès des employeurs. »

Yveline Pouillot Secrétaire générale ,  Cabinet de conseil GMBA Walter Allinial

La loi Avenir, une réforme en faveur du salarié

Ainsi, l’entreprise peut saisir cette opportunité de soutenir le projet d’un collaborateur en abondant son CPF pour lui permettre de financer la formation dont il estime avoir besoin. Une manière de l’inciter à rester dans l’entreprise alors que la guerre des talents fait rage dans le monde de la finance, tout en améliorant son employabilité. Il pourra ainsi se projeter vers de nouvelles fonctions. Néanmoins, cela suppose que l’entreprise respecte l’autonomie décisionnelle de son salarié, et qu’elle s’intéresse à ses aspirations profondes afin de trouver un point de conciliation.

D’autant qu’avec la loi Avenir professionnel du 5 décembre 2018, qui a notamment acté le passage d’un système comptabilisant des heures de formation à un dispositif attribuant des euros au salarié, celui-ci peut désormais choisir n’importe quelle formation inscrite au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) ou au Répertoire spécifique, y compris celles qui ne sont pas proposées par sa branche professionnelle. Une plateforme dédiée a même été mise en place pour faciliter l’accès à l’ensemble de ses formations sur moncompteformation.gouv.fr. Par ailleurs, le collaborateur a accès à de nouveaux modules puisqu’il n’est plus limité aux formations en présentiel. « A ce propos, nous avons constaté que le profil des candidats diffère selon qu’ils demandent à suivre une formation en présentiel ou à distance, explique Marjorie Diebolt, directrice du recrutement et des admissions de la formation continue à l’EM Lyon business school. Pour ceux qui choisissent un format en présentiel, il s’agit souvent d’un projet de formation partagé avec l’entreprise. A l’inverse, les formations online vont plutôt séduire des salariés qui ne sont pas forcément accompagnés par leur entreprise, et qui vont se former en dehors de leur temps de travail. »

La formation continue se digitalise

  • Les formations en partie ou intégralement digitales occupent depuis quelques années une place de plus en plus importante dans l’offre de formation continue à destination des salariés des banques. « Dans le catalogue du groupe, sur les 80 formations dédiées à la finance, déjà 50 % sont digitales, explique Johann Ghilini, directeur des équipes formation au sein de la direction des ressources humaines du groupe Société Générale. Nous souhaitons augmenter encore ce chiffre, car ce type de formations offre la flexibilité qu’attendent aujourd’hui les collaborateurs. Cela permet aussi aux personnes qui le souhaitent de se former exclusivement sur la partie qui les intéresse, ou sur laquelle ils souhaitent se perfectionner. Le digital permet de s’ajuster. »
  • Avec les capsules d’e-learning, les plateformes spécialisées ou encore les MOOC, le digital permet de se former où l’on veut, quand on veut, et à son rythme, ce qui répond en partie aux nouvelles aspirations des salariés. « Dans ce contexte, le présentiel peut s’inscrire en complément, et uniquement pour les collaborateurs qui ont besoin d’aller plus loin dans leur expertise », ajoute Johann Ghilini.

Une entreprise devenue coach de carrière

Etant donné la diversité des choix de formation qui s’offrent désormais aux salariés, les directions financières, les cabinets de conseil et les banques ont tout intérêt à orienter leurs salariés, pour éviter qu’ils ne s’éloignent trop de l’univers financier. Pour tenter de conserver leurs talents, ils vont alors se positionner comme de véritables conseillers en carrière, en travaillant sur les perspectives d’évolution. Car dans le contexte de tension du marché du travail, la formation et les possibilités de progression au sein de l’entreprise sont devenues d’importants leviers d’attractivité. « Notre démarche consiste dire aux collaborateurs : “Nous vous proposons un certain nombre de formations qui contribuent à votre évolution professionnelle, à votre métier, à votre montée en expertise”, explique Johann Ghilini, directeur des équipes formation au sein de la direction des ressources humaines du groupe Société Générale. Si leur choix se porte sur des formations certifiantes ou diplômantes, nous allons leur suggérer de mettre à profit leur CPF, mais ça n’est jamais une obligation. »

S’il est libre de les refuser, le salarié a aussi intérêt à être attentif à ce type de propositions. Car elles peuvent lui permettre d’accéder à des formations de grande qualité qu’il n’aurait pu atteindre seul. En effet, l’entreprise va bien souvent abonder son CPF et solliciter des financements publics via les opérateurs de compétences (OPCO), de sorte qu’une grande partie de la formation soit prise en charge. C’est le cas de nombreux financiers qui suivent l’executive MBA de l’EM Lyon business school par exemple. « Nous avons des directeurs financiers, autour de 40 ou 45 ans, qui viennent suivre cette formation pour briser le plafond de verre de leur expertise et aller chercher des postes de direction générale par exemple, explique Marjorie Diebolt. L’entreprise prend généralement en charge 60 % du prix de la formation, le reste étant financé par le CPF, les OPCO et le participant. » S’agissant d’une formation coûtant plusieurs dizaines de milliers d’euros, ça n’est pas négligeable.

La certification RNCP, un enjeu majeur pour les organismes de formation

Autre avantage de taille pour le salarié, il va pouvoir se former sur son temps de travail, ce qui n’aurait pas été le cas si ce dernier avait fait la démarche sans concertation avec son entreprise, sur un sujet qui n’a aucun lien avec ses fonctions. « Nous sommes toujours sur une approche qui consiste à dire : “Je me forme sur une thématique en lien avec mon métier, je me forme sur mon temps de travail”, confirme Johann Ghilini. Il n’y a pas de débat là-dessus. »

Même si l’entreprise peut chercher à orienter le salarié, c’est bien lui qui conserve le dernier mot, car il s’agit de formations non obligatoires. En ce sens, l’éligibilité d’une formation au CPF est un argument de poids dans le choix de l’organisme, bien qu’il n’en finance qu’une partie. « C’est très important pour nos participants de pouvoir mobiliser leur CPF, confirme Matias Gonano, associate director open programs à HEC executive education. C’est un élément clé de leur prise de décision. Dès lors qu’ils auront le choix entre deux ou trois options, ils vont privilégier celle qui peut être financée via leur compte personnel de formation. »

Dès lors, obtenir la certification RNCP devient un enjeu primordial pour les organismes de formation. « A HEC Paris, nous avons un service dédié à la constitution des dossiers visant à obtenir la reconnaissance RNCP, poursuit Matias Gonano. Aujourd’hui 80 % de nos formations sont éligibles au CPF mais nous souhaitons aller encore plus loin. » Seulement, la constitution de ces dossiers est relativement lourde et nécessite de répondre à certains critères d’éligibilité. « L’élément clé dans ces dossiers, ce sont les compétences acquises, précise Matias Gonano. Il faut bien les identifier et mettre en place des méthodes d’évaluation de ces dernières, qui peuvent être des business games, des tests, des études de cas, des projets d’équipe ou encore des plans d’action. »

«Nous avons des directeurs financiers, autour de 40 ou 45 ans, qui viennent suivre l’executive MBA pour briser le plafond de verre de leur expertise et aller chercher des postes de direction générale par exemple.»

Marjorie Diebolt Directrice du recrutement et des admissions de la formation continue ,  EM Lyon business school

Un accompagnement sur mesure du salarié

En outre, les organismes de formation ont bien compris que l’attrait de nouveaux clients passait aussi par des formations très pointues sur certains aspects de la finance, car tout le volet « évolutions réglementaires » est couvert par la formation obligatoire dispensée gratuitement au sein des entreprises. De fait, c’est en se positionnant sur des thèmes comme les crypto-actifs, la finance durable ou le digital que certains tirent leur épingle du jeu. « Chez Demos, les nouveaux domaines comme les crypto-actifs font bien partie des formations proposées telles que la préparation à l’examen AMF par exemple, qui est éligible au CPF, affirme Isabelle Die, experte en banque et assurance chez Demos. Nous proposons également une préparation à l’examen AMF Finance durable, car le secteur a pris beaucoup d’ampleur ces dernières années. »

Enfin, pour tenter de séduire de potentiels futurs élèves, d’autres organismes proposent même de les accompagner dans la création du dossier de demande de participation destiné à leur société. C’est le cas d’HEC avec son executive masters par exemple. « Les professionnels qui suivent ce cursus vont être amenés à travailler sur une problématique de leur entreprise, prenant la forme d’une thèse professionnelle, pendant toute la formation, avec des coachs et des professeurs HEC, explique Matias Gonano. Ils peuvent donc identifier en amont un besoin, une problématique ou une difficulté dans leur société, et proposer de faire un travail de consulting pour trouver une solution, un nouveau process pour surmonter cette difficulté, en échange du financement de leur formation chez nous. »

Ainsi, ce travail de symbiose entre les organismes de formation, les entreprises et les collaborateurs crée une relation nouvelle, moins verticale, mais dont les contours demeurent en construction. « Le fait de former les collaborateurs à l’évolution de leur carrière et sur des éléments qui ne sont pas immédiatement nécessaires à leur poste actuel est assez nouveau pour nous, confie Johann Ghilini. Mais cela nous permet d’anticiper les enjeux de reconversion professionnelle et d’établir un nouveau dialogue avec le salarié. » De quoi favoriser surtout la rétention des talents dans un marché du travail en pleine ébullition. 

L'info financière en continu

Chargement en cours...

Dans la même rubrique

Partage de la valeur : l’intéressement plébiscité par les PME

D’ici janvier 2025, les PME françaises de moins de 50 salariés devront proposer à leurs salariés au...

Stagiaires : ces profils qui séduisent les directions financières

La fin de l’année scolaire est la période de stage pour les étudiants en fin de cursus. Chaque...

Traders : les banques ne veulent plus leur verser des indemnités record

Les banques internationales, dont les américaines, sont prêtes à transférer une partie croissante de...

Voir plus

Chargement en cours...

Chargement…