Ressources humaines

Le networking interne, une nécessité pour les fonctions financières

Publié le 23 juin 2022 à 12h25

Joffrey Marcellin    Temps de lecture 10 minutes

Alors qu’il est parfois mal perçu dans les entreprises, le réseautage en interne est essentiel pour les fonctions financières. Connaître les différents membres d’une organisation et identifier leur rôle permet à la fois de faire remonter les informations importantes, mais également de surmonter les difficultés avec beaucoup plus d’agilité, tout en favorisant l’évolution professionnelle.

Comme Janus, le networking interne a deux visages. Certains y voient une pratique réservée aux plus carriéristes des employés qui cherchent à se placer, pratique qui témoignerait d’une ambition personnelle démesurée. Pour d’autres, la création d’un réseau interne recèle de nombreux avantages, comme la possibilité de fluidifier les relations entre les différents services de l’entreprise, grâce à une meilleure connaissance de chacun et de ses activités.

Mais comment faire du networking interne un atout pour les financiers, de sorte qu’il profite aussi bien à la société ainsi qu’aux membres de la direction financière ? Y a-t-il une recette pour bien réseauter et quels sont les bénéfices que peut en tirer l’entreprise ? Il faut d’abord s’accorder sur ce qu’est le réseautage interne.

« Le networking consiste à créer, développer et entretenir un réseau de connaissances, que celles-ci soient privées ou professionnelles, au sein de son groupe ou à l’extérieur », selon Maxime Maeght, associé de Henson Networking Advisory. Si on parle de networking interne, ce réseau se cantonne donc aux salariés de l’entreprise. « Le réseautage interne doit également s’envisager comme le fait de se rendre utile aux autres : je donne avant de recevoir, et les bénéfices que je vais en tirer s’apprécient sur le temps long », précise Guillaume Rabel-Suquet, DRH du groupe Arc International. « L’erreur serait de se mettre à réseauter frénétiquement pour appuyer une demande de mobilité interne par exemple, en espérant obtenir des résultats à court terme », prévient Maxime Maeght.

Une fois l’aspect purement intéressé évacué, le réseautage devient intéressant à plusieurs égards. Il permet tout d’abord de renforcer les liens avec les fonctions opérationnelles, de sorte que les financiers soient plus pertinents dans les solutions qu’ils leur proposent. « J’ai toujours considéré qu’Excel était aveugle, qu’on ne comprend pas une entreprise en regardant des tableaux et en lisant des rapports, explique Cédric Favre-Lorraine, directeur financier de Geopost. Durant mes vingt-sept ans d’expérience, j’ai toujours fait l’effort de sortir de mon bureau et de rencontrer des gens, y compris certains qui n’avaient aucun rapport avec mon travail à court terme. » Cet exercice, le directeur financier de 49 ans le fait naturellement, « pour aller capter les signaux faibles, sentir les tendances. Sortir de son bureau c’est aller respirer l’entreprise, affirme-t-il. C’est aller sentir comment son pouls bat. »

«C’est le networking interne qui m’a aidée à envisager de nouvelles possibilités, en découvrant des métiers et des géographies qui ne m’étaient pas familiers. »

Elodie Luce (Photo : Julien Lutt) Secrétaire générale Afrique Marketing & Services ,  TotalEnergies

Créer un environnement de confiance

L’intérêt est d’autant plus important qu’en tant que fonction support, les financiers sont en charge de contrôler les activités de l’entreprise, mais également d’aider les collaborateurs qui en ont besoin. Pour cela, « il faut expliquer aux opérationnels ce que l’on fait et comment on peut les aider », estime Cédric Favre-Lorraine. Un travail de pédagogie qui demande à la fois un effort, de l’investissement mais surtout une méthode.

Car aller à la rencontre de l’autre ne va pas forcément de soi pour un financier. Concrètement, pour les directeurs, « cela peut passer par la visite des différents sites de production de l’entreprise, pour comprendre et identifier précisément le rôle de chacun », explique Maxime Maeght. Pour les personnalités plus introverties, il suggère de « saisir l’opportunité des événements internes, pour échanger avec des personnes d’autres services ». Il ne faut pas non plus sous-estimer le potentiel networking de la machine à café. « Chez nous, elle est au centre du bâtiment, explique Cédric Favre-Lorraine. Vous êtes sûr de toujours croiser quelqu’un qui n’est pas de votre service. C’est extrêmement riche en termes de rencontres. »

L’occasion également de sensibiliser les collaborateurs sur des préoccupations communes : « dans mes équipes, le directeur fiscal a tellement créé de relations et expliqué ce qu’était la fiscalité, poursuit le directeur financier de Geopost, que l’une des premières questions que se posent les collaborateurs, c’est : “Dans ce qu’on va faire maintenant, est-ce qu’il y a une composante fiscale ?” » En faisant naître cette réflexion dans l’esprit de ses partenaires au sein de l’entreprise, le directeur fiscal anticipe très en amont les potentielles difficultés qu’il pourrait rencontrer. Les informations remontent plus vite, les problèmes sont gérés avec plus d’agilité et les salariés des différents services partagent des objectifs communs.

Les réseaux sociaux d’entreprise : un bilan contrasté

  • De nombreuses entreprises ont mis en place des réseaux sociaux internes, mais leur utilité est parfois mise en doute. « Pour que les réseaux sociaux d’entreprise soient performants au niveau networking, il faut que le profil des gens soit très renseigné, et qu’il soit paramétré de manière à permettre des connexions et du suivi d’information, ce qui n’est pas forcément le cas aujourd’hui, estime Maxime Maeght. Ils sont plus utilisés pour travailler sur un sujet précis que pour réseauter. » Une idée que semble partager le DRH du groupe Arc : « Tout dépend comment le réseau est mis en place, structuré, administré, mais au final il faut que ce soit l’utilisateur qui le choisisse et qui trouve le bon moyen pour l’utiliser. Les réseaux sociaux d’entreprise répondent-ils à un besoin de networking en interne ? Je n’en suis pas convaincu. »
  • Quelques réussites notables méritent toutefois d’être relevées, comme la mise en place du réseau Plazza chez Orange, dont l’animation de la communauté spécifiquement mise en place pour les financiers est gérée par Frédéric Gielec : « Je pense que c’est une réussite et que les 3 000 collaborateurs qui l’utilisent régulièrement y trouvent un bénéfice de networking. C’est un espace de conversation, de partage, les gens y postent des informations, ils échangent des idées et travaillent autour de projets. » Enfin, il précise que « dans l’univers Plazza, il y a aussi un autre module qui est le Finance College, avec une plateforme de formation à destination des financiers, qui l’ont largement adoptée ».

Animer les équipes

Mais le réseautage interne passe aussi par des process d’animation des équipes, mis en place à l’initiative de la direction. En tant que directeur des ressources humaines du groupe Arc International, Guillaume Rabel-Suquet l’a bien compris : « Dans la “global leadership team” du groupe, qui regroupe les 100 talents les plus prometteurs à travers le monde, à chaque fois que quelqu’un intègre ce réseau, je m’assure qu’il ait un échange avec l’ensemble de ses membres, à la fois pour se présenter, mais aussi pour avoir une présentation du service avec lequel il va pouvoir interagir dans le futur. » Un travail fastidieux, mais qui porte ses fruits : « Si dans quelques mois l’un d’entre eux rencontre une difficulté, il pourra décrocher son téléphone, contacter la personne adéquate et dire : “Bonjour, c’est Guillaume, j’ai besoin d’aide sur tel ou tel sujet, etc.” »

Dans le même esprit, Elodie Luce, secrétaire générale Afrique Marketing & Services chez TotalEnergies, intègre régulièrement des salariés spécialisés au sein de ses réunions d’équipe : « J’ai fait venir des personnes qui travaillent sur le développement durable, d’autres sur le réseau électrique, pour qu’elles expliquent ce qu’elles font. » Les membres de son équipe développent ainsi des liens avec des référents techniques sur telle ou telle thématique, joignables en cas de difficulté.

«J’ai toujours considéré qu’Excel était aveugle, qu’on ne comprend pas une entreprise en regardant des tableaux et en lisant des rapports. J’ai toujours fait l’effort de rencontrer des gens sans lien avec mon travail à court terme. »

Cédric Favre-Lorraine Directeur financier ,  Geopost

Optimiser son évolution professionnelle

Au-delà des bénéfices apportés par le networking, s’agissant des relations interservices, et de la capacité de la direction financière à créer un environnement de confiance avec les services opérationnels, le réseautage interne va également ouvrir le champ à de nouvelles opportunités professionnelles. « Les personnes qui ont rayonné au sein de l’entreprise, parce qu’elles ont été curieuses, qu’elles sont allées à la rencontre d’autres services et se sont rendues disponibles lorsqu’on avait besoin d’elles auront plus de chance de saisir les opportunités d’avancement », selon Cédric Favre-Lorraine.

Ces opportunités, Elodie Luce, avocate de formation, a pu les saisir en faisant la rencontre de collaborateurs aux profils très variés lorsqu’elle est entrée chez TotalEnergies : « Le fait de rencontrer des gens et d’avoir envie de comprendre ce qu’ils font a orienté ma recherche vers tel ou tel poste. C’est le networking interne qui m’a aidé à envisager de nouvelles possibilités, en découvrant des métiers et des géographies qui ne m’étaient pas familiers. » Mais si les bénéfices du networking sont nombreux, encore faut-il savoir comment s’y prendre.

Car même avec de la bonne volonté, créer des liens en interne suppose quelques prérequis. L’entreprise doit être en mesure de favoriser les conditions de la rencontre. A travers des événements informels, des fêtes, des animations et même la création d’associations professionnelles.  « Ces occasions sont autant d’opportunités que les financiers doivent saisir pour créer des liens avec les collaborateurs », pointe le directeur financier de Geopost. Mais « c’est loin d’être suffisant, estime Guillaume Rabel-Suquet. Les entreprises doivent investir dans la préparation du networking interne. Je milite pour qu’au sein des grands groupes, on apprenne aux jeunes talents comment se construire un réseau, comment le garder relativement actif et comment enrichir ce réseau, en y consacrant une demi-journée de formation par exemple. »

Apprendre le networking

De son côté, « le salarié doit acquérir les codes et la méthode nécessaires à une bonne entrée en relation, estime Maxime Maeght. Avant de parler d’un temps de réseautage hebdomadaire par exemple, il convient d’abord d’adopter la bonne posture. » A commencer par la maîtrise des bases de la courtoisie – condition sine qua non de toute prise de contact réussie – mais cela ne suffit pas du point de vue du conseiller : « Il faut aussi acquérir des automatismes, tels que le fait de passer spontanément quelques coups de téléphone à d’anciens collègues partis dans une autre filiale, sans besoin immédiat. »

Il préconise par ailleurs la mise en place de chartes de networking interne, avec des « do » et « don’t », dans la même veine que les chartes pour l’utilisation des réseaux sociaux. « Dans les bonnes pratiques, on pourrait mettre le fait de chercher à se rendre utile à ses collègues avant de penser à son propre bénéfice, ou encore de se connecter méthodiquement sur des réseaux sociaux professionnels aux personnes qu’on a eu l’occasion de rencontrer. A l’inverse, dans les choses à éviter, pourrait apparaître le fait de mettre en relation deux personnes de l’entreprise sans leur avoir demandé préalablement leur autorisation », propose Maxime Maeght.

Enfin, bien que l’essentiel du travail de networking passe par la rencontre physique, il ne faut pas sous-estimer le rôle des réseaux sociaux. « Si rien ne vaut la rencontre physique, LinkedIn reste un formidable outil en termes d’informations, mais également pour garder le contact avec une personne qu’on aura préalablement rencontré, précise Maxime Maeght. C’est un très bon moyen de voir l’évolution de vos collègues et de leurs activités au sein du groupe. » 

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