Recrutement

Les acteurs du private equity structurent leur direction financière

Publié le 5 mai 2023 à 15h00

Coralie Bach    Temps de lecture 7 minutes

Les acteurs du private equity ne recherchent plus seulement des directeurs financiers pour leurs participations, mais aussi pour leur propre compte. Le poste demande des compétences spécifiques car il recouvre la gestion financière classique, comme le suivi des fonds d’investissement, de leur levée à leur liquidation.

Les entreprises ne sont pas les seules à se disputer les compétences d’un directeur financier. Les sociétés de gestion connaissent elles aussi la valeur de ces professionnels. « Nous avons constaté une croissance importante des recrutements pour les fonctions financières au sein des sociétés de gestion, que ce soit sur les postes de directeur financier ou ceux de contrôleur financier, relève Romain Boisnard, associé et fondateur du cabinet de recrutement Tillerman Executive Search. La majorité des acteurs ont vu leurs encours progresser ces dernières années, les obligeant à mieux structurer leur direction financière. » La taille du département varie évidemment selon les sociétés de gestion. Si celles positionnées sur le small market et le mid-market s’appuient sur une fonction financière de quelques personnes, avec à sa tête un directeur financier à plusieurs casquettes, les plus grosses sociétés de gestion, dont les actifs dépassent les 10 milliards d’euros, bénéficient d’équipes de plusieurs dizaines de collaborateurs. A l’instar des grands groupes, le département est alors structuré en différents pôles : comptabilité, trésorerie, contrôle de gestion, portfolio management, etc.

Car outre les fonctions financières classiques, comme la production des états financiers et la gestion de la trésorerie, le directeur financier doit assumer le suivi des fonds. « De plus en plus de sociétés de gestion décident d’ailleurs de scinder la fonction en deux, avec d’une part un responsable de la production financière de la société de gestion, et d’autre part un responsable du fund management », souligne Romain Boisnard. Un choix quasi systématique chez les spécialistes du large cap et qui se développe progressivement au sein des acteurs du mid-cap. Argos Wityu a ainsi adopté cette organisation il y a un peu plus d’un an : « A mon arrivée en 2019, je pilotais les deux aspects, témoigne la directrice financière Jacqui Darbyshire. Nous avons depuis recruté une personne dédiée aux aspects financiers de la société de gestion, ce qui me permet de me concentrer sur le suivi des fonds. Nous avons actuellement trois fonds actifs, et un en levée, ainsi que plusieurs véhicules de co-investissement, la charge de travail est donc conséquente. »

«Nos reportings constituent notre principal moyen de communication avec nos investisseurs. »

Thomas Ravel Directeur financier ,  21 Invest France

Sécuriser la vie du fonds

Si le directeur financier n’est pas en charge de la levée des fonds ni des opérations d’investissement, il intervient à toutes ces étapes pour s’assurer de leur bon déroulement. De la validation des éléments financiers fournis aux potentiels souscripteurs lors de la phase de commercialisation, au débouclage du financement des investissements, son rôle est clé. « Pour chaque opération, il s’agit de calibrer l’appel de fonds nécessaire et de déterminer son échéance », explique Thomas Ravel, qui a pris la direction financière de 21 Invest France en septembre dernier après neuf années passées chez Grant Thornton. « Mon rôle est aussi de proposer différents scénarios de financement à la direction, comme recourir dans un premier temps à un crédit, appelé equity bridge financing, afin d’obtenir plus de flexibilité, et effectuer la transition avec l’appel de fonds. » Cette pratique permet ainsi d’améliorer mécaniquement la rentabilité (TRI) pour les investisseurs. « Nous sommes régulièrement amenés à participer à la réflexion sur les solutions financières à privilégier lors de l’acquisition d’une participation dans le cadre du respect de la réglementation, appuie Jacqui Darbyshire. Il faut également pouvoir présenter de manière claire et synthétique des recommandations sur les opérations de gestion de fonds au comité d’investissement. »

Des candidats très disputés

  • Passer de la direction financière d’une entreprise à celle d’une société de gestion n’est pas une chose aisée. Des connaissances spécifiques sont nécessaires, sur les fonds d’investissement : les recruteurs privilégient donc, fortement, les profils issus du secteur financier. « Pour les fonctions de comptabilité pure, il est possible de recruter des candidats venant d’autres univers, mais cela reste rare », résume Romain Boisnard. La voie est par contre assez naturelle pour les anciens consultants en audit ou transaction services qui cumulent compétences en corporate finance et compréhension de la logique d’investissement. Selon leur degré d’expérience et la taille de la société de gestion visée, ces professionnels peuvent soit démarrer comme contrôleurs de gestion soit assumer directement la responsabilité de CFO.
  • Les profils aguerris, cumulant plusieurs années d’ancienneté sur des postes similaires, sont quant à eux particulièrement recherchés. « Il y a une pénurie de candidats pour ces fonctions, affirme Romain Boisnard. Nous regardons prioritairement au sein des équipes des sociétés de gestion concurrentes mais il est difficile de débaucher un directeur financier. Généralement, l’augmentation salariale seule ne suffit pas, il faut pouvoir proposer un poste avec un périmètre élargi en termes de management ou de type de fonds gérés. » Selon le chasseur de têtes, les rémunérations ont d’ailleurs fortement augmenté, avec une hausse de près de 20 % en moyenne sur les trois dernières années. « Pour les structures de taille moyenne, la rémunération fixe d’un CFO oscille entre 120 et 150 k€, à laquelle s’ajoute un variable de l’ordre de 30 %, poursuit-il. Les fonds large cap et internationaux, quant à eux, évoluent plutôt sur une fourchette comprise entre 150 à 200 k€, avec un variable de l’ordre de 30 % à 50 %. »

Répondre aux exigences réglementaires

C’est également le directeur financier qui pilote la valorisation du portefeuille veillant à la rigueur des calculs financiers mais aussi à la pertinence des hypothèses et méthodes retenues. « Les évolutions macro-économiques, d’abord avec la crise de la Covid, puis aujourd’hui avec l’inflation, nous conduisent à revoir et étayer régulièrement les hypothèses utilisées, souligne Thomas Ravel. Un travail de veille est ainsi nécessaire, avec le suivi notamment des recommandations de l’IPEV (International Private Equity and Venture Capital Valuation Guidelines). »

Autre spécificité de la fonction par rapport à son homologue en entreprise, sa dimension réglementaire. « Le cadre juridique et fiscal est particulièrement structurant dans notre métier, affirme Jacqui Darbyshire. En tant que gérant de fonds pour compte de tiers, nous sommes régulés par l’AMF et devons répondre à des obligations de reporting très précises. » Un rapport annuel est ainsi fourni au gendarme financier, tandis que des informations détaillées sur le portefeuille sont adressées a minima chaque semestre aux investisseurs, beaucoup de sociétés de gestion optant plutôt pour un rythme trimestriel. « Nos reportings constituent notre principal moyen de communication avec nos investisseurs, il est donc primordial de fournir une information financière fiable et pertinente », note Thomas Ravel. La montée en puissance de l’ESG et l’entrée en application progressive de la taxonomie alourdissent encore un peu plus la tâche, le directeur financier devant, en lien avec le responsable ESG, voir comment intégrer au mieux ces éléments à la communication financière.

Autant de missions qui, outre des compétences techniques évidentes, impliquent des qualités d’organisation et de management ainsi qu’une capacité à renouveler sa pratique. « Une curiosité d’esprit est nécessaire pour accompagner la société de gestion dans ses développements, pointe Romain Boisnard. Les évolutions sont nombreuses, tant sur le plan réglementaire qu’au niveau de la typologie des fonds et de leurs sous-jacents. » Des changements qui contribuent autant à la difficulté du métier qu’à son intérêt. « Même avec plus de 20 ans d’expérience, je ne m’ennuie jamais », confie Jacqui Darbyshire. Avis aux intéressés.

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