Carrière et management

Les actuaires portés par l’émergence de nouveaux risques

Publié le 8 janvier 2021 à 15h43

Anne Del Pozo

Spécialisés dans la modélisation et la gestion des risques économiques, financiers, assurantiels et sociaux, les actuaires sont très recherchés par les institutions financières et les cabinets de conseil. Entretenue par la crise sanitaire, la pénurie de candidats permet aux professionnels de bénéficier de perspectives d’évolution attractives, notamment sur le plan salarial.

Pour les actuaires en quête d’un nouveau poste, l’année 2021 démarre sous les meilleurs auspices. Au cours des dernières semaines, les offres d’emploi les concernant ont en effet fleuri, émanant tant de grandes institutions financières (BNP Paribas, HSBC, Aviva France, Groupama…) que de cabinets (EY, Aprecialis, etc.), voire d’institutions publiques (Banque de France par exemple). Une situation qui ne surprend guère les intéressés. «Notre profession est en tension et nous avons très peu d’adhérents en recherche d’emploi», témoigne Laurent Griveau, directeur de la Maison des actuaires, qui regroupe notamment l’Institut des actuaires et l’Institut du risk management, sa filiale dédiée à la formation. Ce constat est partagé par les sociétés de conseil spécialisées dans l’actuariat. «Le recrutement d’actuaires est traditionnellement compliqué en raison du manque de candidats par rapport à la demande des entreprises, confirme David Fitouchi, associé du cabinet Actuelia. Le marché est tellement sous tension que même les candidats issus d’écoles qui ne sont pas reconnues par l’Institut des actuaires trouvent un poste.» Et même si la crise sanitaire a contraint de nombreuses entreprises à geler, voire abandonner, leurs projets d’embauche, le métier d’actuaire semble totalement épargné. «Nous avons embauché cinq actuaires depuis le début de la crise actuelle», ajoute David Fitouchi.

Des missions diversifiées

La quête de ce type d’experts tient à l’importance de leurs missions pour les recruteurs. C’est le cas tout particulièrement dans le secteur des assurances, qui emploie selon la Maison des actuaires près de 70 % de la profession. «Suite à la réforme Solvabilité 2, les actuaires ont notamment pour vocation de veiller au respect des normes et règles de solvabilité des assurances», explique Norbert Gautron, président de Galea. Ils travaillent également sur les calculs des tarifs d’assurance, le provisionnement, les problématiques de réassurance et, plus généralement, sur la gestion des risques. «Ce sont les actuaires qui réalisent le calcul des primes d’assurances, en fonction de différents critères de risques et avec des méthodes de plus en plus sophistiquées, notamment de data science», complète Norbert Gautron. Dans les banques, les actuaires travaillent davantage sur les marchés obligataires que sur les marchés d’actions. «Ils sont notamment chargés de calculer les risques liés aux placements, et de réaliser de la valorisation de produits financiers parfois extrêmement complexes», poursuit David Fitouchi.

Au sein des entreprises, les actuaires sont souvent rattachés au service des ressources humaines ou à la finance. «Ils travaillent sur les rémunérations au sens large, les “benefits” sur les sujets de la santé, de la prévoyance, de la retraite ou encore de l’épargne salariale : ce sont des sujets compliqués, techniques, à forts enjeux sociaux et financiers, pour lesquels il faut définir des niveaux de garantie, signer des accords salariaux, discuter et négocier en interne avec les partenaires sociaux et en externe avec les assureurs, etc., indique Norbert Gautron. D’autre part, ce sont des engagements que les entreprises doivent estimer et provisionner, et ce dans le respect de la norme IAS 19». Dans les sociétés de conseil, enfin, les actuaires travaillent sur la réglementation, la solvabilité, la souscription ou encore l’audit (des provisions techniques à l’audit des politiques de gestion des risques). «Ils peuvent également venir en renfort directement chez les assureurs, dans les banques ou les entreprises le temps d’une mission», poursuit David Fitouchi.

Une dimension plus collaborative

Si le nombre de candidats disponibles sur le marché demeure insuffisant, c’est en partie parce que le métier d’actuaire reste largement méconnu. Pourtant, celui-ci présente aux yeux de ses promoteurs de réels arguments pour attirer les étudiants et les jeunes financiers. Déjà, l’émergence des nouvelles technologies a contribué à élargir ses prérogatives. «L’actuaire se nourrit de beaucoup de données, indique Laurent Griveau. A ce titre, et alors que les technologies de big data et d’intelligence artificielle se développent, les actuaires s’appuient sur les compétences en programmation des data scientists, qu’ils sont de plus en plus amenés à encadrer.» Le positionnement des actuaires vis-à-vis des équipes des autres départements de l’entreprise a également tendance à changer. Au-delà de ces compétences techniques, les recruteurs cherchent en effet désormais des actuaires plus communicants, capables d’expliquer les résultats de leurs travaux. En cela, ils sont de plus en plus amenés à travailler en équipe.

Enfin, ce métier est assorti de perspectives d’évolution de carrière intéressantes, comme en témoigne sa grille des salaires. Selon les cabinets de conseil spécialisés dans l’actuariat, le salaire fixe d’un actuaire junior, membre de l’Institut des actuaires, s’établit en moyenne à plus de 40 000 euros bruts par an. Il augmente ensuite régulièrement et peut atteindre jusqu’à 100 000 euros après dix ans d’ancienneté. Les perspectives d’évolution sont également intéressantes. L’actuaire peut gravir différents échelons (chargé d’études actuarielles, chargé d’étude confirmé…) et évoluer vers des fonctions managériales, tant au sein d’un service actuariat que de la direction des risques ou de la direction financière, voire, pour les profils les plus seniors, de la direction générale. Un grand nombre de directeurs généraux de compagnies d’assurances et de banques sont en effet des actuaires membres de l’Institut, à l’instar d’Anne Le Goff, directeur général délégué de Crédit Mutuel Arkea.

Des formations reconnues

Les recruteurs cherchent avant tout des actuaires issus des écoles reconnues par l’Institut des actuaires. En France, huit formations initiales bénéficient de ce label et donnent accès au statut d’actuaire associé de l’Institut des actuaires après soutenance d’un mémoire d’actuariat (niveau master). Certaines se situent à Paris : le Collège des ingénieurs, l’Ensae ParisTech, l’Essec, l’ISUP ainsi que l’Université Paris Dauphine. En province, elles sont dispensées à Brest (EurIA), Lyon (ISFA) et Strasbourg (Université de Strasbourg). Le CNAM et l’Institut des actuaires proposent également des formations continues reconnues. «80 % de nos actuaires ont obtenu un diplôme ainsi reconnu», précise David Fitouchi.

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