Recrutement

Les cabinets d’audit structurent des pôles dédiés à l’ESG

Publié le 23 avril 2024 à 11h26

Coralie Bach    Temps de lecture 7 minutes

Si les cabinets d’audit et de transaction services se positionnent depuis quelques années sur les sujets extra-financiers, la mise en œuvre du reporting imposé par la directive CSRD accélère ce mouvement, avec à la clé de nombreux recrutements de profils variés – des juristes aux ingénieurs – dans des pôles dédiés.

Déjà bien fournie en matière financière, sociale et fiscale, la liste des due diligences s’est encore allongée ces dernières années avec l’intégration des aspects ESG. Une récente étude, réalisée par l’ARFA, PwC et Option Finance1, a ainsi révélé que plus des trois quarts des entreprises accordent une attention assez importante voire très importante aux critères ESG dans le cadre de leurs acquisitions. « Le marché a évolué, constate Nicolas Cottis, associé au sein de KPMG en France. Nous le voyons notamment avec les acteurs du private equity. Il y a quelques années, seuls les investisseurs large cap nous sollicitaient pour des due diligences ESG. Aujourd’hui, les fonds mid cap comme small cap les intègrent également. Le champ de ces analyses s’est aussi élargi, avec l’intégration des risques liés aux changements climatiques ou à la biodiversité. » De nouvelles demandes qui constituent autant d’opportunités pour les spécialistes de l’audit et des transaction services, d’autant plus que la directive CSRD va progressivement accroître les obligations en matière de reporting extra-financier. « Nous recevons beaucoup de demandes pour auditer des rapports CSRD, appuie Sandrine Gimat, associée audit et RSE chez Nexia S&A. Il y a une vraie pression réglementaire, d’autant plus forte pour certaines sociétés, comme les SAS, qui n’étaient pas soumises aux précédentes obligations de reporting extra-financier. »

Des pôles dédiés en forte croissance

Les Big Four, comme les cabinets de taille intermédiaire, ont donc à cœur d’intégrer de nouvelles compétences dans leurs équipes afin de créer ou consolider une offre dédiée. « Les cabinets de conseils ont compris l’intérêt business de disposer d’un pôle dédié à l’ESG », affirme Aurélie Jourdon, cofondatrice du cabinet de recrutement spécialisé sur les métiers de la transition Omeva.

«Les missions de conseil stratégique impliquent de penser les modèles de demain, et donc de faire preuve d’une forme de créativité.»

Aurélie Jourdon cofondatrice ,  Omeva

KPMG a par exemple récemment repris le conseil spécialisé en développement durable Finexfi, tandis qu’Oderis a monté sa pratique en début d’année avec le recrutement de l’ancienne responsable développement durable de Nestlé. De son côté, Nexia S&A, qui a commencé à travailler sur ces sujets dès 2015 avec la certification des rapports RSE, a structuré une offre ESG en 2019. « Nos premiers interlocuteurs pour nos activités sont les directeurs financiers. Or, ces derniers étant de plus en plus à la manœuvre sur les sujets ESG, nous devons être en mesure de répondre à leurs attentes dans ce domaine », témoigne Sandrine Gimat. Ce pôle est aujourd’hui animé par une équipe de sept personnes, avec l’objectif de tripler de taille d’ici fin 2025. Il intervient à la fois en matière d’audit, lors d’opérations M&A ou pour évaluer la qualité des reportings extra-financiers par exemple, et en matière de conseils afin de définir et mettre en œuvre une stratégie de développement durable et aider les clients à se conformer à la réglementation en vigueur. Si au sein de Nexia S&A, la même équipe assure à la fois les missions de conseil et d’audit, « mais jamais pour le même client » précise Sandrine Gimat, KPMG a, lui, préféré structurer deux services distincts. Une dizaine d’experts sont spécialisés sur les due diligences ESG au sein du pôle transaction services, et travaillent en étroite collaboration avec le Centre d’excellence ESG. Ce dernier conduit toutes les missions d’expertise et de transformation grâce à 120 professionnels, l’objectif étant de monter à 500 personnes d’ici fin 2025. « Le choix de créer deux équipes distinctes est lié aux méthodes de travail, explique Nicolas Cottis. La conduite de due diligence ESG est assez similaire à celle de la due diligence financière. Même si les expertises diffèrent, il s’agit de pouvoir chiffrer en quelques jours ou semaines des problématiques concrètes. » Les niveaux de rémunérations sont d’ailleurs généralement équivalents. Variables selon les structures et la taille des équipes, ils peuvent tourner autour de 60-70 k€ pour un poste de manager et dépasser les 90 k€ pour un responsable de practice, aux dires de différents recruteurs. Les salaires sont par ailleurs souvent plus élevés pour des postes dédiés au conseil et à la stratégie, même si les frontières entre audit et conseil restent poreuses.

Des profils variés

Plusieurs parcours peuvent conduire à des postes de consultants ESG. Diplômés d’écoles de commerce, de masters universitaires avec mention RSE ou développement durable ou encore d’écoles d’ingénieur, sont ainsi sollicités. Les profils plus juridiques, ou spécialistes de la compliance, en mesure de suivre et d’expliquer la réglementation, sont aussi très appréciés. « L’idéal est d’avoir une diversité de profils au sein d’une même équipe », conseille Aurélie Jourdon. Sur le plan technique, ce sont les compétences en matière d’environnement qui sont les plus demandées, le « E » étant, pour l’heure, l’aspect le plus suivi par les entreprises et les investisseurs. Les ingénieurs et scientifiques, bénéficiant d’une expertise sur un domaine spécifique, comme le climat, le carbone ou la biodiversité, sont donc très recherchés. « Les cabinets de conseils se positionnant sur l’ESG sont de plus en plus nombreux, ils ont besoin de se démarquer de la concurrence en proposant une offre qui va au-delà des aspects réglementaires et conformité, grâce à quelques profils techniques apportant une expertise pointue sur un sujet », poursuit la chasseuse de têtes.

Généralistes ou spécialistes, ces professionnels doivent en tout cas assurer une veille régulière, les connaissances techniques comme la réglementation étant en perpétuelle évolution. La capacité à s’emparer de nouveaux sujets est donc essentielle tout comme les compétences d’analyse, de synthèse voire de vulgarisation. « Nos consultants doivent connaître la réalité des PME et ETI et se montrer pédagogues afin de faire comprendre aux dirigeants les enjeux de l’ESG, tant au niveau des risques que des opportunités, souligne Sandrine Gimat. Les capacités d’écoute et d’adaptation sont importantes, notre activité nous conduisant à échanger avec des interlocuteurs très variés comme des DRH, des directeurs financiers ou des responsables de production. »

Les due diligences impliquent pour leur part un rythme de travail parfois intense, similaire à celui en vigueur dans le domaine financier. « La réactivité est clé dans notre métier, rappelle Nicolas Cottis. Lorsqu’un client nous sollicite, il souhaite recevoir une première documentation dans la journée. Il faut être en capacité de fournir une analyse dans un délai court, voire très court. » Et si la réalisation de due diligence s’appuie sur une rigueur d’analyse, la capacité à sortir du cadre est aussi appréciée. « Les préconisations et missions de conseil stratégique impliquent de penser les modèles de demain, et donc de faire preuve d’une forme de créativité », souligne Aurélie Jourdon. Enfin, si le secteur du développement durable bénéficie d’une bonne image auprès des candidats, ces derniers se montrent particulièrement attentifs à la politique interne du cabinet. Mieux vaut donc pour les recruteurs que leurs engagements soient en ligne avec les missions proposées.

1. « La place des critères ESG dans les choix des décideurs financiers en M&A ».

Une expertise ouvrant plusieurs portes

S’il est possible de construire toute sa carrière dans le conseil extra-financier, en grimpant les différents échelons, une expérience en cabinet peut aussi constituer une première étape avant de basculer en entreprise en tant que collaborateur voire directeur de département de développement durable ou responsable RSE. L’expertise ESG, doublée d’une fine connaissance de l’univers M&A, ouvre aussi la voie à un poste au sein d’une société de gestion.

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