Ressources humaines

Les cabinets d’experts-comptables peinent à recruter

Publié le 6 janvier 2023 à 15h00

Anne del Pozo    Temps de lecture 8 minutes

Alors que leurs besoins en compétences ne cessent d’augmenter et de se diversifier et que les candidats aux postes de comptables se raréfient, les cabinets d’expertises comptables jouent la carte de l’apprentissage pour attirer les jeunes.

D’ici à 2025, près de 30 000 postes seraient à pourvoir dans les métiers de l’expertise comptable selon l’étude 2022 de l’Observatoire des métiers de l’expertise comptable, du commissariat aux comptes et de l’audit (Omeca), réalisée en partenariat avec l’OPCO Atlas. « Outre les départs à la retraite et le renouvellement des personnes en poste, ce sont près de 13 000 emplois qui devraient ainsi être créés sur le cœur de métier de l’expertise comptable : assistants comptables, gestionnaires de paie, collaborateurs comptables généralistes et spécialisés, etc. », précise Dominique Hubert, administrateur et membre du bureau de l’OPCO Atlas et porte-parole de la délégation patronale de la branche expert-comptable et commissaire aux comptes. Un constat également relevé par le Conseil national de l’ordre des experts-comptables qui, lors du 77e congrès de la profession en septembre dernier, annonçait des recrutements en hausse de 6,2 % par an. « Il manquerait d’ailleurs environ 10 000 collaborateurs par an sur les différents métiers exercés dans les cabinets d’experts-comptables », déplore Charles Basset, coprésident du comité attractivité du Conseil national de l’ordre des experts-comptables.

Une profession en mutation

La croissance de l’offre d’emplois et des recrutements sur ces métiers de la comptabilité est portée par différents éléments conjoncturels. « De plus en plus d’entreprises et en particulier les TPE et PME externalisent auprès de cabinets d’experts-comptables la gestion de leur paie et de leur comptabilité en raison notamment de leurs propres difficultés de recrutement sur ces profils », souligne Matthieu Cassan, consultant senior Fed Finance, division comptabilité et finance d’entreprise. Parallèlement, la digitalisation de nombreuses missions dévolues aux cabinets d’experts-comptables nécessite de s’appuyer sur de nouvelles compétences ou a minima, de former les collaborateurs internes. « La data est plus que jamais au cœur des métiers de la comptabilité, ajoute Dominique Hubert. Aujourd’hui, nous devons savoir la collecter, l’analyser, la qualifier et la restituer de manière numérique. La digitalisation des processus comptables va par ailleurs se renforcer avec l’obligation de passage à la facturation électronique. »

Face à cette évolution, de nouvelles fiches de postes apparaissent au sein des cabinets comptables telles que les data assistants, data contrôleurs ou encore data superviseurs. « Outre les compétences métier sur la comptabilité qui restent indispensables, ces nouveaux profils doivent également être à l’aise avec toutes les technologies digitales actuelles », précise Dominique Hubert. D’autre part, au-delà de la comptabilité et de la paie qui restent au cœur de leur activité et de leurs prestations de conseils en gestion de patrimoine, en investissements ou encore en optimisation fiscale (mise en place par exemple de certains crédits d’impôt), les cabinets d’experts-comptables commencent à proposer de nouvelles prestations notamment autour de la gestion des ressources humaines ou de la digitalisation des processus comptable ou de paie. « Sur ces missions d’accompagnement et de conseils, certains métiers émergent au sein de nos cabinets tels les consultants en ressources humaines qui peuvent par exemple accompagner les entreprises dans la mise en place de leur règlement intérieur, la préparation de l’élection de leur comité social et économique (CSE) ou encore pour les accompagner dans la mise en place des entretiens professionnels, précise à ce sujet Dominique Hubert. Certains cabinets recrutent également des consultants en système d’information ou en cybersécurité pour accompagner les entreprises dans leur propre transformation digitale, voire des data analystes. » Enfin, les cabinets d’experts-comptables sont également de plus en plus sollicités par les entreprises pour les accompagner dans la mise en place de leur stratégie RSE et d’indicateurs de suivi en la matière.

«Les jeunes générations préfèrent s’orienter vers du contrôle de gestion, de l’analyse des comptes, des marges, des coûts, etc. »

Matthieu Cassan Consultant senior ,  Fed Finance, division comptabilité et finance d’entreprise

Des formations en alternance pour attirer les talents

Face au développement de l’offre, les cabinets d’experts-comptables peinent à recruter. « Les jeunes générations sont de moins en moins attirées par les métiers purement comptables, constate Matthieu Cassan. Elles préfèrent s’orienter vers du contrôle de gestion, de l’analyse des comptes, des marges, des coûts, etc. » D’ailleurs, dès qu’ils se lancent dans des études de comptabilité et qu’ils ont un bon niveau, les jeunes tendent à poursuivre leurs études après l’obtention de leur BTS en comptabilité pour passer le DCG (diplôme de comptabilité gestion) puis le DSCG (diplôme supérieur de comptabilité gestion) ou un master 2 CCA (comptabilité, contrôle et audit). Pour faire face à l’augmentation et à la diversification de la demande, les cabinets de recrutement ont donc tout intérêt à profiter de l’engouement actuel des jeunes pour la formation en alternance. Un engouement qui profite d’ailleurs à la profession : selon l’OPCO Atlas, elle compte aujourd’hui 12 000 alternants, contre 4 000 avant la réforme de 2018 sur l’apprentissage. Dans son baromètre des métiers de l’expertise comptable, du commissariat aux comptes et de l’audit de juillet 2022, l’Omeca note pour sa part qu’en 2021 l’alternance a constitué un levier majeur de formation et de recrutement pour la branche. Plus de 8 cabinets sur 10 ont embauché un ou plusieurs jeunes en alternance. « Ainsi, les formations en comptabilité en alternance font figure de modèle car elles sont proposées à tous les niveaux de diplômes », précise Dominique Hubert.

Les services comptables des entreprises également à la peine

La pénurie de candidats en comptabilité touche également les entreprises. « Aujourd’hui, les profils de candidats que nous recevons pour des postes en comptabilité dans les entreprises sont de plus en plus des assistants administratifs ayant déjà rempli des missions comptables, constate Matthieu Cassan, consultant senior Fed Finance, au sein de la division comptabilité et finance d’entreprise. Rares sont les comptables de formation avec une petite expérience. Pour rendre leur fiche de poste plus attractive auprès des comptables, elles n’ont d’autres choix que de répondre à leurs attentes en termes de rémunération, qui dépassent facilement les 35 000 euros pour des profils de comptables généraux (hors région parisienne où cette augmentation a eu lieu depuis bien longtemps déjà) et/ou de diversifier les missions en leur proposant du contrôle de gestion ou de la gestion de cash. »

Une fidélisation des comptables via des hausses salariales

Toute la difficulté pour les cabinets d’experts-comptables consiste néanmoins à fidéliser leurs alternants une fois leur diplôme en poche. « La moitié des alternants en cabinets d’expertise comptable vont en entreprise après leur formation », regrette Charles Basset. Un enjeu de fidélisation qui dépasse d’ailleurs les seuls alternants et concerne l’ensemble des collaborateurs. D’après l’Omeca, il concerne ainsi un quart des cabinets, voire un tiers pour ceux qui ont entre 10 et 49 salariés. Face à ces difficultés, les cabinets comptables ont ou vont activer différents leviers : hausse des rémunérations (42 %), accompagnement de la montée en compétences des salariés (37 %), actions en faveur de la cohésion et du bien-être au travail (34 %) ou de l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle (33 %). Parallèlement, pour mieux sensibiliser et former aux métiers de la comptabilité, le Conseil national de l’ordre des experts-comptables mène pour sa part plusieurs initiatives. « Nous avons par exemple lancé une campagne de communication “Un collaborateur/un apprenti” dans le cadre de laquelle nous insistons sur l’intérêt de l’alternance face aux difficultés de recrutement, précise Charles Basset. Nous continuons également de promouvoir le label “Ecole de la profession” auprès des établissements qui forment aux métiers de la comptabilité et en particulier au DUT .» La profession fait également preuve d’initiatives innovantes. A l’occasion du dernier Congrès des experts-comptables, le Conseil national de l’ordre des experts-comptables a ainsi organisé des jobs dating avec l’APEC, Pôle emploi et Meteojob. Des entretiens de 15 minutes et des TEDx ont également été mis en place afin d’aider les candidats présents à maîtriser les fondamentaux de la recherche d’emploi. 

«Outre les départs à la retraite et le renouvellement des personnes en poste, ce sont près de 13 000 emplois qui devraient ainsi être créés sur le cœur de métier de l’expertise comptable. »

Dominique Hubert Administrateur et membre du bureau de l’OPCO Atlas ,  Porte-parole de la délégation patronale de la branche expert-comptable et commissaire aux comptes

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