Métier

Les consolideurs toujours autant convoités

Publié le 14 octobre 2025 à 8h00

Anne del Pozo    Temps de lecture 9 minutes

Sur un marché de l’emploi globalement moins porteur, mais qui reste en leur faveur, les consolideurs voient leur métier évoluer en raison de l’arrivée de nouvelles réglementations et de la digitalisation de la fonction.

Les études sont unanimes : le métier de consolideur demeure en tension. Les consolideurs caracolent même en tête des « jobs en or de la rentrée 2025 » de Robert Half. « Il n’y a pas actuellement plus ou moins de postes que d’habitude à pourvoir, nuance Alexandra Maubert Proniewski, présidente d’Alex Nicols. En revanche, les candidats disponibles sont toujours aussi rares, ce qui rend leur recrutement plus compliqué. » Pour trouver un candidat, les entreprises n’ont aujourd’hui souvent d’autre choix que de se tourner vers un cabinet de recrutement. « La démarche est toujours longue, car les consolideurs sont souvent en poste. Même les profils très juniors sont difficiles à trouver », constate ainsi Alain Ghersi, directeur consolidation du groupe La Poste et co-leader du groupe Club consolidation et reporting au sein de l’Association des professionnels et directeurs comptabilité et gestion (APDC). D’autant plus que jusqu’à récemment, les grands principes de la consolidation ne faisaient l’objet que de quelques heures de cours dispensés par exemple dans les formations en master en finance d’entreprise, en comptabilité ou en contrôle de gestion. « Pendant ma formation en école de commerce orientée comptabilité et audit, je n’avais que 10 heures de cours par an en consolidation, se souvient Mylène Lagarde, responsable consolidation de Fives et adhérente de l’APDC. Nous constatons néanmoins aujourd’hui une prise de conscience des écoles et universités sur le sujet et une volonté de leur part de mieux former les jeunes en consolidation. L’université Paris Dauphine propose ainsi depuis quelques années un executive master orienté consolidation. » Si, auparavant, on venait à la consolidation par hasard, aujourd’hui, on se forme donc de plus en plus sur ce métier, même si les cursus entièrement dédiés à la consolidation restent rares. Il arrive également que les notions de consolidation enseignées en cours suffisent à éveiller des vocations pour le métier. « J’ai découvert la consolidation pendant ma licence en management et gestion des organisations, explique Emma Verdelet, désormais étudiante en master CCA à l’université Paris Dauphine et actuellement en stage au sein de la direction de la consolidation chez Bouygues SA et mentorée par l’APDC. Cette matière m’a tout de suite attirée car elle est plus technique que la comptabilité, notamment avec les IFRS et les mises à jour réglementaires permanentes qu’elle impose. »

Le conseil, souvent point de départ des carrières de consolideurs

Cependant, rares sont les jeunes diplômés qui décrochent un poste de consolideur en entreprise dès leur entrée dans le monde du travail. Généralement, ils font leurs premières armes en cabinet d’audit ou dans des sociétés de conseil. Un parcours notamment suivi par Mylène Lagarde qui, après un stage en consolidation chez KPMG pendant ses années d’études, a ensuite été embauchée par le cabinet de conseil et d’audit. « C’est seulement après quelques années chez KMPG que j’ai été approchée par un cabinet de recrutement pour intégrer Fives en qualité de consolideur », explique Mylène Lagarde. Alain Ghersi, diplômé d’une école d’ingénieurs, a pour sa part fait ses premiers pas en consolidation chez Mazars. « Lorsque j’ai commencé ma carrière professionnelle, Mazars recrutait notamment des ingénieurs pour les former ensuite aux métiers de l’audit financier, indique Alain Ghersi. J’ai immédiatement été orienté vers des missions de consolidation puis je me suis fait débaucher par Areva pour prendre la responsabilité de la consolidation de la branche Cogema. Depuis, mon parcours professionnel est principalement tourné vers les métiers de la consolidation. » D’ailleurs, la consolidation est généralement un métier dans lequel les professionnels évoluent, en prenant des responsabilités supplémentaires au sein de leur organisation ou dans une autre entreprise. « Il arrive également que les consolideurs décrochent ensuite des postes de directeur de la comptabilité, directeur financier ou directeur du contrôle de gestion », poursuit Alain Ghersi.

«La mise en place de Pilier 2 renforce la collaboration entre consolideurs et fiscalistes.»

Alain Ghersi directeur consolidation, Groupe La Poste ,  co-leader du groupe Club consolidation et reporting, APDC

Un métier d’expert et de production

Quels que soient leur formation et leur parcours professionnel, les consolideurs doivent avoir une solide base en finance, en comptabilité et en techniques de consolidation. « La connaissance sur les normes comptables comme les IFRS devient indispensable », explique Alexandra Maubert Proniewski. Au-delà de leur expertise technique métier, la maîtrise de l’anglais est également requise pour les consolideurs qui souhaitent évoluer dans des structures internationales. « Tous doivent également savoir faire preuve d’autonomie et d’adaptabilité, avoir de fortes capacités d’analyse et un bon esprit de synthèse pour remplir leurs missions, dont la complexité va dépendre de leur périmètre d’intervention », ajoute Alexandra Maubert Proniewski.

Dans le cadre de leurs missions, les consolideurs ont en effet pour vocation de définir le périmètre de consolidation et la méthode de consolidation à mettre en place pour ensuite produire les états financiers consolidés du groupe (bilan, compte de résultat, liasse, reporting, etc.) selon des périodes déterminées : annuelles, mensuelles ou trimestrielles. « Il leur revient chaque année de s’assurer que ce périmètre et cette méthode de consolidation n’ont pas évolué, ce qui peut par exemple être le cas s’il y a eu des cessions ou des acquisitions, poursuit Alexandra Maubert Proniewski. Ils vont ensuite agréger les comptes des filiales, éliminer les intercos et certains flux (achats, ventes, dettes ou créances, capitaux propres), travailler sur le retraitement des données, selon les normes en vigueur dans le groupe (IFRS, US GAAP…). » In fine, les consolideurs permettent aux entreprises d’avoir une vision globale de leur performance financière et de leur rentabilité. En dehors des périodes de production des comptes consolidés, ces professionnels du chiffre sont également amenés à travailler sur des projets comme la mise en place de nouvelles normes comptables. La veille normative sur les règles comptables fait également partie de leurs prérogatives. « Actuellement, les équipes consolidation de Bouygues SA travaillent ainsi sur la mise en place de la norme IFRS 18, notamment pour l’activité construction du groupe, qui dispose de plusieurs filiales à l’étranger », explique Emma Verdelet. Cette norme introduit en effet des changements profonds dans la manière dont les entreprises présenteront leurs états financiers à compter des exercices ouverts au 1er janvier 2027 (application anticipée possible), avec une application rétrospective. Cela signifie que les comparatifs 2026 devront être retraités dès les comptes intermédiaires du 30 juin 2027.

Par ailleurs, de nombreux consolideurs travaillent sur la digitalisation de leurs processus métier ou la modernisation de leur système d’information en place. « Depuis plus de 20 ans, nous nous appuyons sur le logiciel de consolidation SAP CFC, témoigne ainsi Alain Ghersi. A compter de 2030, SAP n’en assurera plus la maintenance. Notre maison mère, la Caisse des Dépôts et Consignations, a donc lancé un appel d’offres pour le choix d’un nouvel outil de consolidation puis d’un intégrateur. Un projet important auquel nous participons activement et qui va encore nous occuper plusieurs années. Actuellement, nous travaillons par exemple sur la révision du plan de comptes et la hiérarchie des données à collecter pour la production des comptes consolidés. »

Une profession de moins en moins cloisonnée

Enfin, les consolideurs, longtemps considérés comme des comptables, s’ouvrent aujourd’hui de plus en plus aux autres départements de l’entreprise. « Au regard notamment des évolutions normatives et réglementaires, nous avons davantage de demandes d’informations des différents services de notre entreprise, alors qu’il y a encore quelques années, nous avions moins d’interactions en interne », constate Mylène Lagarde. Par ailleurs, certaines évolutions réglementaires, notamment fiscales, se basent sur des informations consolidées et nécessitent une plus forte collaboration entre consolideurs et fiscalistes. C’est notamment le cas avec Pilier 2, qui vise à assurer une imposition minimale de 15 % dans toutes les juridictions dans lesquelles un groupe d’entreprises multinationales ayant un chiffre d’affaires d’au moins 750 millions d’euros est implanté. « Avec Pilier 2, c’est la première fois que les entreprises vont payer un impôt sur la base de données consolidées, précise Alain Ghersi. A cet effet, les fiscalistes ont besoin de s’appuyer sur nous pour la collecte des données et la mise en place d’une gouvernance de données à l’échelle des différents pays dans lesquels nous avons des filiales. » C’est également le cas pour la réglementation CbCR (country-by-country reporting) dans le cadre de laquelle les administrations fiscales des pays membres de l’OCDE imposent aux entreprises de réaliser une déclaration pays par pays de leurs résultats économiques, comptables et fiscaux. En effet, si ces déclarations sont réalisées par les équipes fiscales, elles nécessitent néanmoins de s’appuyer sur des informations consolidées délivrées par les équipes consolidation.

Des rémunérations attractives

Consolideur junior : entre 40 et 48 k€/an

Consolideur avec cinq à sept ans d’expérience : 70 k€/an

Responsable consolidation : à partir de 80 k€/an

Directeur de la consolidation : entre 90 et 150 k€/an selon la taille du groupe

Source : Alex Nicols

L'info financière en continu

Chargement en cours...

Dans la même rubrique

Le mentorat dans la finance accompagne les choix de parcours professionnels

Bien plus qu’une formation, du coaching privé ou du conseil, les programmes de mentorat s’inscrivent...

Comment favoriser la mixité dans le private equity ?

Mettre en avant des rôles modèles pour susciter des vocations, revoir les processus RH ou encore...

Trésorier : un métier toujours en tension

Face à un manque criant de candidats, les trésoriers restent toujours aussi difficiles à recruter....

Voir plus

Chargement en cours...

Chargement…