Organisation

Les directions financières s’adaptent au télétravail

Publié le 29 avril 2022 à 14h29

Anne del Pozo    Temps de lecture 7 minutes

Alors que le travail hybride mixant télétravail et présentiel devient une norme, les directions financières se doivent d’adapter leurs méthodes de management. Cette évolution porte davantage sur la capacité du manager à maintenir le lien avec les salariés et à préserver son leadership, que sur les processus métiers.

Désormais bien installé dans de nombreuses entreprises, le travail hybride distanciel/présentiel nécessite une adaptation des modes de management, tant en termes d’organisation que de pilotage. Une nouvelle donne à laquelle les directions financières ont dû se plier au regard de l’augmentation des jours télétravaillés au sein de leur équipe depuis la crise du Covid. D’après une enquête Gartner (2020) 74 % des DAF disaient en effet s’attendre à une telle augmentation. « Même si avant le premier confinement lié au Covid-19 nous avions déjà signé un accord de télétravail pour un jour par semaine, depuis, le travail à distance s’est largement renforcé dans notre entreprise, précise Jean-Luc Izoard, directeur financier et administratif d’Ellisphere. D’ailleurs, nous proposons aujourd’hui à nos équipes jusqu’à 2,5 jours en moyenne de télétravail par semaine. » La crise sanitaire a en effet permis de banaliser le recours au télétravail, y compris dans les métiers du chiffre. 90 % des DAF interrogés dans le cadre de l’étude Gartner estiment ainsi que leurs opérations de clôture comptable peuvent se dérouler à distance, efficacement et sans perturbation. Selon une autre étude Blackline publiée en septembre 2021 et menée auprès des cadres de la finance, le télétravail, autrefois pointé du doigt en 2020 comme étant la deuxième cause de méfiance sur la qualité du travail (36 % des sondés), n’est plus jugé « responsable » de cette méfiance que pour 3 % des personnes interrogées en 2021.

«Toutes les équipes doivent se croiser au moins une fois dans la semaine, afin de préserver le lien social et une dynamique de groupe essentielle à leur bon fonctionnement.»

Jean-Luc Izoard Directeur financier ,  Ellisphere

Une révolution culturelle pour les DAF

Pour autant, si le métier des DAF ne change pas et que ces derniers semblent désormais rassurés sur la possibilité de le mener hors du site, leur posture en tant que manager évolue pour s’adapter à ce nouveau mode de travail. « Il s’agit pour le DAF d’une véritable révolution culturelle, explique Pascal Ferron, vice-président de Walter France. En plus de ses compétences techniques et métiers, il doit également assurer la cohésion de l’équipe alors même que les collaborateurs ne sont plus systématiquement sur site. » Le DAF, qui ces derniers mois était avant tout un véritable business partner, doit en effet accentuer son rôle de manager. « Je passe aujourd’hui une grande partie de mon temps à manager, organiser, motiver, gérer le télétravail », précise Laurence Branthomme, directrice des affaires financières d’Eurazeo, dont les collaborateurs ont désormais la possibilité de faire deux jours de télétravail par semaine. Laurence Vasseur, DAF chez Smurfit Kappa, est pour sa part plus mesurée. « La fonction financière reste une fonction d’expert, temporise-t-elle. Cependant, il est vrai qu’on ne peut être un bon DAF aujourd’hui si on n’est pas également un leader. » Cela nécessite que les DAF se dégagent du temps pour réfléchir aux nouveaux projets, à ce qui doit être reconsidéré et, enfin, à la manière d’améliorer leur management.

Des capacités d’écoute indispensables pour éviter les décrochages

« Cette réflexion est d’autant plus importante à mener que les pratiques managériales qui laissaient déjà à désirer en présentiel se révèlent encore plus faibles en distanciel, rappelle Marie-Pierre Delannoy, consultante coach. Le management en mode top down, ou “command and control”, qui commençait déjà souvent à montrer ses limites en présentiel, s’est révélé encore moins acceptable en distanciel. » Lorsqu’une partie du travail se fait en dehors des bureaux, la relation avec les collaborateurs prend encore plus d’importance, et notamment les temps d’échange programmés pour écouter leurs besoins et problèmes éventuels. « Nous devons être davantage à l’écoute de nos collaborateurs et veiller à ce qu’ils ne s’isolent pas », insiste Jean-Luc Izoard. 

Le manque de lien entre les collaborateurs et leur manager peut créer des dommages collatéraux tels que des burn-out, des pertes d’esprit d’entreprise, d’engagement, de motivation, de fidélisation… « Il faut savoir capter les signaux faibles chez les collaborateurs et ne pas se concentrer uniquement sur les problèmes métiers », ajoute Pascal Ferron. Cette détection n’est pas des plus faciles. En effet, si les collaborateurs se trouvant à distance sont souvent plus efficaces dans leur travail, il leur arrive aussi fréquemment d’avoir du mal à gérer leur temps de travail ou à ne pas mélanger vie privée et vie professionnelle. Il revient alors au manager de bien identifier, voire anticiper, ces éventuelles difficultés du quotidien. « A cet effet, il est indispensable qu’ils passent d’un management global à un management individuel, poursuit Pascal Ferron. Il s’agit d’une posture qui ne leur vient pas naturellement et qu’ils doivent donc faire évoluer. »

Un cadrage nécessaire des réunions virtuelles

Par ailleurs, la manière dont les réunions sont animées est également importante. Pour favoriser l’engagement, il convient d’aller au-delà de la seule présentation du sujet de la réunion. « C’est d’autant plus vrai dans les métiers du chiffre, et quand on parle de réunions virtuelles », ajoute Marie-Pierre Delannoy. Il est donc conseillé au manager d’adapter la façon dont il pilote sa réunion, par exemple, en raccourcissant sa durée, en proposant des outils qui permettent aux collaborateurs d’interagir en temps réel (boîte de dialogues, réactions en ligne pour poser une question, exprimer une idée…), en prévoyant des temps de questions/réponses. « La réunion virtuelle peut également gagner en qualité dès lors que le manager demande à ses collaborateurs de présenter ou d’animer eux-mêmes des séquences particulières, car cela donne du rythme et favorise la participation, poursuit Marie-Pierre Delannoy. Ceux-ci doivent alors nécessairement préparer leur intervention pour capter l’attention de tous, et se trouvent de ce fait beaucoup plus parties prenantes du travail réalisé en commun. »

D’ailleurs, pour éviter les dérapages et les frustrations lors d’une réunion virtuelle, il est fortement conseillé que le manager cadre en amont les prises de parole des uns et des autres ainsi que les sujets qui y seront abordés.

Parallèlement, il lui faut également donner une nouvelle dynamique aux échanges. « Même si nous avons formalisé les “papotages informels” à la fin de notre réunion hebdomadaire du vendredi, le présentiel reste indispensable pour favoriser la créativité », précise Laurence Vasseur. La présence au bureau doit permettre à chacun de se retrouver, que ce soit en réunion ou de manière informelle. « Il s’agit d’ailleurs de la seule contrainte que j’impose à mes équipes dans le cadre du travail “hybride” : que tous puissent se croiser au moins une fois dans la semaine, afin de préserver le lien social et une dynamique de groupe essentielle au bon fonctionnement des équipes », conclut Jean-Luc Izoard. Le télétravail permanent n’est pas pour demain. 

Les bonnes pratiques pour un management à distance 

Pour piloter efficacement la performance au sein d’une organisation en distanciel, et notamment créer et maintenir le lien de confiance au sein des équipes, il est essentiel de mettre en place certaines bonnes pratiques. 

  • Recours à des solutions de communication et de collaboration : elles offrent la possibilité d’échanger en temps réel via un chat, pour plus de réactivité et d’efficacité. Elles permettent d’organiser des visioconférences pour maintenir le contact (et, in fine, l’engagement) avec les collaborateurs et de partager des documents pour faciliter le travail en équipe. Elles centralisent l’accès aux informations.
  • Evolution des postures managériales : une formation ou une sensibilisation des managers aux postures managériales à adopter pour piloter ses équipes à distance est indispensable. Elles permettent notamment de remettre l’humain au cœur des pratiques managériales.

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