Voie royale pour faire carrière au sein de banques française, l'inspection générale constitue un vivier de futurs dirigeants, dans la mesure où elle permet à ses auditeurs d'avoir une vision précise de toutes les activités d'un groupe bancaire. Constituée d'une équipe de plus de 200 personnes, l'inspection générale chez BPCE procède ainsi chaque année à plusieurs vagues de recrutements. L'occasion pour les jeunes cadres, lors de chacune d'entre elles, de faire au mieux leurs premiers pas dans ce métier exigeant.
Il flotte comme un air de rentrée en cette chaude journée de juin. Au sein des locaux de BPCE, les futurs inspecteurs de la banque sont accueillis par des « parrains » et « marraines » engagés au sein de l’inspection générale du groupe un an plus tôt. Alors que la canicule est annoncée pour les prochains jours, la tenue est soignée – chemise et même cravate pour certains garçons. Jeunes diplômés d’écoles de commerce et d’ingénieur ou bien disposant de quelques années d’expérience, les dix-sept membres de la nouvelle promotion débutent une formation d’un mois avant de plonger dans le grand bain des missions d’audit au sein des différentes filiales de la banque. Agés d’une vingtaine d’années, ils sont neuf à rejoindre les rangs des inspecteurs spécialisés en audit bancaire, six en informatique et deux en quantitatif. Ils compléteront ainsi un effectif de près de 230 collaborateurs, dont 190 inspecteurs, âgés en moyenne de 30 ans.
Chargés d’évaluer la bonne maîtrise des risques dans l’ensemble des établissements de la banque, les nouveaux inspecteurs généraux ont été sélectionnés parmi plus de 900 CV. Les candidats ont en effet planché sur une épreuve écrite de mise en situation professionnelle avant de réaliser un entretien collectif puis de se présenter devant un jury composé d’inspecteurs principaux. Si deux grandes campagnes de recrutement ont lieu chaque année, la prochaine se déroulant de septembre à mi-novembre, certains postes peuvent être pourvus au fil de l’eau, notamment pour les profils les plus recherchés comme ceux d’ingénieurs. L’année dernière, 57 inspecteurs ont ainsi été recrutés en CDI, parmi lesquels 48 % de femmes, pour un salaire d’environ 47 000 euros.
Une découverte de tous les métiers de la banque
Pour toutes les jeunes recrues, l’intégration débute donc par un premier mois de formation dans les locaux de l’inspection générale. « Il s’agit de semaines de formation assez denses avec des thématiques variées : comptabilités financière et bancaire, exigences prudentielles, fraudes, fonctionnement interne de BPCE , etc. », se souvient Fernand, inspecteur en informatique venu accueillir la nouvelle promotion. Dès leur premier jour, les nouveaux inspecteurs révisent ainsi les fondamentaux à travers une présentation du groupe et de ses différentes entités. Encadrés par Louis Vrac, inspecteur principal en charge du secrétariat général de l’inspection générale, et Caroline Chabiron, responsable ressources humaines et formation, les nouvelles recrues sont attentives. Certains prennent des notes, d’autres interviennent lorsque le besoin de précisions se fait sentir. Ainsi, les questions fusent autour de la notion de sociétaires, ces clients qui détiennent des parts de leur banque et participent aux décisions des différentes caisses du groupe.
«L’objectif de l’inspection générale est de former la relève qui construira la banque de demain.»
A travers leur poste, les nouveaux inspecteurs auront l’occasion de mieux cerner les différentes facettes du groupe et des métiers bancaires. « Vous entrez dans le groupe par une porte intéressante : vous avez encore le choix de ne pas vous spécialiser, de découvrir toutes les facettes de la banque et de rencontrer des dirigeants avec qui vous aurez envie de travailler », affirme en préambule Louis Vrac, pour qui l’objectif de l’inspection générale est de « former la relève qui construira la banque de demain ». Cependant, l’inspecteur principal les avertit : les missions ne seront pas de tout repos. « Vous vous rendrez chez des dirigeants pour leur dire que leur chambre est mal rangée, c’est-à-dire que leur établissement présente des axes de progression ou d’amélioration, prévient-il. Dans le cadre de vos missions, vous aurez accès à tous les documents que vous demanderez mais aussi à n’importe quelle personne de l’entité, y compris les directeurs généraux et présidents. »
Une fois leur mois de formation terminé, les nouvelles recrues effectueront en effet leur premier audit au sein d’une équipe comptant 5 à 15 inspecteurs. D’une durée moyenne de trois mois, les missions, à raison d’une trentaine par vague, recouvrent des thématiques variées. BPCE doit en effet réaliser l’audit de chaque entité du groupe au moins une fois tous les quatre ans, une exigence réglementaire qui fait l’objet de contrôles de la part de la Banque centrale européenne (BCE). Au cours de ces missions de plusieurs semaines, les inspecteurs auront à réaliser des entretiens, produire des analyses et rédiger des synthèses qui seront ensuite transmises aux dirigeants du groupe. Rattachée directement au président du directoire de BPCE, Nicolas Namias, l’inspection générale constitue la « troisième ligne de défense » en matière de contrôle au sein du groupe, en complément des responsables de chaque métier et des contrôles permanents réalisés au sein des filiales.
Des missions exigeantes
Pour décider des affectations, les inspecteurs sont invités à remplir un questionnaire afin de faire connaître leurs préférences. C’est en fonction de leurs réponses et de leur profil que leur sera attribuée telle ou telle mission. Certains auront ainsi l’occasion de partir à l’étranger dans l’une des filiales du groupe ou de découvrir des régions tricolores lors d’une inspection dans l’une des caisses régionales. Cependant, les inspecteurs n’auront que peu de temps pour faire du tourisme. « Lors de ma première mission, mes journées se terminaient vers 21 heures, se souvient Fernand. Les missions sont denses avec de nombreux entretiens à mener. Le piège est de se retrouver à travailler chez soi le soir ; cela nous oblige à être organisés et efficaces, ce qui s’acquiert aussi avec l’expérience. » Les nouveaux inspecteurs verront ainsi leur période d’essai validée généralement au cours de leur deuxième mission. « Il s’agit d’un parcours sélectif, prévient Christine Jacglin, directrice générale adjointe en charge de l’inspection générale du groupe BPCE. Si une partie des candidats ne terminent pas le parcours de l’inspection, car ils se rendent compte que ce métier n’est pas fait pour eux, ils ont la possibilité de s’orienter vers de nouvelles opportunités offertes au sein du groupe. »
«Les inspecteurs bénéficient de belles perspectives de carrière et certains dirigeants apprécient de recruter ce type de profils.»
Parcours exigeant, l’inspection générale offre toutefois des perspectives rapides d’évolution. Après trois ans en tant qu’inspecteurs, les collaborateurs peuvent choisir de poursuivre comme seconds de mission durant un an avant d’être nommés chefs de mission pour une durée de deux ans. Ils seront alors chargés de superviser une équipe et auront la responsabilité de restituer les enseignements de la mission aux dirigeants de la banque. Entrés au sein du groupe en 2019, Victoria et Antoine ont ainsi fait le choix d’effectuer l’ensemble du parcours proposé au sein de l’inspection générale. « Cela n’a pas été un long fleuve tranquille car le métier demande beaucoup d’efforts mais je ne regrette pas car c’est un parcours épanouissant, notamment parce qu’il s’agit d’un travail d’équipe », témoigne Antoine. Un constat partagé par Victoria qui s’est également « posé beaucoup de questions » en raison des exigences du métier. « Au départ, notre promotion comptait 25 inspecteurs mais nous ne sommes que quatre à avoir réalisé l’ensemble du parcours, ajoute-t-elle. Des portes de sortie existent avec des mobilités en interne pour ceux qui le souhaitent mais je suis fière des six dernières années passées à l’inspection générale, même si cela a demandé certaines concessions. » Leur parcours au sein de l’inspection générale terminé, Victoria rejoindra la direction stratégique de la Bred et Antoine complétera les rangs de la Caisse d’Epargne des Hauts de France.
Une porte d’entrée vers des postes de direction
Qu’ils choisissent d’effectuer trois ou six ans, les inspecteurs ont la possibilité de réaliser des mobilités au sein du groupe, avec l’avantage d’avoir pu découvrir une grande variété de métiers au cours de leurs missions. C’est ce qui a séduit Elie qui vient de rejoindre la nouvelle promotion : « J’ai été convaincu par la possibilité de couvrir différents sujets, endroits et filiales, tout en étant en contact avec les dirigeants. » Si, de son côté, Aya, après une alternance réalisée au sein de Natixis AM, a aussi été attirée par la transversalité des audits à réaliser, elle souligne également l’esprit d’équipe qui règne au sein de l’inspection générale : « Les missions se déroulent aussi bien dans la banque de détail que dans la gestion d’actifs, le tout au sein d’une équipe jeune où l’entraide est importante. »
Accélérateur de carrière, le métier d’inspecteur a été la porte d’entrée au sein du groupe pour de nombreux dirigeants de la banque, à l’instar de Stéphanie Paix, ancienne directrice générale de Natixis devenue senior advisor auprès de Nicolas Namias, ou de Fabrice Gourgeonnet, directeur général du pôle Solutions et expertises financières (SEF) et membre du comité de direction générale de BPCE. « Les débouchés varient en fonction des aspirations des collaborateurs, souligne Christine Jacglin. Les inspecteurs bénéficient de belles perspectives de carrière et certains dirigeants apprécient de recruter ce type de profils. » Les exemples sont ainsi nombreux d’inspecteurs occupant désormais des postes au sein des directions marketing, commerciale ou stratégique au sein des différentes filiales de BPCE.
Les autres banques recrutent aussi au sein de leur inspection générale
La plupart des grandes banques recrutent, elles aussi, au sein de ce vivier de l’inspection générale.
Au sein de La Banque Postale, environ 25 inspecteurs rejoignent les rangs du groupe lors de trois sessions de recrutement organisées tout au long de l’année. Après des sélections ayant lieu sur une journée, avec des épreuves écrites et des entretiens, ils rejoignent l’entreprise en janvier, mai ou septembre.
L’inspection générale de BNP Paribas recrute 250 à 300 collaborateurs chaque année, dont 100 en France l’année dernière. Après une phase de recrutement qui comprend une analyse des CV, des entretiens RH et avec des opérationnels, ainsi que des tests et cas pratiques pour évaluer le niveau d’anglais et la capacité d’analyse et de synthèse, les candidats, qui peuvent postuler tout au long de l’année, sont intégrés lors de trois sessions en avril, septembre et décembre.
Chez Crédit Agricole, quinze à vingt collaborateurs sont embauchés chaque année au sein de l’entité cotée du groupe et une trentaine au sein de Crédit Agricole CIB. Au sein de chaque entité, trois vagues d’intégration ont lieu chaque année (janvier, mai et septembre) après une phase de sélection qui comprend des tests de raisonnement et d’anglais et des tests techniques en fonction de la spécialité ainsi qu’une étude de cas réalisée en anglais. Des entretiens sont également réalisés avec les ressources humaines et des membres de l’inspection générale.
Du côté de Société Générale, la banque rouge et noire recrute chaque année une quarantaine d’inspecteurs. La campagne d’inscription ouvre en septembre puis des tests de logique et de personnalité sont réalisés en ligne en décembre. D’autres épreuves (études de cas, synthèse, entretien RH...) sont réalisées en janvier avant un grand oral en février ou mars. Une fois toutes ces étapes franchies, une promesse d’embauche est signée fin mars pour une intégration en septembre ou en janvier de l’année suivante.