Recrutements

Pénurie de candidats : les entreprises adaptent leurs méthodes

Publié le 6 juillet 2022 à 9h53

Anne del Pozo    Temps de lecture 7 minutes

Alors que le marché de l’emploi dans la finance est sous tension depuis le début de la crise sanitaire, les entreprises revisitent leurs processus de recrutement pour mieux cibler et attirer les candidats. Une démarche qui passe notamment par le recours systématique aux prestataires externes pour le recrutement de profils expérimentés mais aussi par la sollicitation de réseaux professionnels, écoles et universités.

En dépit des incertitudes économiques actuelles, les recrutements dans la finance battent leur plein. Selon la mise à jour du Guide des salaires 2022 de Robert Half, publiée en mai, 81 % des directeurs financiers prévoient des recrutements en CDI dans l’année à venir et 29 % anticipent la création de nouveaux postes. « Les besoins en compétences apparaissent clairement comme prioritaires auprès des directeurs financiers français, souligne Aurélien Boucly, directeur chez Robert Half. Les cinq premiers challenges de recrutement identifiés sont en effet tous liés à un enjeu d’attraction ou de rétention des collaborateurs qualifiés » . L’enjeu est d’autant plus important que la période post-crise sanitaire a mis le marché sous pression.

Déjà avant la crise, certains métiers de la finance se trouvaient sous tension. C’était par exemple le cas pour les contrôleurs de gestion, les responsables comptabilité ou les responsables consolidation. Avec la Covid, d’autres métiers sont désormais touchés. « La trésorerie est un métier de crise, témoigne ainsi Franz Zurenger, directeur de la trésorerie et du crédit d’Interparfums et administrateur de l’AFTE. De nombreux postes d’assistants de trésorerie ou de credit managers ont ainsi été créés pendant la période Covid. L’augmentation du volume des recrutements sur ces profils a siphonné le marché et les entreprises doivent désormais faire face à une pénurie de ces candidats. » D’autre part, avec la Covid, les règles de marché ont bougé. Cette crise a renforcé la mobilité des candidats entre les régions. « Le télétravail étant devenu un mode opératoire commun, les candidats n’appréhendent plus le marché de l’emploi de la même manière et n’hésitent plus à élargir le périmètre géographique de leurs recherches, constate Cherifa Hemadou, directrice financière de Virbac et déléguée régionale de l’AFTE. Le télétravail leur offre de nouvelles opportunités que nous, en qualité de recruteurs, devons prendre en considération. »

Les juniors captés avant même la fin de leur formation

Face à ce contexte, les recrutements dans la finance deviennent stratégiques et les entreprises n’ont d’autre choix que d’en soigner les processus. De plus en plus, elles sous-traitent le recrutement des candidats. « Les modes de recrutement tendent d’ailleurs à évoluer, indique Franz Zurenger. Avant la crise, pour des postes de management ou à responsabilité en trésorerie, nous passions par des cabinets de recrutement généralistes ou LinkedIn. Aujourd’hui recruter ces profils sans passer par un cabinet spécialisé dans la finance tels que les cabinets Elizabeth Chevrillard ou Spencer Stuart est très compliqué. » Une démarche également mise en place chez Virbac. « Pour les profils très experts, difficiles à trouver, nous passons forcément par des chasseurs de têtes tels que Livingstone RH, très efficace» précise Cherifa Hemadou.

Pour les candidats plus juniors, les entreprises s’appuient également de plus en plus sur les viviers des écoles ou universités qui forment aux métiers de la finance (écoles de commerce, master 2 finance…). « Pour recruter des profils plus jeunes, nous travaillons beaucoup avec les écoles, ajoute Cherifa Hemadou. Nous recrutons également des alternants à la fin de leur formation. » Récemment, la société a par exemple recruté une jeune d’origine chinoise en école de commerce à Montpellier. Virbac espère ainsi se constituer un vivier  de jeunes talents qu'elle forme au siège pour les voir ensuite évoluer au sein de ses filiales dans des postes à responsabilité. Les associations professionnelles ainsi que les réseaux d’anciens étudiants ou professionnels sont également mis à contribution. « Il nous arrive d’appeler nos confrères dans d’autres entreprises pour savoir s’ils ont un collaborateur souhaitant évoluer mais qu’ils ne peuvent satisfaire, indique Franz Zurenger. De même, il m’est déjà arrivé de placer mes alternants dans d’autres entreprises. »

Des phases de recrutement raccourcies

D’autre part, alors que ce marché est favorable aux candidats qui peuvent en conséquence recevoir plusieurs offres simultanément, les entreprises doivent faire preuve de réactivité dans leur processus de recrutement et en particulier pendant la phase des entretiens. « Dès lors que le processus est trop long, elles prennent le risque de perdre le candidat, qui peut être sollicité ailleurs, ajoute Aurélien Boucly. Un recrutement trop long peut également véhiculer un mauvais message au candidat. Il peut signifier que l’entreprise n’est pas sûre du profil recherché ou de l’opportunité de recrutement. Idéalement, il est donc préférable que ce processus de recrutement n’excède pas quatre semaines. » Le succès d’un recrutement ne se limite pas aux seuls entretiens. « Avant toute chose, le poste doit être en ligne avec le profil recherché », insiste Aurélien Boucly. Trop d’entreprises ont encore tendance à s’orienter vers des profils de candidats dont les compétences et expertises sont supérieures à celles nécessaires au poste proposé. Aujourd’hui, il est indispensable que le poste proposé soit en phase avec les attentes et le profil du candidat qui postule pour être sûr de capter son intérêt.

«Dès lors que le processus de recrutement est trop long, les entreprises prennent le risque de perdre le candidat.»

Aurélien Boucly Directeur ,  Robert Half

Pour faire face à la pénurie de candidats dans la finance, il devient également indispensable que les recruteurs fassent preuve d’ouverture dans leur recherche, et ne s’arrêtent pas à l’archétype de profils ou de formations particulières. « Par exemple, jusqu’à peu, pour un poste de responsable de contrôle de gestion, les entreprises cherchaient avant tout des candidats issus d’écoles de commerce et ayant déjà quelques années d’expérience, précise Aurélien Boucly. Aujourd’hui l’entreprise ne peut plus se permettre de s’arrêter à ce seul cahier des charges. Elle doit, pour ce même poste, s’ouvrir aussi à des profils de candidats issus de parcours universitaires, et/ou avec une expérience plus courte. »

Une valorisation nécessaire des avantages proposés par l’entreprise

D’autre part, pour attirer les candidats dans la finance, les entreprises doivent également valoriser les avantages offerts par leur organisation. « Répondre aux attentes salariales des candidats n’est plus le principal enjeu des recruteurs, poursuit Aurélien Boucly. Ce critère arrive au septième rang des items listés par ordre de priorité. Les candidats sont davantage attentifs à l’équilibre de vie (38 %), et attendent notamment des entreprises davantage de flexibilité en termes de jours télétravaillés. Très vite lors des entretiens, il est recommandé de dépasser le seul descriptif de la fiche de poste pour aborder des thématiques telles que le télétravail, l’agilité et la flexibilité de l’entreprise en matière d’organisation du travail. Nous venons ainsi de recruter pour une entreprise de Clichy un responsable administratif et financier basé à Reims. » Certaines personnes acceptent de rallonger leur temps de transport dans la mesure où elles ne vont pas au bureau tous les jours. C’est d’ailleurs grâce à cette ouverture et à cette flexibilité que les entreprises arrivent à toucher des candidats géographiquement plus éloignés. 

Les cinq challenges de recrutement des DAF pour le second semestre 2022

  1. Retenir les employés les plus performants (34 % des DAF).
  2. Trouver les bons profils parmi un nombre important de candidats (31 %).
  3. Trouver un candidat avec les bonnes compétences mais également capable de s’intégrer à l’entreprise (26 %).
  4. Trouver un candidat avec les bonnes compétences pour le poste à pourvoir (26 %).
  5.  Faire monter en compétences les employés existants (24 %).

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