Métier

Trader en entreprise : attractif, mais rare

Publié le 10 septembre 2021 à 10h44    Mis à jour le 10 septembre 2021 à 17h47

Anne del Pozo

Peu d’entreprises disposent en France d’une salle de marchés destinée à sécuriser les flux financiers et à gérer les risques de taux et de changes. Pourtant, quelques opportunités existent, notamment pour les candidats qui sauront faire valoir une solide expérience dans le monde bancaire ou encore dans la gestion de trésorerie.

Opérateur de salle de marchés en entreprise…  la fonction est séduisante. Pourtant, le nombre de recrutements est encore très restreint. Plusieurs cabinets de recrutement spécialisés dans les métiers de la finance affirment ne jamais avoir été sollicités s’agissant de ces profils. En effet, en France, seuls quelques groupes à l’instar d’Air Liquide, Total, EDF, Arcelor, Nexans, Engie, LVMH ou Saint Gobain pour les plus connus, disposent d’une salle de marché dédiée à la gestion des risques de taux, de change, de matières premières, à l’émission de dette sur les marchés ou encore aux placements de trésorerie. « Une telle installation fait sens à partir du moment où l’entreprise a une exposition importante à gérer sur les marchés financiers, par exemple sur le change lorsqu’elle réalise un chiffre d’affaires géographiquement diversifié (les grands exportateurs, qui réalisent un volume important de leurs ventes en dollars, sont en effet plus exposés au risque de change que d’autres), ou si elle a atteint une certaine taille, souligne Philippe Berneur, vice-président de la commission financement de l’AFTE et directeur financement et trésorerie dans une entreprise industrielle. En principe, dans les entreprises, les opérateurs de salle de marché n’ont pas pour vocation de faire de la spéculation mais plutôt de couvrir les risques notamment de change, de taux et de commodities (électricité, gaz, matières premières, CO2), en application des procédures internes définies. » Une dépendance particulière à l’égard de certaines matières premières peut aussi légitimer la mise en place d’une salle de marché dédiée. « Au sein de notre salle de marché, 100 % des traders traitent des commodities », précise ainsi Nicolas Violot, directeur financier de l’entité trading de Tereos.

Des missions souvent très diversifiées

Si certaines grandes entreprises comme Total, Air Liquide ou encore LVMH ont centralisé leurs opérations de trésorerie dans une « salle de marché » dédiée où les traders se consacrent exclusivement à cette activité, la plupart du temps néanmoins, ces équipes sont intégrées aux autres activités de la direction financière, au sein du pôle trésorerie. Il s’agit alors pour les opérateurs d’une mission parmi d’autres. « Chez Orano (anciennement Areva), nous avons une seule et même équipe pour l’activité salle de marché, l’activité financement externe et intragroupe ainsi que pour le trade finance (produits de cautions, garanties, crédits documentaires, négociations bancaires, etc.), explique Laurent Bonhomme, président de la commission risques de l’AFTE et head of financing, front office et trade finance chez Orano. Dans cette équipe, nos opérateurs gèrent les risques de change, de taux, de matières premières mais aussi les placements de trésorerie. » 

Le constat est identique au sein de l’entreprise de Philippe Berneur. « Sur les six personnes de mon équipe, une à deux seulement à temps partiel gèrent les risques de taux et de change, indique-t-il. Elles s’occupent par ailleurs, avec le reste de l’équipe, des activités de financement interne et externe ou encore des placements corporate. » 

Des parcours atypiques

  • Compte tenu de la diversité des compétences attendues, les parcours des traders en salle de marché sont trés variés. « Contrairement à la banque, il s’agit de postes auxquels on peut parfois accéder par hasard et pouvant être confiés à des profils déjà confirmés sur d’autres activités, remarque Laurent Bonhomme, head of financing, front office et trade finance chez Orano. D’ailleurs, les opérateurs de salle de marché en entreprise essuient souvent leurs premières armes en banque ou ont déjà exercé des fonctions financières en entreprise, notamment au sein de la direction de trésorerie. » 
  • Un parcours notamment suivi par Laurent Bonhomme qui, une fois obtenu son master en technique financière à l’Essec, a débuté sa carrière au sein de BNP Paribas à Paris sur une activité de vente de produits taux et change, puis à Londres sur une activité de trading des produits dérivés actions. « Après quelques années en qualité de conseiller des directions financières, j’ai finalement intégré Areva (aujourd’hui devenu Orano) en 2013, au sein d’une équipe qui gérait les activités de marché et de financement externe et intragroupe, explique Laurent Bonhomme. Mes premières missions ont porté aussi bien sur la gestion des risques de marché que sur les financements du groupe. »
  • Diplômé d’un master finance Dauphine/Science Po Paris, Philippe Berneur, vice-président de la commission financement de l’AFTE et directeur financement et trésorerie dans une entreprise industrielle, a pour sa part commencé son parcours professionnel dans les financements internationaux à la Coface (activité désormais gérée par la BPI). C’est ensuite seulement qu’il a rejoint Areva au poste de trésorier front office dans la même entreprise. « A ce poste, j’étais alors chargé de négocier les crédits syndiqués et bilatéraux, des financements de projet, des émissions obligataires et des opérations de liability management, la gestion des risques financiers (taux, change) ou encore le placement de la trésorerie sur des supports monétaires divers. »

Des profils aux compétences élargies

Au regard des missions qui leur sont confiées, les traders en entreprise ont généralement un profil de matheux et un bac + 5 en poche (master finance ou école d’ingénieur). Certes, l’expertise métier est moins requise que pour leurs homologues qui travaillent dans les banques. Néanmoins, les opérateurs de salle de marché en entreprise doivent comprendre ce que les banques proposent en termes de garanties, les notions abordées en salles de marché (telles que les swaps ou les contrats forward), les risques auxquels leur entreprise est exposée ou encore les normes comptables propres aux produits dérivés. Ils doivent également être en capacité de prendre des positions pour sécuriser les opérations financières et l’activité de l’entreprise. 

Les compétences recherchées diffèrent ensuite en fonction de la taille de l’entreprise, de son secteur d’activité, de son implantation géographique ou encore de sa politique en termes de gestion des risques et des financements. « Par exemple pendant la période de restructuration du groupe Areva entre 2015 et 2017, les compétences sollicitées de nos opérateurs de marché s’articulaient beaucoup autour de la négociation bancaire et de la gestion de projets, souligne Laurent Bonhomme. Leurs compétences techniques utilisées dépendent ensuite de leurs missions. Mon équipe compte ainsi aussi bien des profils “marchés” (banque, asset management) ayant des compétences techniques sur les produits de salle de marché que des profils venant de la finance d’entreprise (cabinet d’audit, conseil). De manière générale, en plus des compétences techniques, nous cherchons des soft skills, notamment de bons communicants, bien organisés, curieux et capables de s’adapter à des activités diversifiées. » 

Dans une entreprise qui gère des matières premières, les opérateurs de salle de marché ont en revanche plutôt un profil « vente » avec un vernis technique en matière de gestion des couvertures de risques de matières premières. « Nous recherchons avant tout des profils de matheux avec une culture du monde agricole, précise Nicolas Violot. Nous comptons ainsi parmi nos traders plusieurs ingénieurs agronomes. Lorsque nous recrutons des jeunes en sortie d’école d’ingénieurs, nous les intégrons à un programme de formation “graduate”, de plusieurs mois pour les initier aux techniques du trading et aux métiers amont et aval aux prises de positions sur les opérations de trading (exécution, production et financement) d’une entreprise telle que la nôtre. »

Des revenus attractifs

Au regard de la diversité des profils qui évoluent dans les salles de marché des entreprises, les rémunérations varient en fonction du niveau d’expérience et du poste occupé, entre 40 000 euros pour les plus juniors et 100 000 euros pour les plus chevronnés. Les niveaux de rémunérations sont parfois très attractifs pour attirer des profils plus seniors qui travaillent dans les banques et maîtrisent parfaitement les opérations de sécurisation des flux financiers réalisées en salle de marché. « Le package fixe plus variable peut atteindre jusqu’à 180 000 euros chez les traders d’entreprise seniors », déclare un trader d’entreprise. Les perspectives d’évolution des opérateurs de salle de marché sont par ailleurs intéressantes. Outre la responsabilité d’une salle de marché, les traders d’entreprise les plus expérimentés peuvent ensuite prétendre à des postes de contrôleur financier, de DAF ou de directeur financier. 

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