Restructuration d’entreprise

Conduire un PSE : le rôle clé du directeur financier

Publié le 4 septembre 2020 à 10h15    Mis à jour le 4 septembre 2020 à 17h27

Chloé Consigny

Aux côtés du directeur général et du directeur des ressources humaines, le directeur financier est amené à jouer un rôle essentiel dans la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Alors que le nombre de procédures lancées est en hausse sensible depuis le début de la crise, les responsables financiers qui en ont déjà mené un à bien sont donc très recherchés.

Entre le 1er mars et le 20 août, 326 demandes de plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ont été déposées par des entreprises françaises. Faut-il y voir un effet direct de la crise sanitaire ? En comparaison des 228 demandes recensées un an auparavant sur la même période, ce chiffre est en hausse de 43 %, selon les statistiques livrées par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares). Au total, ces PSE pourraient concerner quelque 49 000 suppressions de postes. Et les perspectives n’incitent guère à l’optimisme. «La vague des PSE post-crise de la Covid-19 risque d’être importante, particulièrement dans certains secteurs, à l’instar de l’hôtellerie et de la restauration», redoute par exemple Guillaume Brédon, avocat. 

De quoi conférer aux directeurs financiers concernés un rôle toujours plus déterminant dans la gestion de la crise. «Un directeur administratif et financier est le garant de la prévision, rappelle Thierry Grimaux, associé au sein du cabinet Valtus, spécialisé dans le management de transition. Il est celui qui doit attirer l’attention lorsqu’un dysfonctionnement de trésorerie se présente. Sa principale fonction est de savoir donner l’alerte. La présence du DAF est donc essentielle, non seulement lors de la mise en place du PSE, mais aussi et surtout en amont. Finalement, si le directeur financier est bon, c’est lui qui doit déclencher cette procédure.»

De nombreuses informations à produire

Selon les praticiens, le responsable financier doit ensuite assister la direction générale et la direction des ressources humaines dès le lancement de cette dernière. Il est notamment celui qui fournit les éléments chiffrés nécessaires à la rédaction du Livre 2, document détaillant les raisons économiques qui conduisent à la restructuration ou à la réorganisation. Tout au long du déroulement du plan (voir encadré ci-dessous), le directeur financier doit rester vigilant quant à l’exactitude des données chiffrées. «On ne le dit jamais suffisamment, mais avant de permettre de faire des économies, la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi est d’abord un coût, prévient Guillaume Brédon. Si le PSE est mal chiffré au départ, les déconvenues peuvent être nombreuses. Cela peut même coûter sa place au directeur financier ou au directeur des ressources humaines.»

Le directeur financier est également à la manœuvre pour la rédaction du calendrier des opérations. A ce titre, «il doit avoir une vision globale et transversale de l’activité de l’entreprise — ce qui implique une bonne connaissance de l’organisation et du fonctionnement de cette dernière — afin de pouvoir adapter les ressources aux emplois, insiste François-Xavier Ruellan, avocat en procédures collectives au sein du cabinet Austin Kelsen. Naturellement, ce rôle complique la tâche de la fonction finance dans la mesure où cela implique une surexposition, notamment par rapport aux autres directions qui sont plus spécialisées.»

En première ligne face aux clients et aux fournisseurs

En conséquence, le directeur financier se doit d’être en première ligne face aux salariés. «Un directeur financier doit être à même de dire en face à des salariés qu’un certain nombre d’entre eux devront partir, observe Thierry Grimaux. Il est certain que si le DAF sort pour la première fois de son bureau lorsque le PSE est déclenché, il ne sera pas entendu ! Lorsque j’arrive dans une entreprise, ce que je regarde en premier, c’est la relation entre la direction financière et les collaborateurs : si je perçois une relation de défiance, je sais que l’entreprise sera très difficile à relever.» Tous les experts s’accordent à dire qu’il est impératif de jouer la carte de la transparence. «Lorsque la situation est critique, le discours doit être celui de la vérité, explique Jean-Yves Bauchot, expert en management de transition. Le directeur financier doit être ainsi capable de dire : nous allons sortir 50 personnes de l’entreprise, pour en sauver 2 000.» Un avis largement partagé par Guillaume Brédon. «Lorsque l’entreprise a encore un avenir après la mise en place du PSE, il est essentiel de communiquer avec l’ensemble des salariés afin de mettre en perspective l’avenir de ceux qui restent. En effet, un PSE peut être très déstabilisant, voire démobilisant. Il est donc primordial de soigner la communication interne afin de ne pas perdre en compétitivité.» Dans le cadre de cet exercice, ce seront dès lors les «soft skills» du financier qui importeront, devant ses compétences techniques.

Le cas particulier des procédures confidentielles

Un constat qui vaut également vis-à-vis de l’externe. Si la direction générale et la direction des ressources humaines occupent généralement le devant de la scène face aux médias, notamment, le directeur financier a en effet vocation, quant à lui, à rassurer les principaux partenaires commerciaux. «Après les salariés, les clients et les fournisseurs sont des partenaires importants», insiste Thierry Grimaux. Au-delà du dialogue régulier avec les partenaires sociaux, le directeur financier se doit donc de les tenir informés de la situation de l’entreprise. A nouveau, la transparence reste clé. Seule exception à cette règle : si la procédure n’est pas judiciaire (mandat ad hoc ou procédure de conciliation) et s’opère dans un cadre confidentiel. En revanche, dans le cadre d’une procédure de sauvegarde ou de redressement, le dialogue avec les parties tierces de l’entreprise est fondamental. «Avec un discours de vérité, il est tout à fait possible de faire comprendre aux fournisseurs et aux clients les difficultés que rencontre une entreprise, confie un conseil. Chiffres à l’appui, il s’agit alors de leur apporter la preuve de la nécessité du PSE afin de rendre l’entreprise à nouveau rentable et de conforter son avenir. Bien loin de geler la relation commerciale, une telle démarche permet de renforcer la relation avec les partenaires commerciaux.»

Une période stressante

Face à la lourdeur de la charge de travail et au regain de stress provoqué par la mise en œuvre du PSE, gare toutefois au surmenage et au risque de dépression. «L’une des qualités d’un directeur financier est aussi de savoir reconnaître ses limites», met en garde Jean-Yves Bauchot. Si des directeurs généraux n’hésitent pas à recruter des managers de transition pour épauler la fonction finance, beaucoup de responsables financiers parviennent à mener à bien leur mission sans recourir à une aide extérieure.

De quoi doper leurs perspectives professionnelles. «C’est en période de crise que l’on peut juger de la qualité d’un DAF, relève François-Xavier Ruellan. Ceux qui sont capables de tenir la barre en pleine tempête sont rares ; pour cette raison, leurs profils sont extrêmement chassés.» Un constat plus que jamais d’actualité. 

Une situation personnelle à clarifier en amont

  • Dans certains cas, il arrive que le directeur financier fasse lui-même partie des collaborateurs contraints de quitter la société à l’issue d’un PSE. «Un directeur administratif et financier peut faire partie du plan de licenciement et néanmoins poursuivre sa mission d’accompagnement de la direction générale dans le déploiement d’un PSE, confirme Guillaume Brédon. Pour ce faire, il faut absolument que sa situation personnelle soit réglée en premier lieu.» 
  • Dans le cas contraire, la direction s’expose en effet à un risque non nul de refus de collaboration du DAF.

 

Les différentes étapes d’un PSE

Obligatoire au sein des entreprises de plus de 50 salariés, le plan de sauvegarde de l’emploi s’impose dès lors qu’un projet de licenciement concerne dix salariés minimum sur une période de 30 jours consécutifs (article L. 1233-30 du Code du travail).

 

  • L’instauration d’un PSE doit être formalisée dans un cadre strict, au travers d’un document communiqué à la Direccte regroupant «un ensemble de mesures destinées à limiter le nombre des licenciements et à favoriser le reclassement des salariés dont le licenciement est inévitable», détaille le ministère du Travail. Au-delà des mesures d’accompagnement et d’aide au reclassement des salariés, le projet de licenciement collectif pour motif économique doit stipuler formellement le nombre de suppressions d’emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d’ordre ainsi que le calendrier prévisionnel des licenciements.
  • Une procédure d’information-consultation auprès du comité économique et social et l’ouverture des négociations permettent de déposer formellement un dossier de PSE, via le portail ruptures-collectives.emploi.gouv.fr. Dossier qu’il faudra par la suite compléter par différents éléments : projet d’accord ou de document unilatéral, note économique, procès-verbal des réunions de CSE et rapport d’expertise.
  • Ce n’est qu’à l’issue de la dernière réunion du CSE que l’entreprise pourra déposer sa demande de validation et d’homologation de son PSE.

 

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