Crise sanitaire

Les directeurs financiers au chevet des petites entreprises

Publié le 9 avril 2021 à 11h06    Mis à jour le 9 avril 2021 à 18h02

Chloé Consigny

Il y a six ans, la DFCG créait DAF for Good, un dispositif dans le cadre duquel des directeurs financiers en exercice consacrent bénévolement une partie de leur temps libre pour accompagner des dirigeants de start-up. Une initiative très appréciée par les bénéficiaires, surtout durant la crise qui a placé la gestion de la trésorerie au cœur des préoccupations.

Il y a quelques semaines, l’Association nationale des directeurs financiers et de contrôle de gestion (DFCG) lançait la sixième édition de son programme « DAF4GOOD ». Chaque année depuis 2015, une trentaine de directeurs financiers membres du réseau de la DFCG mettent bénévolement leur savoir-faire au service d’entreprises innovantes, à raison de huit heures par mois. Les entreprises accompagnées sont toutes préalablement sélectionnées par le fonds de dotation et accélérateur Raise Sherpas. Durant une année, elles bénéficient ainsi d’un accompagnement par un binôme d’experts financiers chargés de les assister dans la conduite de différents projets.


Des liens durables

Une démarche plus nécessaire que jamais en cette période de crise. « L’idée de DAF for Good est de véhiculer rapidement auprès des jeunes entrepreneurs une image positive des DAF et de faire communiquer deux mondes qui, d’habitude, ne se parlent pas, indique Arnaud Meyer-Poujol, fondateur du cabinet AMP Solutions, président de DFCG Avenir et co-créateur du programme. D’un côté, il y a les start-up qui n’ont pas toujours conscience de l’ensemble de leurs besoins en termes de structuration financière, et de la valeur ajoutée d’un DAF qu’ils assimilent à l’expert-comptable. De l’autre, il y a des DAF qui, pour certains, évoluent au sein de grandes entreprises et ne sont pas toujours au fait des besoins et des processus de décisions ultra-courts qu’on observe au sein des petites structures. » 

Autre intérêt du dispositif, et non des moindres : il tend à créer des liens durables entre les diverses parties prenantes. « DAF for Good a été lancé il y a six ans et très souvent, je constate que la relation se poursuit au-delà de l’année d’accompagnement, poursuit Arnaud Meyer-Poujol. Nous avons de belles histoires, comme par exemple des débouchés commerciaux initiés par la mise en relation de la start-up par le DAF avec l’entreprise dans laquelle il travaille. Nous avons ainsi assisté à des partenariats entre entreprises et start-up. » Aux côtés de ces DAF de grands groupes, les DAF à temps partagé, qui évoluent entre différentes entreprises, font également partie du programme.

Des conseils dans la mise en place d’outils de pilotage

Malgré ses violentes répercussions sur l’activité économique, la pandémie de Covid-19 n’a pas réellement bouleversé le déroulement de la précédente édition de DAF4GOOD. « Comme tous les ans, les start-up arrivent souvent avec des besoins en début de programme qui évoluent rapidement à l’issue des premières rencontres avec les DAF », constate Arnaud Meyer-Poujol. Du reste, les thématiques abordées en 2020 n’ont pas été très éloignées de celles abordées au cours des autres années. « Il y a toujours les mêmes demandes, principalement axées autour des problématiques de financement, avec la mise en place d’un business plan et d’un plan de trésorerie devant permettre aux participants de mieux chiffrer leur cash-burn et l’impact de la croissance de leur chiffre d’affaires sur leur BFR, mais aussi de renforcer leurs dossiers de demandes de subventions, de dettes bancaires et futures levées de fonds, poursuit Arnaud Meyer-Poujol. En outre, les start-up souhaitent un accompagnement pour mettre en place des outils de pilotage financier. »

Pour autant, une nouvelle thématique a émergé en 2020 au sein des entreprises innovantes : celle du bridge ou de la gestion de la trésorerie entre deux levées de fonds. « Si le bridge a toujours existé, cette année, beaucoup de start-up l’anticipent du fait du contexte particulier », observe Arnaud Meyer-Poujol. Certes, les liquidités détenues par les fonds demeurent importantes. Selon le Baromètre EY du capital-risque en France, l’année dernière a marqué un nouveau record dans le financement des start-up françaises, avec 5,4 milliards d’euros levés par 620 jeunes pousses, contre 5 milliards d’euros un an auparavant.


Des réflexions sur la structure de dette

Quid des entreprises plus traditionnelles ? Pour les DAF à temps partagé qui, au quotidien, partagent leur temps entre plusieurs TPE, le prêt garanti par l’Etat (PGE) a été au cœur de toutes les discussions. « Notre rôle en tant que DAF à temps partagé est d’accompagner les chefs d’entreprise sur des sujets tels que l’élaboration du business plan ou encore la mise en place d’indicateurs adaptés à l’activité de l’entreprise, explique Olivier Ortin, à la tête du cabinet de conseil financier opérationnel AdopteUnDaf. Cependant, l’année 2020 a été particulièrement marquée par l’élaboration de dossiers en vue d’obtenir un PGE. » Selon les chiffres publiés par Bercy, les très petites entreprises représentent près de 90 % des bénéficiaires et totalisent à elles seules près de 40 % des montants accordés au titre des PGE (soit près de 54 milliards d’euros). « Il faut bien avoir à l’esprit qu’au sein des très petites entreprises, le contact privilégié sur les sujets financiers reste l’expert-comptable, explique un DAF à temps partagé. Aussi, bon nombre de petites entreprises ont confié l’élaboration de leur dossier PGE à cette catégorie de professionnels qui, souvent, ne sont pas internes à l’entreprise. Les dossiers de PGE adressés aux banques par les petites entreprises sont souvent standardisés. »

Pour les experts de la finance, le véritable sujet est celui de la gestion de l’après-crise et du remboursement du PGE. « Au moment du premier confinement, beaucoup de chefs d’entreprise se sont dit : “Prenons un PGE et nous verrons ensuite !”, relève un DAF à temps partagé. Personne ne pensait que la crise allait durer si longtemps. » « Au-delà du financement, chaque entreprise se doit de se poser des questions structurantes, à savoir comment bâtir et implémenter la stratégie de financement de haut de bilan ? Comment faire pour pivoter de modèle et s’adapter à la crise ? », ajoute Guy Degeorges, président du groupe des DAF à temps partagé au sein de la DFCG. En 2020, le sujet de la trésorerie est passé en tête des problématiques des chefs de petites entreprises.

Un recours croissant aux DAF à temps partagé

De ce fait, l’intérêt de bénéficier de l’appui d’un directeur financier est plus prégnant que jamais. « La crise sanitaire a accéléré la mise en place d’outils et d’indicateurs, poursuit Olivier Ortin. La trésorerie étant devenue l’élément central de la pérennité des entreprises, beaucoup d’entre elles ont souhaité instaurer des indicateurs de suivi de la trésorerie beaucoup plus précis qu’auparavant. » Au sein des petites structures, le DAF à temps partagé devient alors partie prenante de la stratégie de l’entreprise. « En situation de crise, les deux grandes questions des dirigeants restent les mêmes : comment ne pas perdre de chiffre d’affaires et comment réduire les charges fixes. La réduction des charges fixes reste l’exercice le plus périlleux : il ne faut pas remettre en cause le mode de fonctionnement de l’entreprise au cas où l’activité repart », souligne Guy Degeorges.

Enfin, le dernier changement constaté en 2020 par les experts de la finance qui évoluent au sein des petites entreprises est celui d’une appétence plus forte de la part des chefs d’entreprise traditionnelles pour les aides et les subventions. « Tout se passe comme si le PGE leur avait “donné le goût” de la recherche de financements, confie un DAF à temps partagé. Depuis des années, les secteurs traditionnels de l’économie regardent avec envie le secteur des start-up qui jouent le jeu des subventions et qui ont bien compris que l’innovation pouvait se financer. Les entreprises plus traditionnelles ont davantage coutume de s’autofinancer et de mener une gestion de bon père de famille. Désormais, on assiste à un changement de regard de la part des chefs d’entreprises traditionnelles qui convoitent davantage les aides à l’innovation. » Autant de problématiques sur lesquelles les conseils de directeurs financiers expérimentés constituent de précieux atouts. 

Crise sanitaire : DAF for Good déploie un dispositif spécifique d’aide aux entreprises

  • En France, les confinements successifs, et en particulier le premier (mars à mai 2020), ont été des périodes particulièrement délicates pour les chefs d’entreprise. Pour répondre à leurs questions, DAF for Good, via sa plateforme en ligne, a dès le début permis à chaque chef d’entreprise de bénéficier du conseil gratuit d’un directeur financier. Une initiative portée par les DAF à temps partagé.
  • Pour ce faire, le dirigeant doit au préalable s’inscrire sur la plateforme en détaillant sa demande. Il peut ainsi bénéficier de 45 minutes de rendez-vous. Si la plateforme était ouverte à l’ensemble des entreprises quel que soit leur secteur d’activité, le nombre d’appels reçu a été très limité. « Je pense que nous manquons de visibilité, déplore Olivier Ortin, à la tête du cabinet de conseil financier opérationnel AdopteUnDaf. Avec le PGE, de nombreuses offres commerciales d’accompagnement aux entreprises ont fleuri en ligne. Notre offre gratuite de conseil s’est malheureusement retrouvée noyée dans la masse. »
  • Au cours de l’année 2020, seulement une dizaine d’entretiens téléphoniques ont ainsi été réalisés. Cependant, la demande pourrait grandir au cours des prochains mois, veut croire Guy Degeorges, président du groupe des DAF à temps partager au sein de la DFCG. « Dès le début de la crise sanitaire, les aides à destination des entreprises ont été nombreuses. Aussi, beaucoup d’entreprises ont été aidées mais ne se sont pas encore posé les questions structurantes. Toutes ces problématiques sont à mon sens simplement décalées dans le temps. »

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