Trophée

Qui sera le directeur financier de l'année ?

Publié le 6 décembre 2013 à 18h06

Valérie Nau, Guillaume Benoît, Arnaud Lefebvre

Le jury qui décernera le 12 décembre prochain le Trophée du directeur financier de l’année a retenu cette année des entreprises de tailles différentes : Téléperformance (2,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires), Legrand (4,5 milliards) et Suez Environnement (15 milliards). Une manière de montrer la diversité du savoir-faire des financiers…

Pour la quatorzième fois, le Trophée du directeur financier de l’année clôturera la manifestation Financium, organisée par l’Association des directeurs financiers et de contrôle de gestion (DFCG) qui a pour vocation de réunir les financiers d’entreprise et leurs conseils au cours de deux jours d’entretiens et d’échanges. Ce prix, sponsorisé par American Express, Le Figaro, Hudson, PwC, et soutenu par Option Finance, a pour vocation de mettre en valeur une fonction longtemps considérée comme technique, mais devenue stratégique pour les entreprises. Le jury, présidé par le président de la DFCG, Thierry Luthi, et composé cette année de 14 directeurs financiers, se fonde, pour sélectionner les candidats, sur des critères évaluant aussi bien leur parcours professionnel, la performance de leur entreprise, que l’organisation de leur direction. Le prix sera remis jeudi 12 décembre en clôture de Financium au Pavillon d’Armenonville.

Jean-Marc Boursier - directeur général adjoint en charge des finances - Suez Environnement

Depuis la cotation de Suez Environnement en 2008, Jean-Marc Boursier a tiré les leçons de la crise en veillant à disposer d’une bonne visibilité sur ses financements, tout en préservant les marges grâce à une gestion stricte des coûts. De quoi permettre au groupe de profiter des fortes perspectives de développement de son secteur.

Quel a été votre parcours avant d’occuper vos fonctions actuelles ?

Jean-Marc Boursier : Après six années passées dans l’audit chez Mazars, j’ai rejoint en 1999 la direction financière de Sita, alors filiale de Suez-Lyonnaise des Eaux, où j’ai occupé différentes fonctions dans le contrôle de gestion et les fusions acquisitions. En 2002, la société a été fusionnée avec Lyonnaise des Eaux et Degrémont pour donner naissance à Suez Environnement. Je suis devenu directeur du contrôle de gestion de la nouvelle entité, puis directeur financier en 2004, enfin directeur général adjoint en charge des finances cette année. Outre la finance, mon poste recouvre les achats, la supervision de notre filiale de conseil, SAFEGE, et enfin le suivi des plans d’adaptation de l’entreprise à la conjoncture.

Quelles sont les caractéristiques de financement d’un groupe comme le vôtre ?

Jean-Marc Boursier : Deux phénomènes caractérisent l’industrie des services aux collectivités. Nous travaillons d’abord sur des trends très longs car les contrats peuvent aller, dans le domaine de l’eau, jusqu’à 20 ans en France, 50 ans en Espagne, en Chine.... En outre, les besoins d’investissement sont très importants : dans le monde, près d’un milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau potable et 2,6 milliards ne bénéficient pas de services d’assainissement. Dans ce contexte, nous essayons de maximiser la croissance de notre entreprise en respectant deux contraintes claires.

Premièrement, nous privilégions toujours la rentabilité sur la croissance du chiffre d’affaires ou l’atteinte de parts de marché. Nous mesurons la rentabilité à l’aide de deux indicateurs, d’une part le résultat net ou l’earning per share, et d’autre part le retour sur capitaux employés. Deuxièmement, nous souhaitons conserver un bilan solide. Notre levier, mesuré par le ratio dette nette/Ebitda, ne doit pas dépasser le seuil de 3. Depuis six ans, nous avons respecté ces contraintes puisqu’entre 2007 et 2012, notre chiffre d’affaires et notre résultat opérationnel ont crû d’environ 7 % par an, et notre leverage est resté stable.

Quels ont été vos grands chantiers depuis la cotation du groupe en 2008 ?

Jean-Marc Boursier : Mon rôle est de participer à la définition de la stratégie opérationnelle et de la rendre attractive pour ceux qui vont la financer, à savoir les banques et les actionnaires. Nous disposons à ce titre d’une totale visibilité sur le financement de Suez Environnement dans les cinq ans qui viennent. Notre dette, d’un montant de 7,5 milliards d’euros, présente trois caractéristiques. Elle est à long terme, puisque sa duration est de sept ans.

Par ailleurs, nous cherchons à maintenir une liquidité importante car je garde en mémoire les effets de la crise financière et nous voulons nous prémunir contre tout choc bancaire ou obligataire éventuel : nous disposons de 2 milliards d’euros de cash disponibles et de 2 milliards de lignes non tirées. Enfin nous ne prenons pas de risque de change et de taux.

A l’étranger, nos financements sont réalisés dans la devise locale de manière à ce qu’ils soient adossés aux cash-flows dégagés dans le pays concerné. Sur les taux, 75 % de notre dette est à taux fixe car nous estimons que les taux sont historiquement bas. Tous ces efforts sur notre dette ainsi que la qualité de notre bilan nous ont permis d’obtenir le meilleur rating européen du secteur puisque nous sommes notés A3 chez Moody’s. Nous bénéficions donc d’un coût de financement très compétitif.

Il est plus difficile en revanche de trouver de la ressource en equity. Il faut se souvenir que Suez Environnement a été introduit en bourse en 2008 par le biais d’une distribution de titres par Suez. Nous nous sommes retrouvés avec 300 000 actionnaires qu’il a fallu convaincre de rester au capital. Compte tenu de la crise, le cours de bourse est encore inférieur à celui de l’introduction mais il a néanmoins surperformé sur la période le CAC 40 et l’indice Eurostoxx utilities. Nous avons pâti, comme beaucoup de valeurs, de la défiance des investisseurs anglo-saxons vis-à-vis de l’Europe.

Cette tendance s’est toutefois renversée cette année, du fait du ralentissement des pays émergents, de la volatilité des devises de ces pays et d’un retour de la confiance dans la zone euro. De plus, les investisseurs ont eu confiance en l’expertise de Suez Environnement pour répondre aux défis mondiaux faisant émerger de nouveaux besoins et de nouvelles demandes et représentant autant de leviers de croissance long-terme forts pour ses métiers.

Notre cours, qui a augmenté de 50 % depuis un an, a ainsi bénéficié de la réallocation des investisseurs sur les actions en général et sur celles de la zone euro en particulier. Enfin dans une industrie où les coûts fixes sont importants, il faut améliorer en permanence les coûts variables pour maintenir les marges. Notre plan d’amélioration des coûts, Compass, qui avait été lancé en 2008, a été depuis constamment reconduit. Nous allons faire dans ce cadre 180 millions d’euros d’économies en 2013, après 150 millions en 2012, et 130 millions en 2011.

Nos filiales sont désormais dans une logique permanente d’optimisation de la structure de coûts : nous visons 1 % de gains annuels sur les coûts d’exploitation, soit 125 millions d’euros par an. Dans ce cadre, nous cherchons actuellement à améliorer les frais de structure. Il faut réfléchir à une organisation la plus efficace possible, pays par pays, et déterminer ce qui peut être mutualisé. L’autre poste susceptible d’être amélioré concerne les achats. Le groupe a fait des efforts dans ce domaine, mais il reste un fort potentiel de progression.

Je mène notamment une réflexion dans l’énergie. Nous avons la chance d’avoir des filiales d’eau très consommatrices d’énergie et des filiales déchets qui en sont productrices. Nous devrions donc pouvoir discuter nos prix sur le marché européen de manière différente pour optimiser les coûts à l’achat et à la vente.

Quels sont les enjeux de votre fonction dans les années qui viennent ?

Jean-Marc Boursier : Mes priorités, c’est de m’assurer que la trajectoire du groupe reste celle qui a été définie. C’est ensuite d’aider les opérationnels à déterminer parmi tous les projets qui vont apparaître dans les années qui viennent ceux qui seront les plus créateurs de valeur, et de leur donner les moyens de les financer. Nos métiers vont en effet être tirés par trois moteurs très puissants. Le premier concerne l’accroissement de la population, et par là même de l’urbanisation. Entre 2010 et 2050, la population mondiale va passer de 7 milliards de personnes dont 50 % vivent dans les villes, à 9 milliards dont 70 % habiteront dans les villes. Cette évolution va générer des besoins très importants dans l’eau, les infrastructures, les déchets…

Parallèlement, les ressources naturelles vont se raréfier. Enfin, les populations prennent de plus en plus conscience des enjeux environnementaux et poussent à de nouvelles réglementations dans ce domaine. Dans ces conditions, Suez Environnement est bien placé pour continuer à gagner des parts de marché. Notre exposition internationale est déjà passée en cinq ans de 20 % à 30 %. A l’avenir, le groupe devrait croître d’environ 5 % par an, dont 3 % en Europe, et 6 à 8 % en dehors d’Europe. Cette évolution va nous conduire à poursuivre la diversification de notre base d’investisseurs à l’international, en particulier dans les pays non européens. Elle devrait aussi entraîner une hausse de nos investissements. Ceux-ci devraient atteindre 1,3 milliard d’euros en 2013, dont environ 50 % en maintenance et 50 % en développement. Dans les deux à trois années qui viennent, ils devraient monter à quelque 1,5 milliard d’euros. Dans ce cadre, notre développement pourrait à nouveau passer par de la croissance externe. Des opportunités existent sur le marché, le coût de financement reste bas, et le prix des cibles est devenu raisonnable.

Antoine Burel - directeur financier et membre du comité de direction - groupe Legrand

Appartenant depuis 20 ans à la fonction finance de Legrand, dont il a pris la tête en 2008, Antoine Burel a accompagné les principaux chantiers de transformation du groupe, qu’il s’agisse de la réorganisation de son back-office industriel ou, plus récemment, de l’amélioration de sa performance dans un environnement économique difficile.

Quel a été votre parcours avant d’occuper vos fonctions actuelles ?

Antoine Burel : J’ai suivi un «parcours initiatique» qui, je pense, prépare bien au métier de directeur financier. Diplômé, en 1986, de Rouen Business School et DECF en poche, j’ai fait mes débuts dans l’audit, chez KPMG, avant de rejoindre le monde de l’entreprise, en intégrant une grosse PME du secteur agroalimentaire en tant que contrôleur financier.

Armé de cette double expérience, j’ai été recruté par Legrand en 1993. J’ai d’abord occupé le poste de directeur financier de plusieurs filiales, où j’exerçais des missions très opérationnelles et proches du terrain. Puis, en 2005, j’ai été nommé directeur du contrôle de gestion groupe. Cette fonction, qui constitue un lien important entre les pays et la direction générale, m’a permis de donner une nouvelle orientation à ma carrière en jouant un rôle plus proche des enjeux stratégiques dans un environnement très international.

A ce titre, j’ai notamment participé à la mise en place d’un premier plan de transformation du groupe, décidé en 2001 par la direction générale et consistant à globaliser les «back-offices industriels», en particulier les achats, la production et la recherche et développement, alors qu’auparavant, chaque pays était pratiquement autonome en la matière.

Le but de cette démarche, toujours très active aujourd’hui, était d’une part de démultiplier notre capacité d’innovation et d’autre part de renforcer notre «purchasing power» par la globalisation, en augmentant la part de nos composants achetés au plan régional ou mondial tout en en réduisant le nombre, et d’autre part de mutualiser nos capacités de production pour réduire significativement nos besoins en termes de capitaux employés.

Puis j’ai été promu directeur financier en 2008, dans un contexte de crise économique mondiale qui a nécessité de repenser le pilotage économique des différentes entités du groupe afin de nous adapter à des environnements macroéconomiques très contrastés selon les pays et beaucoup plus volatils.

Quelles sont les caractéristiques du financement de Legrand ?

Antoine Burel : Au cours des dix dernières années, nous avons transformé le modèle industriel du groupe et modifié nos process de pilotage pour ne pas «subir» la crise, ce qui nous a permis de significativement améliorer le profil financier du modèle économique de Legrand. Par exemple, à la fin des années 1990, notre ratio de capex annuel sur chiffre d’affaires était de plus de 8 %, il est désormais contenu entre 3 % et 3,5 %. Le ratio du besoin en fonds de roulement rapporté au chiffre d’affaires était pour sa part supérieur à 20 %, il est maintenant inférieur à 10 %. La marge opérationnelle est quant à elle passée d’une moyenne de 14 % dans les années 1990 à 16 % dans les années 2000 puis à environ 20 % depuis 2010.

Enfin, la génération de cash-flow libre en euros a été multipliée par près de cinq entre les années 1990 et aujourd’hui, et elle représente désormais environ 13 % du chiffre d’affaires. Le groupe a ainsi nettement renforcé la structure de son bilan et a été en mesure d’autofinancer l’accélération de son développement international et l’élargissement de son portefeuille produits, notamment grâce à des acquisitions.

Notre chiffre d’affaires réalisé dans les pays émergents est ainsi passé de 17 % à 38 % du chiffre d’affaires total du groupe entre 2002 et 2012 et celui réalisé avec les nouveaux segments de marché de 10 % à 25 % sur la même période. Dans le même temps, le ratio dette sur Ebitda est passé de 4,5 à fin 2002, année du LBO de Legrand par Wendel et KKR, à 1,1 à fin 2012. La solide structure de bilan de Legrand est par ailleurs reconnue par Standard & Poor’s qui attribue au groupe une notation A-. L’essentiel de notre dette est obligataire et nous disposons d’une ligne de crédit de 900 millions d’euros non tirée à ce jour.

Quels ont été vos grands chantiers depuis votre nomination à la tête de la direction financière ?

Antoine Burel : Depuis 2008, l’une de mes missions a été d’adapter le mode de pilotage économique des pays, permettant à la direction générale d’adopter une démarche «sur mesure» afin à la fois d’accélérer la croissance dans les pays aux environnements porteurs tout en protégeant nos marges dans les pays touchés durablement par la crise.

Pour cela, la direction financière a mis en place des indicateurs financiers synthétiques, faciles à maîtriser par les opérationnels et qui reflètent l’objectif économique recherché. Nous nous sommes notamment concentrés sur le concept de résultat économique qui combine en un seul indicateur le résultat opérationnel et le coût des capitaux employés.

Celui-ci permet ainsi de piloter la valeur créée (le résultat en euros) et la marge (ce résultat rapporté au chiffre d’affaires). L’objectif de résultat économique est une forme de contrat entre le pays et le groupe. Nous avons également instauré de nouveaux processus, afin de renforcer les échanges entre les patrons opérationnels et la direction générale.

Ainsi, en complément de la revue mensuelle de la performance organisée entre les équipes des pays et la direction financière, nous organisons tous les trimestres un «steering committee» entre les pays et la direction générale afin d’ajuster nos scénarios de développement et de profitabilité pays par pays en fonction de la conjoncture et des opportunités.

Enfin, nous avons participé à l’adaptation des outils de rémunération et en particulier les schémas de rémunération variable, pour bien les aligner avec les objectifs fixés. Le groupe a également procédé à 35 acquisitions depuis 2005, qui ont représenté une contribution supplémentaire à notre chiffre d’affaires d’environ 1,2 milliard d’euros.

Dans ce cadre, j’interviens en amont des deals aux côtés du président-directeur général et du directeur de la stratégie, pour évaluer les enjeux économiques liés à l’opération et définir sa structuration juridique et son financement. Puis, une fois une acquisition conclue, la direction financière est en charge de l’animation du processus d’«arrimage» de la société acquise et en particulier de l’organisation tous les deux mois d’un «steering committee» entre le pays concerné et la direction générale, et ce pendant environ deux années qui suivent le closing. L’objectif est de donner du rythme à la mise en place du plan d’actions concernant les synergies de revenus et de coûts.

Quels sont les enjeux de votre fonction dans les années qui viennent ?

Antoine Burel : Pour moi, la mission du directeur financier comporte deux volets indissociables. En premier lieu, il doit être un expert, tant vis-à-vis d’interlocuteurs externes – notamment les banques et les investisseurs – qu’internes, en apportant les compétences nécessaires pour les questions liées au contrôle interne, à la comptabilité, à la fiscalité, au juridique ou à l’informatique.

Cette expertise concerne aussi l’accompagnement de la direction générale sur les sujets de gouvernance et de préparation des différents conseils et comités. Je pense que, dans ce cadre, l’internationalisation des activités va conduire les directeurs financiers à consacrer une part de plus en plus importante de leur temps au management des risques, car c’est une préoccupation croissante dans le monde d’aujourd’hui, même si en ce qui concerne Legrand, nous ne sommes pas dans une industrie particulièrement exposée. L’autre grand volet de l’action du responsable de la fonction finance est celui sur lequel il est le plus attendu.

Il s’agit d’un rôle d’«économiste» aux côtés de la direction générale et de l’ensemble des managers, et plus précisément du pilotage de la performance et des grands équilibres économiques. Dans un monde qui change très vite et dont les équilibres se modifient, il est nécessaire que le directeur financier renforce la part de son temps consacrée à l’«intelligence économique», c’est-à-dire à la maîtrise de l’environnement macroéconomique de chaque zone géographique ou pays, pour en tirer le meilleur

Olivier Rigaudy - directeur général finance - Teleperformance

Avant de prendre la tête de la fonction finance de Teleperformance, il y a près de quatre ans, Olivier Rigaudy a occupé de nombreux postes au sein de groupes présents à l’international. Cette expérience lui permet ainsi d’accompagner au mieux le développement de la société, déjà présente dans une quarantaine de pays.

Quel a été votre parcours avant d’occuper vos fonctions actuelles ?

Olivier Rigaudy : J’ai débuté ma carrière chez Peat Marwick, en 1984, où je participais à l’audit pour des sociétés commerciales et industrielles ainsi que des compagnies d’assurance, en France et à l’étranger. Souhaitant rejoindre le monde de l’entreprise, j’ai intégré, trois ans plus tard, la direction financière du groupe Pechiney, alors nationalisé.

J’ai d’abord occupé le poste d’adjoint au directeur de la cellule «marchés financiers-négociations», dans laquelle j’assurais le suivi à la fois des certificats d’investissements privilégiés – qui équivalaient à des actions sans droit de vote – et aussi de nombreux projets de fusions acquisitions. J’ai ensuite participé à la création de la filiale Pechiney International et à sa mise en bourse partielle, avant d’être nommé chef des services financiers de Carbone Lorraine, une autre filiale du groupe métallurgique cotée en bourse.

En 1992, j’ai rejoint Club Méditerranée en tant que directeur des financements et de la communication financière. Durant huit ans, j’ai eu l’opportunité de mener des opérations en lien direct avec les marchés financiers, à travers notamment la réalisation d’émissions d’obligations convertibles, d’une augmentation de capital et du retrait de cote d’une filiale nord-américaine.

En outre, le fait de diriger la partie communication financière, comme je l’avais déjà fait chez Carbone Lorraine, s’est révélé particulièrement enrichissant car cette mission implique de connaître parfaitement l’activité du groupe. Or cette compréhension est, selon moi, indispensable à un directeur financier s’il veut être crédible auprès de ses équipes et des actionnaires.

En 2000, j’ai changé de secteur et je suis devenu directeur financier groupe de Castorama. La société était alors cotée en bourse, mais détenue à 50 % par le Britannique Kingfisher. Comme chez Club Méditerranée, la dimension internationale était très importante, le groupe étant présent en Europe de l’Ouest et de l’Est, en Amérique du Nord et en Asie.

Après l’offre publique d’achat menée en 2002 par l’actionnaire majoritaire, j’ai quitté Castorama et j’ai poursuivi mon parcours dans le domaine de la distribution, chez Conforama, où j’ai occupé les fonctions de directeur financier et de secrétaire général. Alors que le groupe fonctionnait encore partiellement sur le modèle d’un réseau de franchisés, l’une de mes principales missions a consisté à le faire migrer vers une organisation intégrée. Un chantier d’envergure compte tenu de l’existence de filiales dans de nombreux pays européens, notamment en Italie, en Suisse, dans la péninsule ibérique et en Croatie.

Fort de cette expérience internationale, j’ai été recruté par Teleperformance, en février 2010, en tant que directeur financier, avant d’être promu, huit mois plus tard, directeur général finance.

Quelles sont les caractéristiques du financement de Teleperformance ?

Olivier Rigaudy : Notre structure financière est extrêmement simple dans la mesure où la société génère, chaque année, des cash-flows positifs. Ces derniers s’élevaient à 62 millions d’euros à la fin du premier semestre et devraient dépasser, sur l’ensemble de 2013, 100 millions d’euros. Dans ce contexte, nous n’avons pas d’importants besoins de liquidités.

Certes, comme notre activité est légèrement cyclique, il nous arrive d’utiliser notre crédit revolving. Mais nos tirages sont limités, et représentent moins de 50 millions d’euros. Notre ligne, renégociée l’an dernier, s’élève à 300 millions d’euros sur cinq ans. En outre, nous disposons d’un cash pooling global, ce qui nous permet de faire remonter environ 85 % de la trésorerie de nos filiales. Grâce à cela, nous avons également pu nous passer de certains financements bancaires locaux.

Enfin, dans un contexte de développement de la désintermédiation bancaire, nous étudions actuellement plusieurs pistes, essentiellement des placements privés sur les marchés français, allemand et américain. Toutefois, nous ne recourrons à un tel moyen de financement que lorsque nous en afficherons le besoin, par exemple en cas d’acquisition.

Quels ont été vos grands chantiers depuis votre nomination à la tête de la direction financière ?

Olivier Rigaudy : Lors de mon arrivée, en 2010, le groupe venait d’achever une décennie de croissance organique et externe soutenue. Dans ce contexte, les chantiers d’intégration étaient nombreux en ce qui concerne la fonction finance. Comme nous sommes présents dans 46 pays, avec un environnement global différent d’une implantation à l’autre, il n’était pas question de remettre en cause l’organisation décentralisée du groupe.

Toutefois, afin d’être en mesure de mesurer et de piloter au mieux la performance, nous avons uniformisé les pratiques et la gestion. Ainsi, le format des «business reviews» envoyées par les équipes locales au siège a été homogénéisé, de même que les reportings. Afin d’optimiser la collecte des données, un ERP global a été déployé au-dessus des systèmes d’information des entités du groupe. Grâce à cela, ces dernières ont pu conserver leur propre dispositif, sans nuire à la remontée d’informations vers la direction financière centrale.

L’un des autres enjeux concernait l’actionnariat du groupe. Alors que 98 % du capital de Teleperformance est flottant, nous ne disposions pas de direction interne en charge des relations investisseurs. En outre, le groupe souffrait d’un déficit d’image. Tandis que Teleperformance bénéficie d’une présence géographique très étendue, compte 290 centres de traitement d’appels téléphoniques et emploie 150 000 salariés, il était principalement connu à travers sa filiale française, alors même que celle-ci ne représente que 6 % du chiffre d’affaires global.

Dans un souci de mieux faire connaître la société, nous avons donc créé un département dédié aux relations investisseurs, et développé le site Internet sur lequel davantage d’informations financières sont désormais mises en ligne. De plus, nous avons quasiment quadruplé, en près de quatre ans, le nombre de roadshows réalisés. Plus largement, nous avons remis l’actionnaire au cœur de nos préoccupations, ce qui s’est traduit par une hausse du dividende ainsi que par une stratégie d’acquisitions limitée aux opérations génératrices d’un retour sur investissement significatif.

Quels sont les enjeux de votre fonction dans les années qui viennent ?

Olivier Rigaudy : Le métier de directeur financier est soumis à des contraintes croissantes, de plus en plus techniques, qu’il s’agisse des normes comptables, des outils de financement et de couvertures de change, de l’intégration d’indicateurs non financiers dans les reportings – liée notamment à la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) –, ou encore des règles d’audit ou de corporate governance.

En dépit de cette technicité qui doit être maîtrisée dans des domaines variés, la priorité du responsable de la fonction finance consiste à rester intelligible vis-à-vis tant des opérationnels que des marchés financiers. Cela implique donc de posséder des capacités de synthèse et de pédagogie très importantes.

En outre, le fait que l’activité des groupes s’internationalise de plus en plus impose au directeur financier de bien prendre en compte les cultures propres à chaque pays, et de savoir passer de l’une à l’autre. En effet, on ne discute pas avec un collaborateur ou un investisseur américain comme avec un interlocuteur européen, et ce contraste est encore plus saisissant dans les économies émergentes. Enfin, le mouvement actuel de désintermédiation bancaire devrait se poursuivre dans les prochaines années.

Cette dynamique va donc nécessiter de repenser la relation banque-entreprise. Surtout, elle va amener les directions financières à gagner en réactivité afin, notamment, d’être en mesure de saisir des fenêtres de marché optimales pour réaliser leurs financements. Mais cette attitude doit dépasser le seul cadre du financement. En effet, une bonne fonction finance n’est pas celle qui agit pour agir, mais celle qui est prête à le faire lorsque le contexte est opportun.

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