Expertise/Trésorerie

La croissance tourne au ralenti, l’inflation persiste et les défaillances accélèrent

Publié le 4 décembre 2023 à 8h00

Anne Del Pozo    Temps de lecture 8 minutes

Quelles perspectives pour l’économie mondiale en 2024 et 2025 ? Les experts Allianz Trade ont mis à jour leur scénario économique et présentent leurs prévisions de croissance, d’inflation et de défaillances d’entreprises.

Ana Boata, directrice de la Recherche Economique, Allianz Trade, Maxime Lemerle, responsable des Etudes Defaillances, Allianz Trade

Selon Allianz Trade, l’économie mondiale devrait ralentir en 2024 avec une croissance du PIB attendue à + 2,4 % (+ 2,7 % en 2023). Les Etats-Unis seront en première ligne de ce ralentissement, avec une croissance économique qui devrait atteindre + 1,1 % en 2024 (– 1,1 point vs 2023). La Chine ne sera pas épargnée non plus, avec une croissance du PIB attendue à + 4,7 % l’année prochaine (– 0,6 point vs 2023). La zone euro devrait voir sa croissance rebondir (+ 0,9 % en 2024, soit + 0,3 point vs 2023), mais cela est dû à une timide sortie de récession de l’Allemagne et non à une accélération des autres économies.

« En 2024, les politiques monétaires restrictives devraient commencer à porter leur fruit, avec une inflation attendue en recul de – 2 points (4,3 %), explique Ana Boata, directrice de la Recherche Economique chez Allianz Trade. La tendance est positive, mais le niveau reste élevé, notamment à cause de la volatilité observée sur le marché du pétrole. Dans ce contexte, la consommation des ménages ne rebondira pas fortement l’année prochaine, d’autant que l’incertitude économique et géopolitique pourrait inciter les consommateurs à épargner davantage, par précaution. Par ailleurs, les banques centrales devraient maintenir leurs taux directeurs à des niveaux élevés pour continuer de combattre l’inflation. Nous estimons que la FED n’effectuera son pivot qu’à l’été 2024, avec une baisse des taux attendue de – 100 points de base sur l’année. La BCE devrait quant à elle attendre septembre 2024, avec une baisse attendue de – 50 points de base sur l’année. Autant d’éléments qui freinent indubitablement les perspectives de croissance à l’échelle mondiale. »

Concernant 2025, Allianz Trade prévoit un timide rebond de l’économie mondiale, avec une croissance du PIB attendue à + 2,7 % (+ 0,3 point vs 2024). Les Etats-Unis suivront le mouvement avec une croissance économique de l’ordre de + 1,7 %, au même titre que la zone euro (+ 1,7 %). En revanche, la Chine connaîtra un nouveau ralentissement (+ 4,2 %). « Ce rebond de la croissance ne sera malheureusement pas suffisant pour retrouver les niveaux d’avant-Covid. Quant à l’inflation, il faudra être patient : même en 2025, elle ne repassera pas sous la barre des 3 % au niveau mondial », ajoute Ana Boata.

En France, Allianz Trade prévoit un repli modéré de la croissance en 2024, attendue à + 0,7 % (– 0,2 point vs 2023). Le resserrement du crédit aux entreprises, couplé à une demande des ménages atone, pèseront sur les perspectives de croissance française. Toutefois, un rebond est à prévoir en 2025, avec une croissance attendue à + 1,6 %. Cette reprise sera principalement due à la baisse progressive des taux d’intérêt et au rebond de la demande des ménages.

Les défaillances d’entreprises rattrapent (rapidement) leur niveau d’avant-Covid

Dans ce contexte de ralentissement économique global, le risque d’impayés se renforce. Selon Allianz Trade, après un léger rebond en 2022 (+ 1 %), les défaillances d’entreprises devraient croître de + 6 % en 2023 et de + 10 % en 2024 à l’échelle mondiale. En cause principalement, une rentabilité qui se tend et des réserves de liquidités qui s’amoindrissent, face à une demande atone, une inflation élevée et des taux d’intérêt à un haut niveau.

« Les taux d’intérêt élevés pèsent sur la demande dans certains secteurs comme l’immobilier et les biens durables, développe Maxime Lemerle, responsable des Etudes Defaillances chez Allianz Trade. De quoi mettre la pression sur les secteurs hautement endettés, comme les services publics et les télécoms. De plus, le BFR mondial atteint aujourd’hui un point haut de 86 jours, soit deux jours de plus que les niveaux prépandémie. Avec des taux d’intérêt aussi hauts, le financement du BFR coûte plus cher aux entreprises, ce qui met en situation de risque certains secteurs comme la construction, les machines et équipements et les équipements de transport. »

A la fin de l’année 2023, la normalisation des défaillances d’entreprises s’achèvera dans la plupart des économies avancées. Cette année, plus d’un pays sur deux connaîtra d’ailleurs une hausse des défaillances à deux chiffres. Ce sera notamment le cas des Etats-Unis (+ 47 %), de la France (+ 36 %), des Pays-Bas (+ 59 %), du Japon (+ 35 %) et de la Corée du Sud (+ 41 %). Et dès la fin de l’année prochaine, trois pays sur cinq auront retrouvé leurs niveaux de défaillances d’avant pandémie. Des deux côtés de l’Atlantique, il faudrait que la croissance du PIB double pour stabiliser les niveaux de défaillances, ce qui n’arrivera pas avant 2025. Dans un contexte de croissance économique mondiale qui ralentit, les délais de paiements devraient s’allonger, ce qui pourrait encore aggraver la hausse des défaillances dans les trimestres à venir.

Du côté de la France en 2023, les défaillances d’entreprises devraient croître de + 36 %, après + 49 % en 2022, pour s’établir à un niveau de 57 000 cas. Fait notable, le nombre de défaillances de grandes entreprises devrait lui aussi croître. La normalisation des défaillances se poursuit donc, et s’étend à tous les secteurs d’activité, avec un effet de rattrapage encore plus important dans les secteurs qui ont été le plus soutenus par les mesures étatiques déployées face à la pandémie. Au final, Allianz Trade estime que dès la fin de l’année 2023, les défaillances d’entreprises dépasseront leurs niveaux pré-Covid de 11 % en France. Un niveau qui devrait par ailleurs rester stable en 2024, confirmant la résurgence du risque d’impayés.

Questions à…Frédérique Vernerey-Alliaume, directrice commerciale et marketing, Allianz Trade en France

Titulaire d’un DESS gestion et administration des entreprises de l’IAE de Lyon, Frédérique a intégré Allianz Trade en 1999. Fort d’expériences au sein des équipes risques, audit et finance chez Allianz Trade, elle intègre le Comité de Direction d’Allianz Trade en France en 2013, en tant que Directrice de l’Arbitrage puis le Comité Exécutif en tant que Directrice Financière et des Opérations (CFAO) en 2016. C’est en 2021 qu’elle rejoint la Direction Commerciale Courtage d’Allianz Trade en France en tant que Directrice Commercial et Marketing.

Quels risques identifier pour les entreprises l’année prochaine ?

Le risque numéro un, c’est le risque d’impayés. Chez Allianz Trade, nous estimons que le nombre de défaillances croîtra fortement à l’échelle mondiale, de + 6 % en 2023 et de + 10 % en 2024. Le retour aux niveaux de défaillances d’avant-Covid est rapide : dès la fin de l’année prochaine, trois pays sur cinq auront achevé leur normalisation en matière de défaillances. En France, la tendance est similaire : le nombre de défaillances devrait croître de + 36 % cette année, et ainsi s’établir à 57 000 cas, soit 11 % au-dessus de son niveau prépandémie. En 2024, pas de recul à prévoir, mais un maintien à ce niveau élevé. Les entreprises sont piégées par une rentabilité qui se tend et des réserves de liquidités qui s’amoindrissent. Pour tirer leur épingle du jeu, elles devront se montrer très audacieuses quant à leurs politiques commerciales.

Comment se développer dans un tel contexte ?

La situation économique mondiale est complexe, mais ce n’est pas une fatalité. Pour perdurer, il faut croître, et donc aller chercher de nouveaux clients. La croissance est faible, mais elle existe, ce qui veut dire qu’il y a des débouchés à saisir pour les entreprises ! L’enjeu, c’est de se concentrer sur les meilleures opportunités. Pour mener à bien une prospection efficace, il faut se renseigner, trouver des informations fiables, et ainsi détecter les éventuels mauvais payeurs. Pour y parvenir, l’apport d’un expert de la prévention, tel qu’un assureur-crédit, est déterminant. Chez Allianz Trade, nous sommes tous les jours sur le terrain : nous allons à la rencontre des dirigeants d’entreprises, nous prenons le pouls de leur activité, et nous retranscrivons ces données en une capacité d’intelligence prédictive qui permet à nos assurés d’éviter les mauvaises surprises. Nous suivons l’évolution de la santé financière de 83 millions d’entreprises dans le monde, dont 4 millions en France. Pour le dire clairement, nous disposons d’une vision large et complète et nous sommes bien placés pour vous aider à faire les meilleurs choix. Alors oui, parfois, la prévention ne suffit pas : un incident de paiement peut survenir sans prévenir et il faut être prêt à y faire face. Ici aussi, l’aide d’un assureur-crédit, d’abord pour recouvrer la dette, puis pour indemniser s’il le faut, est essentielle pour préserver la trésorerie.

Un mot pour conclure ?

Les temps que nous traversons sont évidemment incertains, mais il est possible de les surmonter. Et pour cela, il faut faire preuve d’anticipation et de réactivité. Et surtout, mieux vaut être bien accompagné.

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