ISR & Capital humain 2023 - Le compte-rendu

La gestion thématique au service de la création de valeur sociale

Publié le 1 février 2024 à 18h40

Séverine Leboucher

Gérer des réserves de retraite, c’est investir à très long terme au profit de la population active. Les enjeux d’emploi et de formation sont donc centraux pour ces acteurs.

Aux yeux des investisseurs institutionnels, et tout particulièrement ceux qui œuvrent à la gestion des pensions, placer sur les marchés leurs réserves de long terme ne peut se faire qu’à travers un prisme social fort. « Notre mission d’intérêt général est de garantir le paiement des retraites à chaque génération sans peser sur les générations suivantes : le social est donc notre cœur de métier », met en avant Céline Nouet, responsable investissements et trésorerie de l’Agirc-Arrco.

Une recherche de cohérence

Ces investisseurs patients essaient d’aligner, autant que possible, leurs placements avec les grands enjeux auxquels font face leurs bénéficiaires. Dans le cas de la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP) par exemple, un focus est mis, depuis quatre ans, sur la lutte contre la désertification médicale. « Nous avons développé un fonds interpharmaciens qui aide, via des prêts, les pharmaciens qui démarrent leur activité à mobiliser des capitaux pour acheter leur première officine », explique Jean-Bernard Ott, responsable allocation et politique ESG de la CAVP. En quatre ans, ce sont 50 millions d’euros qui ont été déployés, dont 45 % dans des pharmacies en milieu rural. Dynamiser les territoires devient plus largement une priorité pour le portefeuille de private equity de la caisse de retraite. « Nous cherchons à établir une proximité entre les pharmaciens qui cotisent et les PME-ETI dans lesquelles la CAVP investit via nos fonds dans le non-coté », complète Jean-Bernard Ott.

Au sein de l’Agirc-Arrco, ce focus sur les aspects sociaux se lit notamment au travers de la politique climat élaborée l’an dernier, qui met l’accent sur le concept de « transition juste ». « Il s’agit d’atténuer les conséquences négatives de la transition vers des modèles économiques plus durables, plaide Céline Nouet, rappelant que la mission du régime de retraite complémentaire est de compenser les secteurs en déclin par les secteurs en croissance. C’est pour cela que notre politique climat est basée sur l’accompagnement plutôt que l’exclusion. L’Agirc-Arrco accompagne les secteurs en tension mais en favorisant une transition créatrice d’emplois. On veut que nos réserves contribuent au maximum au fait d’avoir des entreprises qui cotisent chez nous. C’est notre forme d’économie circulaire ! »

Le soutien des gérants

Du côté des sociétés de gestion, qui accompagnent les investisseurs institutionnels dans ce mouvement, on cherche à créer les stratégies les plus pertinentes. « L’ensemble de la banque Edmond de Rothschild a réfléchi à la notion de capitalisme plus humain », témoigne Jean-Philippe Desmartin, directeur de l’investissement responsable chez Edmond de Rothschild Asset Management (Edram). Une démarche qui a conduit le gestionnaire à creuser, à travers un fonds sur la thématique du capital humain, l’enjeu de la formation, initiale et continue. Il s’agit d’un enjeu essentiel « dans un contexte où on travaille plus longtemps, dans tous les pays, et où les personnes qui travaillent font face à des ruptures technologiques majeures », précise l’expert. Une problématique qu’Edram aborde sur un périmètre géographique mondial. « Le social, ce n’est pas simplement la partie ressources humaines : il faut avoir la vision large de l’Humain tout au long de la chaîne d’approvisionnement notamment, prévient Jean-Philippe Desmartin. On peut investir sur ces sujets dans le monde entier, comme en Inde où plus de 60 % de la population n’a pas de contrat de travail ni de couverture santé. »

Le « S » de l’ESG devient donc un centre d’intérêt commun aux gérants et aux institutionnels, qui s’organisent pour fluidifier leurs échanges sur le sujet. L’Af2i (Association française des investisseurs institutionnels) a ainsi élaboré, avec une quinzaine d’institutionnels, un questionnaire commun pour obtenir des informations extra-financières sur les sociétés de gestion avec lesquelles ils sont en contact, ainsi que sur les investissements de leurs fonds. « Ce questionnaire avait beaucoup mis l’accent sur le climat l’an dernier et, pour la saison 2, nous allons aller plus loin sur la biodiversité, l’engagement et le social », indique Jean-Bernard Ott. Une démarche qui devrait finir d’ancrer la thématique sociale dans le quotidien des investisseurs. 

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