ISR & Capital humain 2023 - Le compte rendu

L’engagement actionnarial, pour créer une économie durable, responsable et juste

Publié le 1 février 2024 à 18h25

Séverine Leboucher

Les investisseurs cherchent de plus en plus à faire entendre leur voix sur les sujets environnementaux et sociaux face au management des entreprises. Un dialogue tout au long de l’année qui culmine au moment de l’assemblée générale.

Pour beaucoup d’investisseurs, soutenir les entreprises les plus vertueuses sur le plan extra-financier ne suffit pas : ils souhaitent aussi accompagner celles qui doivent progresser sur le plan ESG, à travers des actions dites « d’engagement actionnarial ». « L’engagement est un des fondements de l’intégration ESG, souligne Isabelle Delattre, directrice finance responsable et durable au Crédit Mutuel Asset Management. Il fait partie de l’arsenal d’un actionnaire bienveillant et qui a envie de faire progresser une entreprise dans sa transition. » Une démarche indissociable du métier de gérant responsable. « Pour les analystes ESG, c’est un aboutissement d’avoir cette opportunité de dialogue avec l’entreprise, pour partager les meilleures pratiques et encourager leur diffusion », renchérit Anne-Claire Imperiale, head of sustainability chez Sycomore Asset Management.

L’engagement se traduit en premier lieu par un dialogue régulier (mails, échanges téléphoniques, rencontres…) avec l’entreprise ciblée. Cette dernière doit donc s’organiser pour répondre à ces sollicitations. « Nous respectons la démocratie actionnariale. La plupart des activités d’engagement que nous avons avec nos investisseurs sont très productives : c’est un exercice sain, approuve Benoît Ribaud, ESG investor relations manager chez TotalEnergies. Nous avons ainsi mis en place les moyens humains, financiers et techniques pour y répondre. Nous devons être équipés pour satisfaire au mieux aux attentes de nos actionnaires. »

Le moment délicat de l’AG

Si l’engagement se déroule tout au long de l’année, le rendez-vous formel de l’assemblée générale (AG) des actionnaires en est son point d’orgue. « L’AG est un événement clé, confirme Anne-Claire Imperiale. Nous y exerçons nos droits de vote : c’est l’occasion de nous exprimer sur différents enjeux au sein de l’entreprise. » Pour marquer son désaccord, l’investisseur peut ainsi décider de ne pas soutenir certaines résolutions proposées par le management, tels que les « Say on Climate » présentant la stratégie climat retenue. « La sanction est un exercice délicat, observe Isabelle Delattre. Faut-il sanctionner un administrateur lié à la thématique sur laquelle porte le problème ou refuser de voter les comptes, au risque de diluer le message ? » Plusieurs outils permettent en outre à l’investisseur de mettre sous les projecteurs, à l’occasion de l’AG, ce qui lui tient à cœur : questions écrites, propositions de points à l’ordre du jour et même dépôt de résolutions d’actionnaires, dites « dissidentes ».

Cette dernière option est souvent mal perçue par le management, qui se sent menacé dans ses prérogatives. « En France, on assiste à une forme de blocage culturel sur le dépôt de résolution, pointe Marie Marchais, responsable engagement au Forum pour l’investissement responsable (FIR). Les résolutions s’inscrivent pourtant dans un processus de dialogue : en général, elles incitent l’entreprise et les investisseurs à trouver un accord à l’amiable sur les sujets concernés. C’est un levier assez fort qui accompagne le dialogue. » Les investisseurs ne l’utilisent de fait qu’à l’issue d’une procédure dite « d’escalade » : ils fixent des objectifs précis à leur action d’engagement et un délai pour y parvenir, avec pour sanction finale de sortir l’émetteur du portefeuille. « Moins de 50 % des investisseurs établissent une telle procédure d’escalade, avec des objectifs et une temporalité claire », regrette toutefois Isabelle Delattre. Du côté de l’entreprise, l’enjeu est d’éviter d’en arriver à de telles situations de conflit. En cas de controverse, « il nous faut rassurer nos actionnaires et donner tous les éléments dont ils ont besoin pour se faire une idée, précise Benoît Ribaud. Nous nous devons d’être transparents, exemplaires et de communiquer efficacement ».

L’efficacité des coalitions

Si ce dialogue est d’abord individuel, entre une société de gestion et une entreprise qu’elle a en portefeuille, il tend de plus en plus à devenir collectif et à faire intervenir une coalition d’investisseurs, notamment lorsqu’il s’agit de déposer une résolution dissidente. « L’idée est de mutualiser nos expertises et nos efforts ; pour les entreprises, c’est une approche plus efficace que les dialogues bilatéraux », ajoute Anne-Claire Imperiale, citant des initiatives collaboratives menées par Sycomore sur des thématiques sociales comme la diversité en entreprise ou encore la santé mentale des utilisateurs de la tech.

Pour faciliter ces travaux communs, le FIR a créé en 2021 une plateforme d’échange. « Des investisseurs, des ONG, des syndicats, des académiques peuvent participer, mais pas les entreprises, explique Marie Marchais. Cette plateforme a quatre grands axes d’intervention : une campagne de questions écrites sur l’ESG posées aux AG des groupes du CAC 40, des briefs investisseurs faisant intervenir des parties prenantes externes sur des sujets de controverses sociales et environnementales, des campagnes thématiques – sur le travail forcé et celui des enfants par exemple – et une analyse des “Say on Climate” des entreprises. » Une manière d’institutionnaliser davantage encore ce dialogue devenu indispensable. 

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