Depuis juin 2025, la facturation électronique a connu une série d’avancées décisives, marquant une nette accélération après dix années de mise en œuvre laborieuse. En juin, les premières normes Afnor ont été publiées, posant les bases techniques du dispositif. En septembre, l’Annuaire central a été officiellement ouvert, permettant aux entreprises de vérifier leur adresse de facturation et leur plateforme de rattachement. Ce même mois, le gouvernement a annoncé dix mesures de simplification pour faciliter la mise en conformité des entreprises. En octobre, les tests d’interopérabilité entre plateformes ont été lancés, en parallèle de la préparation de la phase pilote prévue pour février 2026. Cette dynamique technique et réglementaire trouve son prolongement législatif avec l’article 28 du projet de loi de finances 2026 qui va inscrire dans le Code général des impôts l’obligation pour toutes les entreprises assujetties à la TVA d’émettre et de recevoir leurs factures via une plateforme agréée dans des formats structurés et interopérables. Pour les entreprises, l’heure n’est donc plus à l’attentisme mais à la mise en œuvre de la réforme. D’autant que cette mise en conformité peut nécessiter des démarches amont importantes, notamment pour choisir la plateforme agréée qui réponde le mieux aux besoins de l’entreprise.
- Veiller à la complétude des données
- Identifier les cas d’usage
- Fabien Piffre, expert dématérialisation de factures chez Tessi
- Les statuts liés au cycle de vie des factures, éléments clés de la conformité
- Lise Ansart, global product manager chez Pitney Bowes
- e-invoicing et e-reporting
- Quelle différence entre e-reporting de transaction et e-reporting de paiement ?
- Grégory Mignon, product evangelist team leader chez Yooz
- En quoi l’e-reporting s’applique-t-il dans les échanges B2B transfrontaliers ?
- Eric Valion, head of customer European experience chez Esker
- Au-delà des obligations, un courrier ministériel du 3 septembre, adressé au président de la commission facturation électronique de l’Afnor, annonce plusieurs mesures de simplification de l’e-reporting. Quelles sont ces mesures de simplification et en quoi
- Quels critères pour choisir une plateforme agréée ?
Les intervenants :
- Fabien Piffre, expert dématérialisation de factures chez Tessi
- Lise Ansart, global product manager chez Pitney Bowes
- Grégory Mignon, product evangelist team leader chez Yooz
- Eric Valion, head of customer European experience chez Esker
Veiller à la complétude des données
Lise Ansart, global product manager chez Pitney Bowes : La complétude des données, qui consiste à disposer de l’ensemble des données obligatoires sur les factures sortantes, est très importante dans le cadre de cette réforme. En effet, en cas de données manquantes ou erronées, la facture sera tout simplement rejetée et ne sera donc pas traitée par le client. Normalement, les PA en émission et en réception réaliseront en effet des contrôles pour vérifier si les données sont complètes et, si tel n’est pas le cas, rejeter la facture. D’autre part, des sanctions vont être mises en place notamment en cas de non-transmission de données sur les factures. Enfin, en cas de non-complétude de données, l’entreprise risque de ne plus être en mesure d’opérer son activité et de ne plus être éligible à la récupération de TVA non plus.
Une trentaine de données obligatoires devront donc, dans le cadre de la réforme, être apposées dans les factures sortantes dès le lendemain de l’entrée en vigueur de la réforme, auxquelles s’ajouteront des données qui dépendent des cas d’usage spécifiques que chaque entreprise est amenée à traiter dans sa facturation. A titre d’exemple, dans le cas de la facturation d’un tiers, en plus des données obligatoires sur le cas d’usage dit « standard », une entreprise devra ajouter des données pour identifier ce tiers.
Pour se préparer à cette obligation, il convient en premier lieu que l’entreprise réalise une cartographie de ses processus, liste ses cas d’usage, identifie les données existantes et où elles se trouvent dans son SI. En cas de données manquantes, il est possible de mettre à jour les systèmes d’information. Il est également possible, en complément, de construire un référentiel client avec la plateforme agréée qui a été choisie et qui va s’assurer que l’éventuel manque de données pour le traitement et le routage des factures est comblé. Ce référentiel sera un document structuré qui va ajouter ces données complémentaires à celles des ERP et SI en place dans la société, de sorte que les factures puissent être effectivement complètes, non rejetées et non susceptibles de faire encourir des sanctions aux entreprises.
Identifier les cas d’usage
Grégory Mignon, product evangelist team leader chez Yooz : Concernant les cas d’usage, une partie doit certes être gérée par l’ERP ou l’outil métier mais c’est aussi à la plateforme agréée de vérifier qu’il y a bien toutes les données de facturation requises, de les transmettre et de savoir les gérer. La plateforme agréée doit donc aussi tenir compte de ces nouvelles informations qui sont liées aux cas d’usage. Les cas d’usage font partie de la norme Afnor Z12 014 (téléchargeable sur le site de l’Afnor). A date, il y a 42 cas d’usage. Il y a des cas d’usage simples qui sont par ailleurs souvent les plus communs comme les multi-commandes, les multi-livraisons, les factures déjà payées, etc. Il y a ensuite les cas d’usage liés à des délégations à un tiers (autofacturation, affacturage, etc.). Il y a également les cas d’usages qui ne concernent que certains métiers, secteurs d’activité ou processus de facturation. Enfin, il y a le cas d’usage « notes de frais » dont le traitement sera différent en fonction du mode de paiement : si le paiement se fait via une carte d’entreprise, il faudra prévoir une facture électronique et on sera dans le cas de l’e-invoicing ; si le paiement est réalisé via la carte personnelle du collaborateur qui se fait ensuite rembourser, on sera alors dans le cas de l’e-reporting. Dans les cas d’usage, on peut aussi être à la fois dans de l’e-invoicing et de l’e-reporting.
Pour connaître leurs cas d’usage, il est important que les entreprises cartographient leurs flux métiers et leurs processus de facturation. Elles peuvent à cet effet se faire accompagner, notamment par le cabinet d’expertise comptable, leur partenaire de dématérialisation ou leur éditeur d’ERP. Les plateformes agréées pourront également aider les entreprises dans la mise en place des cas d’usages simples.
Fabien Piffre, expert dématérialisation de factures chez Tessi
« L’un des points forts de cette réforme repose sur le cycle de vie de la facture, applicable sur l’e-invoicing. Il permet de suivre la vie de la facture depuis la transmission des données du vendeur vers sa plateforme jusqu’au paiement de cette facture. »
Fabien Piffre est consultant EDI – expert dématérialisation de factures chez Tessi. Diplômé d’un master spécialisé en échange de données informatisées à l’Ecole des mines d’Alès (IMT), Fabien œuvre depuis plus de 30 ans dans la dématérialisation de documents en tant que consultant EDI, EAI et intégrateur de flux métiers au sein de grands comptes. Il a ensuite renforcé son expertise en facturation électronique, e-invoicing et e-reporting auprès de différents éditeurs du marché pour rejoindre finalement Tessi en 2023 en tant qu’expert compliance pour la France et l’international, et jouer un rôle clé dans l’immatriculation de la plateforme agréée Digital Invoice by Tessi.
Les statuts liés au cycle de vie des factures, éléments clés de la conformité
Fabien Piffre, expert dématérialisation de factures chez Tessi : L’un des points forts de cette réforme repose également sur le cycle de vie de la facture. Le cycle de vie de la facture n’est applicable que sur l’e-invoicing. Il permet, dans un premier temps, de suivre la vie de la facture depuis la transmission des données du vendeur vers sa plateforme jusqu’au paiement de cette facture. Cette vision sera partagée par les différents acteurs : le vendeur et l’acheteur au minimum, la DGFiP pour les cycles de vie obligatoires, et même les tiers pouvant apparaître sur la facture. Dans la quinzaine de statuts décrits dans les spécifications de l’Etat, quatre seulement sont obligatoires. Le statut « déposé » annonce à la DGFiP qu’il va y avoir une nouvelle facture en cours de traitement. Il marque l’existence légale, fiscale, de la facture. Le statut « rejeté » fait pour sa part suite à des contrôles généralement automatiques qui vérifient entre autres la complétude des données. Il indique à la DGFiP que la facture en cours de traitement n’est pas conforme et met fin à l’avis de la facture. L’émetteur doit alors annuler, généralement par un avoir interne, la facture en cours de traitement qui a été rejetée. Le statut « refusé » par le récepteur est souvent attribué pour des raisons fonctionnelles, comme l’absence de numéro de commande. Tout refus de facture doit être motivé par une raison valable. La DGFiP et l’Afnor ont d’ailleurs mis à disposition une liste de motifs de refus qu’ils ont volontairement réduite, estimant qu’il y avait beaucoup d’abus sur ces refus de facture. Ce statut indique à la DGFiP que la facture a été refusée par l’acheteur, ce qui met également fin à son traitement. Le vendeur doit donc annuler cette facture dans son SI. Et enfin, le statut « encaissé » qui est transmis par le vendeur, lors de chaque règlement de la facture (total ou partiel). Ce statut est d’ailleurs exigé uniquement en cas de régime de TVA sur encaissement. Il permet à la DGFiP de déterminer, notamment, la date d’éligibilité de la TVA (date d’émission de la facture pour la TVA sur débit ou date de paiement dans le cas d’un régime de TVA sur encaissement).
Parallèlement à ces quatre statuts exigés par la DGFiP, d’autres sont fortement recommandés. Ils seront échangés de la même façon entre les différents tiers présents sur la facture, mais ne seront pas transmis à la DGFiP. C’est notamment le cas des statuts « émis » et « reçus » par la plateforme. Ils marquent un transfert de responsabilité sur le traitement de la facture d’une plateforme à une autre. Le statut de « prise en charge » est également recommandé. Il informe le vendeur que la facture émise a passé l’ensemble des contrôles et a été transmise à l’acheteur. Son traitement est en cours dans le système d’information de l’acheteur qui peut encore la refuser à tout moment. L’ensemble de ces statuts ou cycles de vie sont échangés au travers d’un format spécifique et spécifié, le Cedar.
Lise Ansart, global product manager chez Pitney Bowes
« Il est important de définir, en amont du projet de passage à la facturation électronique, quels en sont le périmètre et l’objectif principal. Il y a en effet deux options : soit mettre en place une mise en conformité stricte, soit faire de cette réforme une opportunité de générer également des gains métiers. »
Lise Ansart est global product manager chez Pitney Bowes. A ce titre, elle pilote la stratégie produit des solutions de dématérialisation pour accompagner au mieux PME et ETI en France et à l’international dans leur transformation digitale. Pitney Bowes, éditeur et intégrateur de solutions dans la gestion documentaire, accompagne 750 000 entreprises dans le monde, dont 60 000 en France – depuis plus de 100 ans. Pitney Bowes est plateforme agréée sous réserve.
e-invoicing et e-reporting
Eric Valion, head of customer European experience chez Esker : L’e-invoicing, c’est la facturation électronique telle qu’on la nomme usuellement. Il s’agit du flux qui, entre deux assujettis à la TVA en France (un fournisseur et un acheteur), doit faire l’objet d’une transmission de facturation électronique. Pour rappel, un PDF envoyé par email, ce n’est pas de la facturation électronique !
L’e-reporting concerne pour sa part la transmission de données fiscales qui seraient donc hors périmètre de l’e-invoicing : l’e-reporting de transaction pour les ventes faites à des particuliers (B2C) et les ventes et les acquisitions internationales entre deux entreprises, (B2B) ; l’e-reporting de paiement pour les ventes réalisées par les sociétés assujetties à la TVA sur les encaissements. Un flux dédié (flux numéro 10) doit faire l’objet de ces transactions. En termes de périodicité, c’est la décade en régime normal qui est appliquée. Par défaut, tous les 10 jours, une entreprise doit remonter via sa plateforme agréée les flux d’e-reporting qui ont été constatés sur les 10 jours qui viennent de s’écouler.
La cartographie des flux est donc aussi importante pour pouvoir isoler ce qui relève de l’e-invoicing ou de l’e-reporting et par conséquent, définir quelle partie du système d’information est concernée par la génération ou la mise à disposition de cette information. Elle évite également de se tromper de flux et donc de subir des pénalités en cas de contrôle fiscal.
Quelle différence entre e-reporting de transaction et e-reporting de paiement ?
Fabien Piffre : Il existe en effet plusieurs types d’e-reporting : l’e-reporting de transaction pour le B2C, l’e-reporting de transaction pour le B2B international et l’e-reporting de paiement. On va y retrouver également une multitude de formats associés, les flux 10, le 10.1, le 10.2, le 10.3, etc.
L’e-reporting, signifie simplement qu’on parle d’un flux déclaratif à destination de la DGFiP. En effet, la DGFiP souhaite recevoir un flux déclaratif appelé e-reporting de transaction pour toutes les factures B2C et B2B international. Cet e-reporting de transaction va reprendre une partie des données des factures émises par une entité (Siren) sur une période donnée qui seront transmises à la DGFiP en fonction d’un calendrier imposé, généralement le 10, le 20 ou le dernier jour du mois. Les e-reportings transmis à la DGFiP alimenteront également le pré-remplissage de la CA3 par la DGFiP.
Pour générer et transmettre ces e-reportings, les vendeurs ont deux options : soit ils confient l’ensemble de leurs factures à leur plateforme agréée qui va les traiter et les transmettre au destinataire, en extraire les éléments nécessaires à la constitution de l’e-reporting à la date exigée ; soit, ils gèrent leurs factures de manière autonome. En effet, dans le cadre du B2C ou du B2B international, il n’y a aucune obligation concernant la transmission des factures. Dans ce cas, c’est le vendeur qui prend la responsabilité de gérer cet e-reporting et de transmettre tous les éléments en temps et en heure à sa PA qui pour sa part les transmet à la DGFiP.
Enfin, l’e-reporting de paiement est pour sa part exigé pour les factures relevant du régime de TVA sur encaissement, donc principalement des factures de services. Il permet de déclarer à la DGFiP les sommes perçues en alimentant les éléments « montants » et « dates ». C’est en effet à partir de ces éléments que la DGFiP peut déterminer la TVA.
Grégory Mignon, product evangelist team leader chez Yooz
« Pour connaître leurs cas d’usage, il est important que les entreprises cartographient leurs flux métiers et leurs processus de facturation. »
Grégory Mignon est product evangelist team leader chez Yooz. Arrivé chez Yooz en 2016, Grégory Mignon a d’abord eu pour mission d’accompagner et de développer les grands cabinets d’expertise comptable. Il a ensuite travaillé aux côtés des entreprises pour leur permettre d’adopter la dématérialisation. Après avoir également contribué à renforcer les équipes fidélisation, Grégory s’est orienté dans l’accompagnement des partenaires commerciaux de Yooz en gardant une mission de formation et d’animation de webinaires à destination des prospects et clients. Depuis 2023, il est en charge des ressources product evangelist pour les territoires UK et EMEA et étend son périmètre à l’Espagne en 2024.
Eric Valion : L’e-reporting de transaction a des implications très concrètes dans le B2C. Prenons l’exemple d’une société qui dispose d’un site web marchand et d’un point de vente pour venir retirer les marchandises. Le client peut en premier lieu s’identifier comme un particulier puis payer en ligne les biens pour venir les retirer. Il s’agit donc d’une vente B2C qui relève de l’e-reporting. Cependant, si en retirant sa marchandise, le client demande une facture pour son entreprise, il s’agira alors d’une vente B2B qui relève de l’e-invoicing. C’est donc bien l’ensemble des composantes du système d’information qui vont dans ce cas devenir parties prenantes dans la gestion de ce qui relève de l’e-reporting et de l’e-invoicing, et donc qui est générateur du flux : le système de caisse, le système de web marchand, l’ERP, le système de paiement (carte bancaire), éventuellement les logiciels de réconciliation entre le relevé bancaire et le système de facturation. Cela soulève également des questions : par exemple quelle est la granularité des données qui doivent faire l’objet de l’e-reporting ? A priori, on doit envoyer un flux par Siren, voire par Siret, par journée de caisse, donc par ticket Z et par ligne de TVA (par taux de TVA). Donc l’intégralité de l’écosystème qui forme le SI est à prendre en compte, auquel s’ajoute une notion de process. L’entreprise doit être en mesure de remonter, en cas de contrôle fiscal, à la journée de caisse, donc au ticket Z, pour éventuellement montrer patte blanche sur le détail de ce qui a fait l’objet d’une vente à des particuliers. Une certaine maturité digitale est ainsi nécessaire pour pouvoir répondre à cette notion de l’e-reporting dans le cas du B2C.
En quoi l’e-reporting s’applique-t-il dans les échanges B2B transfrontaliers ?
Grégory Mignon : Les entreprises étrangères ne sont pas soumises à la réforme sur la facture électronique française. Il est donc possible de continuer à leur envoyer la facture comme avant, ou de passer par une PA qui peut s’en faire le relais tout en collectant automatiquement les informations à transmettre à l’administration française dans le cadre de l’e-reporting. De même, si une entreprise reçoit des factures de l’international, il convient également de transmettre les données de transaction à l’administration. Mettre en place une PA en réception permet de récupérer et d’extraire les informations de la facture puis d’alimenter le fichier d’e-reporting qui sera ensuite transmis à l’administration avec le flux demandé, et ce de manière automatique. Dans certains cas, la collecte pourra se faire manuellement, mais la transmission vers l’administration devra pour sa part être automatique. Seuls les biens importés pour lesquels l’administration des douanes collecte et gère les informations liées à la TVA ne sont pas concernés par ce dispositif. Il faudra néanmoins s’assurer que ce qui a été transmis par les douanes correspond à la déclaration de TVA de l’entreprise. Au niveau de l’e-reporting, il faudra également être en capacité de suivre les flux de transaction et de paiement. Enfin, il faut également souligner que la facturation à un client ou à un fournisseur étranger peut ne pas rentrer dans le cadre du e-reporting. Il est par exemple possible qu’une entreprise étrangère assujettie à la TVA ait une succursale ou un établissement stable au sens TVA en France avec laquelle vous contractez. Auquel cas, la facturation vers cette succursale ou cet établissement stable en France entrerait dans le cadre du e-invoicing. La cartographie des flux de TVA est donc indispensable pour bien identifier ces différents flux et le cadre dans lequel ils s’inscrivent (e-reporting ou e-invoicing).
Eric Valion, head of customer European experience chez Esker
« Pour choisir une plateforme agréée, nous conseillons notamment aux entreprises de veiller à son ouverture à l’international et à la pérennité financière du prestataire. »
Eric Valion est directeur de l’expérience client – coordinateur principal pour la facturation électronique B2B chez Esker. Diplômé des Etudes supérieures comptables et financières, Eric travaille depuis 30 ans dans l’industrie de l’édition logicielle, que ce soit chez des éditeurs ou des ESN (Cegid et CapGemini entre autres). Successivement formateur, consultant, chef de produit puis directeur de marché, Eric Valion est en poste depuis 12 ans chez Esker et a été préalablement chef de projet à l’international. Depuis 2018, il est directeur de la customer experience EMEA qu’il a contribué à créer chez Esker. Depuis mai 2023, il a également pris en charge les activités liées à la réforme de la facturation électronique pour le marché français. Il coordonne les dossiers d’immatriculation en tant que PDP, ainsi que le dossier de candidature Pilote au nom d’Esker.
Au-delà des obligations, un courrier ministériel du 3 septembre, adressé au président de la commission facturation électronique de l’Afnor, annonce plusieurs mesures de simplification de l’e-reporting. Quelles sont ces mesures de simplification et en quoi
Lise Ansart : L’intention est claire. Il s’agit d’essayer de réduire le nombre de cas de figure complexes et d’alléger certaines situations, de sorte que la montée en charge puisse se passer le plus sereinement possible pour un maximum d’entreprises, y compris pour les PME et les TPE. Plusieurs simplifications ont ainsi été proposées.
– Le courrier propose la suppression du détail à la ligne pour les acquisitions internationales. Jusqu’à présent, dans le cadre de l’e-reporting, la réforme imposait de fournir des informations en allant jusqu’au détail à la ligne. Désormais, il faudra reporter à un niveau agrégé, notamment le montant total hors taxes, la TVA, la nature de l’opération, le pays du fournisseur et éventuellement le taux de change si la facture est dans une devise étrangère. Les fichiers d’e-reporting vont ainsi être allégés en volume de données, et la collecte d’informations sera moins contraignante et moins pénible pour les systèmes comptables et, accessoirement aussi, pour les plateformes agréées.
– Côté B2C, ce courrier propose de ne plus reporter sur le nombre total de ventes ou de tickets sur la période de reporting donnée dans le fichier d’e-reporting. Les logiciels de caisse n’auront plus à compter et à remonter l’information sur le nombre précis de transactions qu’il y a eu sur la période d’e-reporting donnée. Nous allons demander le montant global périodique sur la période concernée, et éventuellement le mode de paiement pour certains cas. C’est donc moins contraignant pour la mise en conformité des TPE et PME qui utilisent des caisses ou des logiciels qui n’avaient pas forcément prévu de comptabiliser et d’exporter ce champ.
– D’autre part, l’administration propose de ne plus faire d’e-reporting à blanc s’il n’y a pas de transactions concernées par l’e-reporting sur la période concernée, alors qu’auparavant la déclaration vierge ou l’e-reporting à blanc étaient obligatoires.
– Elle propose également de figer le nombre de données demandées dans le cadre de l’e-reporting, c’est-à-dire de ne plus mettre à jour des spécifications demandant des blocs de données ou des champs obligatoires additionnels dans le cadre de l’e-reporting, et ce afin de stabiliser les développements en cours, le travail effectué sur les systèmes d’information des entreprises et les différents interfaçages entre ERP et plateformes agréées.
– Ce courrier propose par ailleurs d’exclure les opérations hors Union européenne, qui attirent une TVA étrangère, mais assujetties et basées en France, qui jusqu’à présent faisaient l’objet d’un e-reporting.
– Les entreprises qui ne sont pas établies en France, mais qui sont immatriculées à la TVA française et qui sont donc amenées à effectuer des opérations sur le territoire français, voient leurs obligations d’e-reporting repoussées de septembre 2026 à septembre 2027.
Enfin, le courrier annonce deux tolérances :
– la première concerne les entreprises qui sont notamment dans la revente de biens. Jusqu’ici, la réforme imposait de faire le calcul de la TVA sur la marge de chaque prestation revendue ou de chaque bien revendu, ce qui pouvait être assez lourd. Dans le cadre de la simplification, ce calcul sera fait sur une marge moyenne ou forfaitaire ;
– la seconde concerne les entreprises qui ne seraient pas inscrites dans l’annuaire dans les temps ou qui aurait un problème de mise à jour dans l’annuaire pour raisons purement techniques et non faute d’avoir choisi une plateforme. Elle se verra alors attribuer une période de tolérance le temps qu’elle puisse régulariser la situation.
Quels critères pour choisir une plateforme agréée ?
Eric Valion : Pour choisir une plateforme agréée, nous conseillons notamment de veiller à son ouverture à l’international et à la pérennité financière du prestataire. En effet demain l’Europe, au travers de sa directive ViDA, va suivre le même mouvement vers la facturation électronique que la France, voire l’amplifier. Les entreprises françaises devront donc être en capacité de respecter l’ensemble de ces réformes. Un acteur qui ne parle que le langage fiscal français devient forcément une impasse pour les entreprises qui font du commerce à l’international. D’autre part, la pérennité et la solidité financière des PA choisies sont indispensables. En effet, ces réformes et les normes sont ouvertes et sont donc amenées à évoluer. Par exemple, l’Italie est passée à la facturation électronique en 2017-2018 mais son modèle pourrait être remis en cause par la directive ViDA. Il faut donc que les acteurs puissent suivre le mouvement sans que les entreprises en paient le prix fort. D’où l’importance de s’appuyer sur des prestataires robustes.
Lise Ansart : Il est également important de définir en amont du projet quels en sont le périmètre et l’objectif principal. Il y a en effet deux options : soit mettre en place une mise en conformité stricte, soit faire de cette réforme une opportunité de générer également des gains métiers, comme la réduction du coût et du temps passé sur la facturation, la réduction du DSO ou encore l’amélioration de la trésorerie. Ces objectifs contribuent également au choix de la PA. Si l’entreprise souhaite dégager de tels bénéfices, elle devra alors s’assurer que la PA choisie dispose des fonctionnalités qui permettent de matérialiser ses gains. D’autre part, il faut choisir une solution capable de gérer l’ensemble des canaux d’envoi et de réception (Chorus, e-mail, EDI, SFTP, etc.), ainsi que des formats de fichiers structurés et non structurés. C’est d’autant plus important que pendant la période transitoire, de nombreuses PME et les TPE continueront d’envoyer des factures dans un format PDF qu’il faudra être en capacité de recevoir. Même après la réforme, les entreprises devront être capables de recevoir des factures hors champ de la réforme, ou qui viennent de l’étranger. Il faut donc pouvoir s’appuyer sur un outil capable de gérer tous ces formats, y compris ceux qui sortent de son ERP et qui intègrent un OCR, pour ne pas se retrouver à faire des retouches de factures sur celles qui seront encore hors champ post-réforme.
Fabien Piffre : Pour être « compliant » avec la réforme, la priorité doit être de respecter l’obligation de transmettre des factures au format électronique, et il faut que ces factures soient conformes. Ensuite, il faut mettre en place les flux déclaratifs (e-invoicing et e-reporting) et le cycle de vie associé à la facture traitée (a minima les quatre cycles de vie obligatoires définis dans le cadre de la réforme). Enfin, il est possible de se pencher sur ce qui est optionnel, comme les cycles de vie non obligatoires, la gestion des cas d’usage ou toutes autres fonctionnalités complémentaires que pourrait offrir une plateforme.
Grégory Mignon : Il n’est en effet pas nécessaire de gérer la totalité des 42 cas d’usages (à Novembre-Décembre). Les petites structures n’ont pas forcément besoin de gros outils, d’où l’intérêt de se faire accompagner par exemple par des cabinets d’experts-comptables qui peuvent proposer ce service à leurs clients. Il est également possible de démarrer par phase pilote, c’est-à-dire mettre en place la réception dans un premier temps, puis l’émission ensuite, notamment pour les entreprises qui ne sont pas immédiatement concernées par cette obligation d’émission, et de faire ses premiers tests. Enfin, nous conseillons de choisir une PA qui propose de simplifier toute la démarche de mise en conformité et qui répond aux besoins de l’entreprise tant en termes de fonctionnalités que de tarification.
Pour rappel et en conclusion, le Portail public de facturation ne joue désormais qu’un rôle d’annuaire, de concentrateur et de transmission des données à la DGFiP. Il n’assure plus la transmission des factures comme c’était initialement prévu. Toutes les entreprises assujetties sont donc aujourd’hui dans l’obligation de choisir une plateforme agréée.