L’intégration progressive de l’intelligence artificielle (IA) dans les entreprises soulève des questions stratégiques, parmi lesquelles celle de la consultation du comité social et économique (CSE) se révèle incontournable. Une récente ordonnance du tribunal judiciaire de Nanterre (TJ Nanterre, ordonnance de référé du 14 février 2025, RG n° 24/01457) met en lumière l’enjeu de cette consultation, qui peut conditionner le déploiement de l’IA.
1. Consulter le CSE sur l’introduction de l’IA : une obligation systématique ?
Dans les entreprises de 50 salariés ou plus, l’introduction de nouvelles technologies nécessite la consultation préalable du CSE (C. trav., art. L. 2312-8, 4°). Cette obligation s’applique dès lors que la technologie est inédite au sein de l’entreprise, peu important sa diffusion à l’extérieur (Cass. soc., 28 oct. 1996, n° 94-15.914 ; circ. DRT 84-12 du 30 nov. 1984). Le CSE peut recourir à un expert dans le cadre de cette consultation, pour évaluer les impacts sur les conditions de travail, la santé et la sécurité des salariés (C. trav., art. L. 2315-94).
L’absence de définition de l’IA en droit français et les débats sur sa qualification de « nouvelle technologie » pour certaines applications peuvent parfois compliquer l’analyse.
Il faut alors déterminer s’il s’agit d’un aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, pour lequel la consultation du CSE s’impose (C. trav., art. L. 2312-8, 4°). Seuls revêtent ce caractère d’importance les projets de nature à modifier de façon significative et déterminante les conditions de travail ou de santé et de sécurité (Cass. crim., 3 mai 1994 n° 93-80.911 ; Cass. crim., 13 sept. 2005 n° 04-86.887 ; Cass. soc., 12 avr. 2018, n° 16-27.866). Les technologies déjà utilisées ou les innovations mineures ne nécessitent pas de consultation (Cass. soc., 15 oct. 1987, n° 85-16558).
Soyons cependant réalistes : l’introduction de l’IA justifie souvent la consultation du CSE, ne serait-ce qu’en raison de son impact sur les environnements de travail (règlement UE 2024/1689 du 13 juin 2024, art. 3, dit « AI Act »), sur les données personnelles, ainsi que des ajustements...