Dans le secteur de la construction, où les projets sont souvent longs, complexes et coûteux, les différends sont fréquents. Pour y faire face de manière efficace, les parties contractantes recourent de plus en plus aux dispute boards.
Cet outil contractuel né aux Etats-Unis dans les années 1970 a été démocratisé par de nombreuses institutions comme la FIDIC (Fédération internationale des ingénieurs-conseils) qui en a posé les grands principes dans ses contrats-types. Ils ont été imaginés en réponse à l’approche conflictuelle en instaurant ab initio un mécanisme obligeant les parties à s’interroger sur les conséquences de leurs actions et à échanger sur les solutions envisagées.
Le mécanisme des dispute boards a été imaginé afin de prévenir les conflits plutôt que pour les résoudre. Cependant, on s’aperçoit qu’en pratique, ces dispute boards sont de plus en plus utilisés pour trancher entre les parties. Alors que le but était d’obliger les parties à un dialogue encadré tout en privilégiant la continuité de l’exécution contractuelle, les parties en usent aujourd’hui bien souvent comme outil de contrainte : alors qu’ils avaient été instaurés pour donner de simples recommandations, les dispute boards rendent aujourd’hui des décisions quasi juridictionnelles.
Cette évolution pose la question légitime de leur nécessaire encadrement normatif et de leur place dans le paysage global des règlements des différends : quelle force obligatoire et quelle reconnaissance doivent avoir ces décisions de nature contractuelle dans notre ordre juridique ? Peut-on remettre en cause ces décisions ? Comment ? Le juge étatique doit-il avoir la possibilité d’apprécier en profondeur le bien-fondé de ces décisions ou doit-il – comme en matière d’arbitrage – limiter au maximum son contrôle, déléguant son pouvoir juridictionnel à ces organes contractuels ?