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La directive (UE) 2024/1203 relative aux crimes environnementaux : un risque pénal systémique pour les entreprises, leurs investisseurs et leurs dirigeants

Publié le 2 septembre 2025 à 12h23

Adlane Avocats    Temps de lecture 11 minutes

Par Hassan Ben Hamadi, avocat, Adlane Avocats

1. Une nouvelle ère du droit pénal de l’environnement en Europe

L’adoption de la directive (UE) 2024/1203 du 11 avril 2024, entrée en vigueur le 20 mai 2024 et devant être transposée par les Etats membres au plus tard le 21 mai 2026, constitue une étape décisive dans la lutte contre la criminalité environnementale.

Elle remplace la directive 2008/99/CE, qui avait montré ses limites en raison d’un champ d’infractions trop restreint et de sanctions peu dissuasives.

La nouveauté tient d’abord à l’élargissement du périmètre des infractions : le texte en dénombre désormais vingt, contre neuf auparavant.

Il s’agit des infractions suivantes :

– la pollution ou l’émission nuisible de matières, de substances ou d’énergie (ex. chaleur, bruit, rayonnements ionisants) dans l’air, l’eau ou le sol ;

– la mise sur le marché d’un produit potentiellement nocif en violation d’une interdiction ou d’exigences environnementales ;

– la fabrication, mise à disposition, exportation ou utilisation de certaines substances toxiques (ex. substances appauvrissant la couche d’ozone, PFAS) ;

– la gestion illicite (collecte, transport, traitement) de déchets dangereux, notamment en quantité significative ou dans le cadre de transferts non conformes ;

– le rejet de substances ou activités liées à des installations dangereuses (Seveso/IED, offshore) causant ou susceptibles de causer des dommages importants ;

– l’exploitation ou fermeture non conforme d’une installation dangereuse entraînant des conséquences graves (air, sol, eau, écosystème) ;

– la construction, l’exploitation ou le démantèlement d’installations offshore non conformes entraînant des dommages substantiels ;

– les atteintes à la faune ou à la flore sauvages protégées (espèces listées dans les directives Habitats & Oiseaux, CITES) : capture, vente, destruction ;

– le commerce illégal ou le trafic de bois en violation du règlement anti-déforestation 2023/1115 ;

– le recyclage illicite de navires (hors installations autorisées, non-respect des normes) ;

– l’extraction illégale ou excessive d’eau (souterraine ou de surface) causant des dommages écologiques significatifs ;

– les violations graves du droit européen des produits chimiques (ex. règlement REACH) ;

– l’introduction ou diffusion d’espèces exotiques envahissantes (règlement 2014/1143) ;

– la violation des règles protectrices de la biodiversité au titre des projets soumis à évaluation (directive 2011/92) ;

– les atteintes graves à la biodiversité ou aux écosystèmes, qualifiées d’« infractions qualifiées » (équivalent fonctionnel de l’écocide) ;

– les actes issus d’une autorisation obtenue frauduleusement ou par corruption ou violation substantielle ;

– la tentative, incitation, complicité ou abstention à l’origine d’une infraction environnementale ;

– le transport de substances interdites ou non conformes aux règles sectorielles (mercure, polluants persistants) ;

– la mise sur le marché, l’utilisation ou l’exportation de substances/équipements contenant des substances nocives (ex. CFC) ;

– le non-respect des régimes spécifiques (pollution maritime, marées noires) même si autorisé formellement.

Ces vingt infractions représentent dorénavant le minimum harmonisé que les Etats membres doivent sanctionner pénalement.

La directive introduit en outre la catégorie des infractions dites « qualifiées » : lorsque les faits entraînent des dommages irréversibles, étendus ou durables pour l’environnement ou pour la santé humaine, les juridictions pourront prononcer des peines nettement plus sévères.

Bien que le terme « écocide » n’apparaisse pas, ces infractions qualifiées en constituent l’équivalent fonctionnel et traduisent une volonté claire et nette d’élever le niveau de protection environnementale.

Cette absence de reconnaissance expresse de l’écocide est d’ailleurs critiquée par certaines ONG, mais elle n’enlève rien à la portée punitive et symbolique du texte.

Enfin, le texte insiste sur l’importance d’une application effective. Les Etats devront renforcer les capacités des autorités de poursuite, développer la coopération entre agences nationales et avec Eurojust (l’Agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale), former les magistrats et assurer un suivi statistique régulier.

Ces obligations procédurales sont essentielles pour garantir que la directive ne reste pas un simple affichage normatif, comme ce fut le cas pour la directive de 2008. La mise en œuvre effective conditionnera donc la crédibilité et l’efficacité de ce nouveau cadre juridique.

2. Un changement de paradigme : la responsabilisation pénale des dirigeants

L’autre grande innovation de la directive est la mise en cause directe des dirigeants.

L’article 6 prévoit effectivement que les personnes physiques exerçant un pouvoir de direction au sein d’une personne morale peuvent voir leur responsabilité pénale engagée, soit pour avoir participé activement à la commission de l’infraction, soit pour ne pas avoir empêché sa réalisation alors qu’elles en avaient la possibilité.

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