L’essor fulgurant de l’intelligence artificielle (IA) transforme radicalement notre société et pose des défis juridiques inédits. Parmi ces enjeux, la question de la responsabilité civile occupe une place centrale. Qui doit répondre des dommages causés par un système d’IA ? Nous rappellerons rapidement en quoi les régimes de responsabilité traditionnels sont difficilement adaptables à l’IA (1), avant d’envisager l’avancée significative que vient d’opérer la directive 2024/2853, en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (2).
1. L’inadéquation des régimes de responsabilité traditionnels face à l’IA
1.1. L’inadéquation de la responsabilité pour faute
Le régime de droit commun, fondé sur l’article 1240 du Code civil, exige traditionnellement la démonstration d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité. Mais cette approche se révèle inadaptée aux spécificités de l’IA.
D’abord, l’identification de la faute pose des difficultés considérables. Les systèmes d’IA, notamment ceux reposant sur l’apprentissage automatique, peuvent adopter des comportements imprévisibles, même pour leurs concepteurs. Comment caractériser une faute lorsque le développeur ne peut anticiper toutes les décisions que prendra son algorithme ? Cette imprévisibilité intrinsèque des systèmes autoapprenants remet en question la notion même de faute, traditionnellement liée à un manquement à une obligation de prudence ou de diligence (sauf à considérer que la mise sur le marché d’un système autoapprenant serait, en elle-même, fautive).
Ensuite, l’établissement du lien de causalité s’avère particulièrement complexe. Les systèmes d’IA modernes fonctionnent souvent comme des « boîtes noires », rendant difficile la compréhension des mécanismes décisionnels ayant conduit au dommage. Cette opacité algorithmique constitue un obstacle majeur pour les victimes qui doivent prouver que le comportement de l’IA est bien à l’origine de leur préjudice.
1.2. L’inadéquation de la responsabilité du fait des choses
La responsabilité du fait des choses, prévue à l’article 1242 alinéa 1er du Code civil, pourrait sembler plus appropriée puisqu’elle ne nécessite pas la preuve d’une faute. Et l’on sait que l’écueil relatif à...