La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) s’est récemment prononcée sur les modalités concrètes de mise en œuvre de la théorie de l’abus de droit en présence de dividendes éligibles en principe à l’exonération prévue par la directive mères-filiales (directive 2011/96/UE, ci-après « la Directive »). Le rappel des faits de cette affaire est indispensable à la bonne compréhension de l’apport juridique de l’arrêt.
1. Faits
Une société lituanienne détient les titres d’une filiale établie au Royaume-Uni (avant le Brexit). En 2018 et 2019, elle reçoit de cette filiale des dividendes qu’elle considère comme exonérés en application de l’article 4 de la directive mères-filiales. L’administration lituanienne remet néanmoins en cause cette exonération en s’appuyant sur la clause anti-abus de la directive dont l’article 1er, paragraphes 2 et 3, prévoit ce qui suit :
« 2. Les Etats membres n’accordent pas les avantages de la présente directive à un montage ou à une série de montages qui, ayant été mis en place pour obtenir, à titre d’objectif principal ou au titre d’un des objectifs principaux, un avantage fiscal allant à l’encontre de l’objet ou de la finalité de la présente directive, n’est pas authentique compte tenu de l’ensemble des faits et circonstances pertinents.
Un montage peut comprendre plusieurs étapes ou parties.
3. Aux fins du paragraphe 2, un montage ou une série de montages est considéré comme non authentique dans la mesure où ce montage ou cette série de montages n’est pas mis en place pour des motifs commerciaux valables qui reflètent la réalité économique. »
Au cas particulier, le groupe concerné exerçait une activité de création de distribution de jeux électroniques. Selon l’administration lituanienne, la filiale britannique procédait d’un montage non authentique car elle ne disposait pas de ressources humaines correspondant au grand nombre de jeux distribués, de clients et de canaux de vente, la seule employée de celle-ci étant sa...