Le dirigeant d’une société, également associé de celle-ci, commet-il une faute de gestion lorsque les apports consentis lors de sa constitution sont insuffisants ?
Par Arnaud Hugot, avocat associé, CMS Bureau Francis Lefebvre.
Certains juges du fond avaient pour habitude de condamner le dirigeant associé, en cas de liquidation judiciaire, à supporter une partie du passif lorsque «l’extrême modicité du capital social portait en elle-même les germes des difficultés qui allaient être révélées aux associés dès leur première assemblée générale» (CA Rouen, 20 oct. 1983 : D. 1983, p. 163 ; CA Aix-en-Provence, 16 mai 2001 : BRDA 2002/3, n° 7). Cette solution était cependant contestable pour deux raisons principales. D’une part, une faute de gestion est définie comme un acte préjudiciable à la société accompli dans l’exercice de son pouvoir de gestion, par un dirigeant social. De toute évidence, l’apport en société ne participe pas du pouvoir de gestion. D’autre part, un acte de gestion suppose, par définition, que l’activité sociale ait débuté. Or, l’apport en société effectué au moment de la constitution de la société est antérieur au début de l’activité sociale. La solution qui présidait jusqu’alors n’était donc sans doute pas à l’abri de contestations.
Par un arrêt rendu en date du 10 mars 2015 par sa chambre commerciale (n° 12-15.505), la Cour de cassation a apporté un frein salutaire à cette jurisprudence. En l’espèce, une SARL avait été placée en liquidation judiciaire et la gérante avait été assignée par le liquidateur en responsabilité pour insuffisance d’actif. Celle-ci avait, en particulier, été condamnée en appel pour faute de gestion au motif qu’elle n’avait pas «apporté à la société qu’elle...