Bien avant la législation européenne, la France a reconnu et défini un régime juridique propre aux « actifs numériques(1) », mais ce dispositif était incomplet : il n’offrait pas de moyens juridiques satisfaisants pour valoriser ces actifs et les donner en garantie, dans le cadre notamment de financements. Cette omission vient d’être corrigée avec la création le 30 avril 2025(2) d’un nouveau régime de nantissement sur actifs numériques introduit à l’article L. 226-5 du Code monétaire et financier.
Dorénavant, les propriétaires d’actifs numériques peuvent les donner en garantie à leurs créanciers, et ces derniers bénéficient d’une sûreté valable, et efficace en droit français.
Dans l’attente de la publication d’un décret destiné à compléter le nouveau dispositif, ses principales caractéristiques sont d’ores et déjà appréhendables.
1. Comment constituer un nantissement sur actifs numériques ?
Le nouveau régime est inspiré du nantissement de comptes de titres financiers mais avec une différence notoire : il ne porte pas sur un compte, mais directement sur les actifs numériques.
Le nantissement est valablement créé par la seule signature d’une déclaration de nantissement par le constituant via, le cas échéant, un « smart contract3 ». Le nantissement porte sur tous les actifs numériques désignés dans la déclaration, ceux qui leur sont substitués ou les « complètent ». La substitution ou l’ajout d’actifs numériques après la mise en place du nantissement entre de plein droit dans l’assiette du nantissement.
Une déclaration complémentaire pour les actifs numériques, fruits et produits « venant compléter » le nantissement est prévue, laquelle rétroagit à la date de signature de la déclaration de nantissement initiale. Les parties devront s’accorder sur ce qui complète de plein droit les actifs nantis tels qu’énumérés initialement et ce qui vient les compléter et qui devra faire l’objet d’une déclaration complémentaire.
Sauf convention contraire, l’assiette du nantissement comprend les fruits et produits issus des actifs numériques (par exemple le produit du « staking ») ainsi que les sommes en toute monnaie se rapportant aux actifs numériques nantis. Pour appréhender les flux monétaires ainsi liés aux actifs numériques, le constituant doit disposer d’un compte spécial auprès d’un établissement de crédit et viser ce compte dans sa déclaration de nantissement. On regrette une fois de plus que le législateur, en ne se référant qu’aux établissements de crédit, n’ait pas pensé à tous les teneurs de compte de paiement agréés (établissements de paiement et de monnaie électronique). Plus de 15 ans après sa transposition, la première directive européenne dite des « services de paiement » a décidément du mal à porter tous ses fruits.