Dans le cadre d’opérations de fusions, scissions, apports partiels d’actifs soumises au régime juridique des fusions ou scissions, le Code de commerce impose aux sociétés absorbante/bénéficiaire des apports et absorbée/apporteuse de produire un état comptable intermédiaire, dans les conditions et selon les modalités prévues par son article R. 236-4 4°.
Nous faisons le point sur les questions que pose fréquemment l’établissement de cet état comptable intermédiaire en pratique.
Quand un état comptable intermédiaire doit-il être établi ?
Deux dates clés sont à prendre en compte :
– six mois depuis les derniers comptes annuels : l’établissement d’un état comptable intermédiaire est requis lorsqu’à la date du projet de traité, les derniers comptes annuels se rapportent à un exercice dont la clôture est antérieure de plus de six mois. La date à considérer est celle de la signature du traité par le représentant légal et non la date de réalisation juridique de l’opération ;
– trois mois à la date du projet de traité : lorsque l’état comptable intermédiaire doit être établi, il doit être arrêté moins de trois mois avant cette même date du projet de traité.
A titre d’illustration, lorsque les entités parties à une fusion (absorbée et absorbante) clôturent leurs comptes annuels au 31/12/N, l’établissement d’un état comptable intermédiaire n’est obligatoire que si la date de signature du projet de fusion intervient à compter du 30/06/N+1.
A noter que lorsque la société a publié un rapport financier semestriel prévu à l’article L. 451-1-2 du Code monétaire et financier, l’établissement de l’état comptable intermédiaire n’est pas requis.
Pourquoi établir cet état comptable intermédiaire ?
Pour l’information des actionnaires, car il fait partie des documents devant être mis à leur disposition en vue de leur prise de décision, et ce 30 jours au moins avant la date de l’assemblée générale extraordinaire (AGE) se prononçant sur l’opération (C. com. art. R. 236-4).
Il en résulte qu’en principe, l’état comptable intermédiaire ne doit pas obligatoirement être établi dès la date de signature du traité, laquelle doit intervenir plus tôt : 45 jours au moins avant la date de cette même AGE.
Il n’est pas non plus nécessairement annexé au traité. Néanmoins, en pratique, il est recommandé de contacter le greffe du tribunal auprès duquel le projet de traité sera déposé, afin de s’assurer que l’absence de l’état comptable intermédiaire en annexe ne peut être un motif de rejet du projet.
A noter que l’état comptable intermédiaire doit être établi même lorsqu’aucune décision d’AGE n’est requise pour approuver l’opération, parce que cette dernière bénéficie d’un régime juridique simplifié, pour rappel :
– fusion entre une société mère et une filiale qu’elle détient à 100 % ainsi que fusion entre sociétés détenues à 100 % par la même société mère (C. com. art. L. 236-11) ;
– scission entre sociétés (scindée et bénéficiaires des apports) détenues à 100 % par une même société mère ainsi que scission d’une société au profit de ses actionnaires qui la détiennent en totalité (C. com. art. L. 236-11 par renvoi de l’art. L. 236-21) ;
– apport partiel d’actif d’une société mère à une filiale détenue à 100 % (ou inversement) ainsi qu’apport partiel d’actif entre sociétés sœurs détenues à 100 % par une même société, lorsque ces apports sont placés sous le régime juridique des scissions (C. com. art. L. 236-28).
En cas d’opération réalisée avec un effet immédiat, les valeurs d’apport provisoires figurant dans le traité peuvent-elles être issues de cet état comptable intermédiaire ?
Oui, mais ce n’est pas obligatoire. En effet, ni le Code de commerce ni le Plan comptable général (PCG) ne prévoient expressément que les valeurs à faire figurer dans le projet de traité de fusion ou de scission doivent être issues de cet état comptable intermédiaire lorsqu’il est établi.
Les parties peuvent donc en décider autrement, et préparer le projet de traité sur la base d’un autre jeu de comptes. En effet, lorsque l’opération est réalisée avec un effet immédiat, les valeurs figurant dans le projet de traité sont provisoires et doivent être ajustées à la date de l’opération (en ce sens, PCG art. 744-2). Dès lors, en pratique, les derniers comptes annuels sont souvent utilisés pour l’établissement du projet de traité car ils sont déjà disponibles lorsque ce projet est préparé.
Quelles sont les modalités d’établissement de l’état comptable intermédiaire ?
Lorsqu’il est établi, l’état comptable intermédiaire doit être préparé selon les mêmes méthodes et suivant la même présentation que le dernier bilan annuel. L’établissement de cet état peut donc s’avérer complexe et chronophage. Il convient donc de l’anticiper et de le prendre en compte dans le calendrier de réalisation de l’opération.
L’état comptable intermédiaire inclut nécessairement un bilan, ce qui, en pratique, conduit également à l’établissement d’un compte de résultat. La préparation d’une annexe aux comptes n’est en revanche pas obligatoire.
Il ne doit pas obligatoirement avoir été vérifié par le commissaire aux comptes. Un rapport d’audit ou un examen limité par le commissaire aux comptes (ou à la fusion/aux apports) peut toutefois être établi, à la demande des dirigeants des entités concernées, cette situation étant rare en pratique.
Quelles sanctions en cas de défaut d’établissement de l’état comptable intermédiaire ?
Aucune sanction pénale et a priori pas de risque de nullité de l’opération (selon une position de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes) mais une injonction de communiquer cet état, à la fois lorsqu’il n’a pas été établi et lorsqu’il a été établi mais date de plus de trois mois.
Attention également car l’état comptable intermédiaire fait partie de l’information à communiquer au CSE dans le cadre de la consultation sur l’opération, pour que celui-ci puisse rendre un avis éclairé, ainsi qu’à l’expert qu’il pourrait avoir nommé. Si l’état comptable intermédiaire n’est pas communiqué au CSE, ou plus probablement à son expert sur sa demande, le CSE pourrait s’estimer insuffisamment éclairé et refuser de rendre son avis. Il pourrait également contester le point de départ du délai de consultation, qui ne commence à courir qu’une fois que l’information donnée au CSE est complète, ou à tout le moins suffisante.