La lettre de l'immobilier

Les nouveaux défis de l'immobilier

Bail commercial et insolvabilité : anticipation ou chausse-trape ?

Publié le 30 novembre 2021 à 18h51

CMS Francis Lefebvre    Temps de lecture 5 minutes

Par Guillaume Bouté, avocat counsel, docteur en droit, membre de l’équipe Restructuring. Il intervient au support de tous les acteurs confrontés aux problématiques liées aux difficultés des entreprises. guillaume.boute@cms-fl.com  / Et Arnaud Valverde, avocat en droit immobilier. Il conseille des investisseurs, des promoteurs et des utilisateurs nationaux et internationaux sur tout type d’actifs. Il intervient notamment dans le cadre d’opérations immobilières complexes d’acquisition, de joint-ventures, de vente, de baux et de construction.arnaud.valverde@cms-fl.com

La conclusion d’un bail commercial créant souvent une relation de temps long, les affres affectant l’exploitation du preneur sont susceptibles de se répercuter sur le bailleur (la crise du Covid-19 en est un exemple saisissant). Des moyens juridiques permettant au bailleur de faire valoir ses droits dans le cadre d’une telle défaillance existent et leur efficacité est conditionnée par l’anticipation des difficultés. Pris à défaut, le bailleur, comme les autres créanciers, sera fort malmené.

Schématiquement, avant que le preneur n’ait recours à une procédure amiable de traitement de ses difficultés, le bailleur doit contrecarrer les écueils en mobilisant ses droits en temps utile. En procédure collective, le bailleur doit prendre garde à sécuriser l’exercice de ses droits qui peuvent disparaître s’il n’y prend garde.

Anticiper la négociation amiable

Lorsque le preneur rencontre des difficultés et que le service des loyers constitue une charge importante, son réflexe sera souvent de débuter, hors cadre spécifique, des négociations afin de tenter d’obtenir des efforts du bailleur. Puis, les discussions ne trouvant pas d’issue, le preneur aura bien souvent recours à une procédure de conciliation.

Dans les faits, la stratégie du preneur est souvent d’augmenter au maximum la dette locative afin de préserver la trésorerie et de maximiser la pression sur son bailleur.

Or, la conciliation, naguère procédure essentiellement volontaire, a vu sa dimension coercitive renforcée par les « ordonnances Covid » ayant introduit un dispositif permettant au débiteur de solliciter le gel du passif à l’égard du ou des créanciers invités à la procédure.

Ce dispositif a été globalement pérennisé  par l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre dernier (1), simplement saupoudré d’une dose de contradictoire qui sera souvent un leurre pour le bailleur ne disposant pas des éléments de nature à lui permettre de contrer la demande de délais de grâce formulée à son encontre pour la durée de la conciliation (5 mois). D’autant que, renforcé, ce dispositif profite désormais également à la caution (2).

Dans ce contexte, le bailleur gagne à faire preuve de diligence, notamment en appelant en paiement à bonne date le débiteur ou son garant (voire en introduisant des voies d’exécutions, le cas échéant, plus rapidement définitives en cas de bail authentique) et, selon la stratégie choisie,  en poursuivant l’acquisition de la clause résolutoire. Une telle diligence est indispensable pour consolider sa position lors de l’entrée en négociation. Il peut en outre se ménager un meilleur recouvrement des loyers, notamment en sollicitant une garantie autonome plutôt qu’un cautionnement. 

Le poids du bailleur dans les négociations dépend donc de ce qu’il s’est assuré, avant l’ouverture de la conciliation, le bénéfice d’une position de force.

S’assurer de participer à la discipline judiciaire

Le risque d’une procédure collective à l’égard du preneur doit susciter chez le bailleur des réflexes visant à sécuriser ses droits.

Certes, les sûretés dont bénéficie le bailleur peuvent se révéler efficaces en procédure collective. Toutefois, leur efficacité ne doit pas être anéantie par une déclaration de créances trop sommaire qui n’indiquerait pas la créance garantie, la sûreté, et le privilège la garantissant avec son assiette. 

L’ordonnance précitée a en effet renforcé la portée de la déclaration des sûretés en sanctionnant son irrégularité par l’inopposabilité, au débiteur et à son garant personne physique (3),de la sûreté non déclarée. Il reviendra à la jurisprudence, notamment pour le dépôt de garantie, de se prononcer sur l’étendue de cette obligation de déclaration. Double peine donc pour le créancier qui aura fait preuve d’approximation, alors que les sûretés consenties par des tiers solvables sont souvent sa seule planche de salut.

Dans un tel cadre et à l’inverse du traitement amiable, rappelons que seules les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie bénéficieront de la protection de la procédure. Il serait en effet regrettable que le bailleur laisse réduire à néant ses meilleures armes par une absence de déclaration ou une déclaration imparfaite ou irrégulière. 

1. Ordonnance n°2021-1193 du 15 septembre 2021 portant réforme du livre VI du Code de commerce, ayant modifié l’article L.611-7 du Code de commerce.

2. Art. L.611-10-2 du Code de commerce.

3. Art. L.622-26 du Code de commerce.

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