La lettre de l'immobilier

Les nouveaux défis de l'immobilier

Les imprévus des traitements fiscaux dans le cadre des nouveaux investissements

Publié le 30 novembre 2021 à 18h34

LANDRE, Stéphane

La loi ne pouvant pas envisager tous les cas particuliers, c’est au juge que revient la mission d’interpréter les textes. Il doit alors déterminer la portée d’un texte ambigu et élaborer une solution lorsque le texte présente une lacune. Or, il arrive que la subjectivité de ces interprétations mette les contribuables dans l’impossibilité de déterminer le traitement fiscal dont ils relèvent.

Par Alexis Bussac, avocat counsel en fiscalité. Il intervient tant en conseil qu’en contentieux particulièrement en matière de fiscalité locale.alexis.bussac@cms-fl.com

La fiscalité locale, est riche d’exemples de notions pourtant courantes qui sont l’objet de controverses depuis des dizaines d’années sans que le législateur ne cherche à y mettre fin.

Une qualification industrielle aux contours imprécis

Nous pouvons ainsi citer la problématique de la qualification en établissement industriel ou commercial d’un local dont va dépendre la méthode d’évaluation comptable ou tarifaire des bases imposables à la taxe foncière et à la cotisation foncière des entreprises (CFE). Or ces deux méthodes conduisent à des bases très contrastées. 

L’article 156 de la Loi de finances pour 2019 qui a légalisé la définition de l’établissement industriel s’est contenté de reprendre la définition précédemment dégagée par le Conseil d’Etat (1). Ainsi, revêtent un caractère industriel les bâtiments et terrains servant à l’exercice d’une activité de fabrication ou de transformation  mais aussi ceux qui nécessitent, fût-ce pour les besoins d›une autre activité, d’importants moyens techniques lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre est prépondérant.

La grande subjectivité de ces critères ne permet pas aux opérateurs notamment logisticiens de déterminer clairement la méthode applicable. Au gré des décisions, ces critères s’apprécient en termes de prix de revient des outillages, de flux traités, de caractéristiques du local et des équipements. Plus récemment, le Conseil d’Etat a jugé que la qualification industrielle impliquait d’apporter la preuve du rôle prépondérant de l’outillage par rapport au rôle humain (2) alors que ce critère était très généralement écarté, laissant les contribuables dans l’incertitude des critères à retenir.

Il est regrettable que le législateur n’ait pas saisi l’occasion de mettre fin en 2019 à cette controverse.

Un demi-siècle de débat sur la portée de l’exonération des équipements 

Un autre exemple est celui de la définition des outillages et autres installations et moyens matériels d’exploitation des établissements industriels qui, en application des dispositions du 11° de l’article 1382 du Code général des impôts (CGI), sont exonérés de taxe foncière et de CFE. Ce texte pourtant entré en vigueur en 1970 donne encore lieu à un contentieux extrêmement fourni.

Ainsi, le Conseil d’Etat avait, à la surprise générale, circonscrit, en 2013, le champ de cette exonération aux seules immobilisations qui participaient directement à l’activité industrielle de l’établissement et en exigeant qu’elles soient dissociables des immeubles, ce critère étant nouveau.

Il aura fallu attendre 2020 pour que le Conseil d’Etat redéfinisse cette notion d’outillages exonérés comme étant ceux qui sont spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d’être exercées dans un tel établissement et qui ne sont pas au nombre des éléments mentionnés aux 1° et 2° de l’article 1381, abandonnant ainsi le critère de dissociabilité (3). Cette décision n’a pourtant pas encore complétement réglé la porosité entre les « accessoires immobiliers » passibles de la taxe foncière et les équipements qui en sont exonérés.

C’est ainsi que la question de la nature des outillages exonérés depuis 1970 est toujours en débat 51 ans plus tard.

Si la loi ne peut pas tout prévoir, le législateur devrait remédier aux situations où les contribuables sont incapables de se positionner à l’égard des textes qui leur sont applicables. 

1. Conseil d’Etat, Section du Contentieux, du 27 juillet 2005, 261899, publié au recueil Lebon « Miroline ».

2. Conseil d’État, 3e - 8e chambres réunies, 27/05/2021, 436742, Inédit au recueil Lebon « SCA Marché de Phalempin ».

3. Conseil d’État, 3e, 8e, 9e et 10e chambres réunies, 11/12/2020, 422418 « GKN Driveline ».

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Au sommaire de la lettre


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