La lettre gestion des groupes internationaux

La Lettre Gestion des groupes internationaux - Juin 2025

L’assujetti unique – un outil sur mesure pour les opérateurs financiers qui s’ouvre à tous les opérateurs économiques

Publié le 26 juin 2025 à 11h17

PwC Société d'Avocats    Temps de lecture 8 minutes

Par Stephane Henrion, avocat, Of Counsel, PwC Société d’Avocats, Louis Fournier, avocat, PwC Société d’Avocats et Romain Froment Canivet, PwC Société d’Avocats

Le régime de l’assujetti unique (« AU ») permet, sous certaines conditions, à plusieurs entités juridiquement indépendantes mais étroitement liées sur les plans financier, économique et organisationnel, d’être considérées comme un seul assujetti à la TVA.

L’instauration de ce régime en droit français introduit par l’article 256 C du Code général des impôts (ci-après « CGI ») et fondé sur la directive TVA (2006/112/CE), avait pour objet essentiel de pallier l’interdiction faite par la CJUE aux établissements financiers et d’assurance de recourir au régime d’exonération des groupements de moyens (art. 261B du CGI) pour pondérer leur charge de TVA non récupérable. S’il a été possible de constituer des AU depuis le 1er janvier 2023, l’année 2025 constitue une année charnière puisque c’est à l’issue d’une période d’existence de trois ans qu’il est permis de revoir complètement le périmètre de l’AU initialement constitué (1).

Le régime de l’AU, qui a représenté une avancée pour ces établissements, ne leur est pourtant pas réservé. S’il ne devient véritablement attractif pour les opérateurs totalement récupérateurs de TVA qu’en 2025, c’est que le législateur a neutralisé par la Loi de finances pour 2025 la taxe sur les salaires qu’un AU générait automatiquement : les opérations entre les membres de l’AU sont hors champ de la TVA et le chiffre d’affaires qui y était attaché devait être pris en compte par ses membres au numérateur de leur rapport d‘assujettissement à la taxe sur les salaires. Ce ne sera plus le cas à partir de 2026 : à partir de 2026, la participation à un AU ne rendra plus ses membres automatiquement redevables de la taxe sur les salaires. Pour les opérateurs totalement récupérateurs de TVA, l’année 2025 est donc aussi une année charnière puisqu’ils peuvent envisager la constitution d’un AU sans la charge de taxe sur les salaires (2).

L’obstacle de la taxe sur les salaires levé, la constitution d’un AU peut en effet présenter des avantages pour les opérateurs récupérateurs de TVA, qu’il faut toutefois mesurer avec les obligations que cette constitution implique (3).

1. Un régime demeurant pertinent et nécessaire pour les acteurs financiers

L’année 2025 est une année charnière car c’est l’année au cours de laquelle le périmètre des premiers AU constitués au 1er janvier 2023 peut être totalement revu. Il faut rappeler en effet que le périmètre de l’AU, une fois défini, est figé pour une durée de trois ans. Cette contrainte implique une vigilance particulière dans la constitution initiale du périmètre, notamment pour les groupes bancaires dont la structure et les flux peuvent évoluer rapidement.

En conséquence, les établissements ayant opté pour la mise en place de ce régime au 1er janvier 2023 peuvent pour la première fois envisager de revoir le périmètre de l’AU - voire de ne pas le renouveler. C’est l’occasion maintenant de mesurer les avantages que l’AU tel qu’il a été constitué a pu apporter sur la première période de 3 ans et ce qu’un nouveau périmètre pourrait apporter. Il se peut que les avantages initialement identifiés par la présence de tel ou tel membre aient disparu ou aient été réduits en raison de changements dans les flux et les volumes d’opération. Il se peut que de nouveaux flux justifient l’entrée d’un nouveau membre.

Le périmètre des assujettis uniques constitués le 1er janvier 2023 pourra être librement revu, voire refondu, pour la période commençant au 1er janvier 2026, pour autant que la déclaration en soit faite avant le 31 octobre 2025.     

2. Levée de l’obstacle de la taxe sur les salaires : une ouverture pour les opérateurs récupérateurs de TVA

Comme précisé ci-avant, l’assujetti unique était initialement destiné à pallier la disparition du bénéfice du régime des groupements de partage de frais pour les secteurs financier et d’assurance. Toutefois, comme le précise le CGI « l’existence de l’assujetti unique aux fins d’application des règles de la taxe sur la valeur ajoutée est sans incidence sur les autres impôts, taxes, droits et prélèvements de toute nature dont sont redevables ses membres »1.  De ce fait, la qualification de flux hors champ d’application de la TVA pour les flux entre les membres pouvait mécaniquement rendre redevable de la taxe sur les salaires2 des acteurs opérationnels qui n’y auraient pas été soumis autrement.

Pour remédier à cet effet indésirable, un amendement initialement introduit dans le PLFSS 2024 — mais censuré par le Conseil constitutionnel — a été adopté dans la Loi de finances pour 2025. Ce dispositif vise à neutraliser les effets de la taxe sur les salaires pour les entreprises qui, en dehors du régime de l’assujetti unique, n’en étaient pas redevables.

Concrètement, un membre d’un AU n’est pas redevable de la taxe sur les salaires à condition qu’il ne serait pas redevable de la taxe en dehors de l’AU, et que 90 % du chiffre d’affaires de l’AU vis-à-vis de tiers ouvre droit à déduction de la TVA. Cette mesure sécurise ainsi l’intérêt du régime pour les opérateurs récupérateurs de TVA, tout en limitant le cas échéant les effets négatifs pour les autres secteurs comme les banques et assurances, qui restent structurellement exposés à cette taxe.

Cette mesure entre en vigueur à partir du 1er janvier 2026. C’est une deuxième raison d’examiner l’intérêt de constituer un AU ou d’en revoir le périmètre cette année. Quels en sont les avantages et les contraintes ?

3. La constitution d’un AU s’inscrit dans une réflexion d’ensemble avec des avantages et des contraintes

L’AU a comme principaux effets de neutraliser les opérations entre ses membres, lesquelles sont hors du champ d’application de la TVA, et d’agréger les positions créditrices et débitrices de TVA des membres vis-à-vis de l’administration. Il est alors possible d’identifier quatre grands types d’avantages à recourir au régime de l’AU. Il convient toutefois de souligner que la portée de ces bénéfices varie selon la nature des activités et l’organisation propre à chaque groupe.

En outre, la décision de constituer un AU doit notamment tenir compte des adaptations opérationnelles qu’elle implique — en particulier sur les outils de gestion, les obligations déclaratives et la centralisation des données — ainsi que du caractère intangible du périmètre retenu pour une durée minimale de trois ans, sauf réorganisation (notion d’entrée et de sortie naturelle).

Le premier avantage tient à l’exclusion des opérations entre les membres du champ d’application de la TVA, ce qui les dispense des obligations de facturation et les exclut de la réforme de la facturation électronique. Pour les groupes réalisant un volume important de flux internes, cela peut représenter une économie significative en matière de charges administratives et financières (PDP), pour lesquelles l’économie peut aisément s’apprécier au nombre de factures sortant du champ d’application de la réforme.

Le deuxième bénéfice peut venir de la possibilité de compenser les positions créditrices et débitrices de TVA entre membres de l’AU. Ainsi, un membre structurellement créditeur peut compenser la dette de TVA d’un autre, ou un membre exonéré peut être intégré dans un groupe majoritairement taxable. Jusqu’à présent, seul le régime de consolidation permettait une telle mutualisation, mais ce dernier est réservé à certaines opérateurs et soumis à certaines des conditions strictes (tels que le fait de relevé de la Direction des grandes entreprises (3). L’AU généralise désormais cette faculté à l’ensemble des structures éligibles, indépendamment de leur taille ou de leur secteur.

Un troisième intérêt concerne la réduction des situations de crédit de TVA et donc de décalage de trésorerie en attendant le remboursement de ce dernier. En effet, cela est notamment le cas lorsque des écarts de taux existent entre les achats et les ventes opérés par un assujetti, ou lorsqu’un membre supporte des dépenses taxées pour le compte d’un autre réalisant des opérations exonérées. L’AU permet alors une meilleure optimisation de la chaîne de valeur.

Enfin, un quatrième avantage consiste à contourner les éventuelles questions de traitement TVA d’opérations intragroupe complexes, notamment celles à composantes multiples ou pour lesquelles le régime de TVA est incertain et sujet à discussion en cas de contrôle. En les sortant du champ de la taxe, l’AU permet d’éviter les éventuelles difficultés d’interprétation liées à la qualification des flux, au taux applicable ou à la territorialité. 

1. Art. 256 C, 7 du CG.

2. Article 231 du CGI.

3. BOI-TVA-DECLA-20-20-50 §20

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