Métier

Les operating partners, passeurs de bonnes pratiques auprès des entreprises

Publié le 27 août 2025 à 8h00

Anne Del Pozo    Temps de lecture 9 minutes

A horizon 2030, le nombre d’operating partners, qui conseillent les dirigeants d’entreprises pour le compte de fonds ou en indépendants, devrait a minima doubler en France. Une croissance portée par les besoins des entreprises, notamment s’agissant de la digitalisation, mais aussi par l’intérêt que suscite ce métier, e particulier auprès d’anciens dirigeants d’entreprise.

Le métier d’operating partner (OP) n’existe en France que depuis une dizaine d’années et ne fait l’objet que de quelques recrutements par an. « Une trentaine environ chaque année, précise Nicolas Réquillart-Jeanson, cofondateur du Club des operating partners et directeur associé – operating teams de Siparex. Cependant, la complexité du monde qui nous entoure avec la multiplication des crises, ainsi que l’accélération des enjeux de transformation liés notamment au développement de l’IA, rebattent les cartes et pourraient bien contribuer dans les prochains mois au développement du recrutement d’operating partners. » Selon une étude menée par le cabinet Alvarez & Marsal pour le Club des operating partners de France Invest, le marché français compte actuellement environ 200 OP au sein des fonds de capital-investissement (private equity et venture). Un chiffre qui pourrait doubler dans les cinq ans à venir et auquel il faut désormais ajouter les operating partners indépendants. « Pour le moment, il s’agit encore d’un métier qui n’est pas complètement normé et le recrutement des OP continue de se faire essentiellement par le bouche-à-oreille », ajoute Nicolas Réquillart-Jeanson.

Des travailleurs de l’ombre

L’OP a pour vocation d’accompagner les entreprises dans leur développement, leur pérennité et leurs projets de transformation mais aussi lorsqu’elles rencontrent des difficultés. Quels que soient la taille et le secteur d’activité de l’entreprise qu’il accompagne, il est avant tout un passeur de bonnes pratiques et aide les dirigeants à prendre de la hauteur. « En revanche, il n’intervient jamais dans les prises de décisions et à ce titre, il ne copilote pas l’entreprise, insiste Nicolas Réquillart-Jeanson. L’operating partner est une personne qui travaille dans l’ombre des dirigeants et qui contribue à incarner la notion d’alignement d’intérêts, chère aux investisseurs. » Au quotidien, leurs missions varient en fonction de leurs domaines de compétences. « Les operating partners sont dédiés à l’accompagnement des sociétés en portefeuille, indique Nicolas Réquillart-Jeanson. Cet accompagnement se fait pendant toute la durée de l’investissement et non pas uniquement sur un projet ou une durée donnés. Il leur revient notamment de répondre aux enjeux de transformation des dirigeants, par exemple l’utilisation de l’IA générative ou la mise en place d’un plan de décarbonation. Ils apportent un éclairage sur les grands sujets dont l’entreprise peut se saisir et comment, au regard du marché et de ses ressources financières et humaines, et ils sécurisent leur mise en œuvre. » En effet, si certains operating partners sont des généralistes en capacité d’intervenir sur des projets transverses comme la sécurisation des process internes, la gestion de projet pour intégrer de nouvelles sociétés ou encore la mise en place d’une stratégie d’économies d’échelle, d’autres sont plus spécialisés, par exemple sur l’ESG, l’IT, les RH, la communication et le marketing…

«Nous sommes des accompagnants qui aident le preneur de décision. Nous ne nous substituons jamais au dirigeant de l’entreprise.»

Frédéric Ploix Operating partner certifié

« Leurs missions dépendent également des domaines de spécialisation du fonds d’investissement pour lequel ils travaillent, souligne Emmanuelle Flahault-Franc, operating partner et directrice de la communication au sein d’Iris. Par exemple, certains fonds sont spécialisés dans la gestion financière et feront donc peu d’accompagnement opérationnel. Si une entreprise nous demande un soutien dans un domaine de compétence qui n’est pas le nôtre, alors nous l’aiderons à recruter un partenaire pouvant l’accompagner. » Il arrive alors que les fonds d’investissement fassent appel à des consultants ou operating partners indépendants qui leur permettent de compléter la palette d’expertises dont ils ne disposent pas en interne. « Pour ma part, actuellement j’accompagne une entreprise dans la structuration de son développement après une levée de fonds, et une autre dans la refonte de ses stratégies marketing et commerciales », précise Frédéric Ploix, operating partner certifié. Le métier tend d’ailleurs à se professionnaliser toujours plus, notamment par l’intermédiaire de deux canaux : la spécialisation et la formation. Signe de cette structuration en cours de la profession, des formations dédiées commencent à apparaître sur le marché, à l’instar de l’Operating Partners Academy lancée en 2024.

Des compétences variant selon les missions

Pour mener à bien ces différentes missions, les operating partners doivent globalement avoir une certaine expertise de terrain. « Ils sont d’ailleurs généralement d’anciens cadres confirmés de 40 à 50 ans, ayant une expérience opérationnelle, en gestion de business unit ou en gestion de centre de profit, doublée d’une expérience en cabinet de conseil en stratégie, précise Nicolas Réquillart-Jeanson. Ils doivent être en capacité de comprendre l’organisation et le fonctionnement des entreprises qu’ils accompagnent, quelle que soit leur taille »

Les profils des OP varient néanmoins selon la typologie du fonds de capital-investissement dans lequel ils opèrent et son ou ses domaines de spécialisation. Selon le Club operating partners de France Invest, ceux travaillant dans des fonds de private equity affichent généralement plus de dix années d’expérience en entreprise ou au moins six années dans le secteur du conseil. Mieux, 50 % d’entre eux cumulent ces deux expériences. L’OP qui conjugue une expérience opérationnelle en entreprise et en conseil est considéré comme un couteau suisse disposant aussi bien de compétences analytiques et d’une méthode éprouvée que d’une connaissance fine des rouages du fonctionnement d’une entreprise, pour être capable d’y naviguer sereinement et d’impulser des changements structurants.

Côté venture capital, le besoin est résolument orienté vers un objectif : le scaling. Les fonds de venture capital cherchent donc plutôt des operating teams aux expériences particulières : ex-dirigeant de start-up, responsable financier qui a déjà eu affaire à une levée de fonds importante ou même à une introduction en Bourse, responsable des ventes qui a déjà été amené à constituer une équipe commerciale, general manager qui a développé une activité dans un autre pays, ou responsable des opérations qui a eu l’occasion de structurer très concrètement les activités d’une entreprise.

Les operating partners indépendants, pour leur part, sont souvent d’anciens dirigeants d’entreprise. « Avec plus de 30 ans d’expérience, j’ai occupé des fonctions de direction générale, marketing et commerciale dans des PME et des start-up ainsi qu’au sein de grands groupes, témoigne ainsi Frédéric Ploix. Une expérience de terrain qui me permet de bien comprendre les dirigeants d’entreprise et leurs enjeux, de gagner plus facilement leur confiance, d’identifier rapidement les sujets clés et de travailler avec eux sur des problématiques souvent plus larges que celles pour lesquelles ils nous ont préalablement sollicités, afin de créer de la valeur. »

Au-delà de cette expérience, les operating partners doivent également savoir faire preuve d’humilité car ils interviennent en tant qu’accompagnants et ne prennent pas de décisions. « Nous nous devons d’adopter la bonne posture : celle de l’accompagnant qui aide le preneur de décision. Nous ne nous substituons jamais au dirigeant de l’entreprise », précise Frédéric Ploix.

Des rémunérations en fonction du statut

Les modes de rémunération des operating partners diffèrent également en fonction de leur statut. Ceux qui opèrent dans des fonds d’investissement sont salariés et perçoivent un salaire fixe calibré selon leur séniorité, leur expertise, la taille et le type du fonds, ainsi que le scope de leur accompagnement, et ils touchent souvent également des primes sur objectifs personnels et/ou d’équipe. S’ils ne refacturent pas leurs prestations à l’entreprise qu’ils accompagnent, ils bénéficient pour certains de carried interest. « Une partie de notre bonus est en effet indexée sur l’atteinte des objectifs de croissance et la création de valeur financière et extra-financière générée », précise Emmanuelle Flahault-Franc. Les OP indépendants, pour leur part, sont généralement rémunérés à un taux journalier (de 1 250 à 2 500 €, voire plus) avec une part liée à l’atteinte d’objectifs, et interviennent pour des durées variant entre 6 et 18 mois.

Une profession en pleine expansion

En France, entre 2019 et 2024, le nombre d’operating partners a été multiplié par 2,4, passant de 76 à 185. Ce sont ainsi 109 operating partners qui ont rejoint les rangs des équipes de fonds d’investissement, dont 75 en private equity et 34 en venture capital.

Le nombre de fonds qui intègrent ces professionnels à leurs équipes suit sensiblement la même courbe : entre 2019 et 2024, on passe de 47 à 84 fonds en capacité de faire intervenir des OP, soit une augmentation d’environ 80 % (+ 37 fonds). Si les fonds de private equity disposent d’une certaine avance sur le sujet (on en comptait déjà 33 ayant intégré une telle équipe en 2019, on en compte désormais 53), l’intérêt des fonds de venture capital pour la profession croît de plus en plus vite : le nombre de fonds de venture capital qui disposent d’une équipe d’operating partners a plus que doublé entre 2019 et 2024, passant de 14 en 2019 à 31 en 2024.

Source : Etude Club operating partners de France Invest/Alvarez & Marsal, décembre 2024.

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