Face à un manque criant de candidats, les trésoriers restent toujours aussi difficiles à recruter. Il est vrai qu'au regard de la diversité de leurs missions, leurs compétences doivent être de plus en plus étendues, y compris dans le domaine des nouveaux outils digitaux.
Les trésoriers demeurent encore cette année parmi les profils de financiers les plus recherchés par les entreprises, aux côtés des consolideurs et des comptables. « Ce métier reste en tension sur un marché de l’emploi dans la finance qui pour sa part est resté assez stable en 2025, précise d’ailleurs Ilann Boukais, senior manager au sein de la division finance, achat et supply chain chez Robert Walters. Une pénurie de candidats qui s’explique notamment par le manque de formations initiales exclusivement dédiées à la trésorerie. Aujourd’hui, seules les universités Sorbonne, Rennes et Assas proposent un master spécifique en trésorerie. Un jeune diplômé d’un de ces masters peut actuellement recevoir jusqu’à trois ou quatre propositions d’emploi en sortie d’études. » Si tous les candidats à ce métier ne sortent pas de ces masters, nombre d’entre eux ont néanmoins découvert le métier durant leurs études. « Au début de mes études en comptabilité et finance, je me prédestinais plutôt aux métiers de la comptabilité, mais c’est finalement vers la trésorerie, découverte lors de mon master en finance entreprises et marchés, que je me suis orientée, témoigne Salwa Barakat, trésorière de MaxiCoffee. Puis c’est grâce à mon alternance chez Kaporal que mon acclimatation à ce métier a débuté. Un choix que je ne regrette pas car en trésorerie, les missions sont tellement diverses et évolutives que nous sommes en permanence dans une dynamique d’apprentissage. C’est ce qui fait toute la richesse de ce métier challengeant. »
Des garants de la culture cash des entreprises
Dans le cadre de leurs missions, les trésoriers assurent entre autres le suivi quotidien des encaissements et décaissements, des soldes bancaires et de la position nette de trésorerie. « La gestion des liquidités au sein des organisations reste l’un des éléments clés de notre métier, précise Martial Brouard, directeur financements et trésorerie du laboratoire biopharmaceutique LFB et co-président des journées de l’AFTE. L’expertise des trésoriers en matière de gestion du cash management et leur capacité à diffuser la culture cash au sein de leur organisation sont à ce titre indispensables. Cette démarche est d’autant plus importante dans un groupe qui, comme le nôtre, est culturellement plus orienté P&L que cash-flow. La stratégie de LFB consiste en effet à tripler sa capacité de production par des investissements importants sur une période courte. » Les trésoriers ont aussi pour vocation d’établir et suivre les prévisionnels de trésorerie. « En qualité de trésorière puis de responsable du centre de service partagée du département trésorerie du groupe Lafarge, j’étais notamment chargée de gérer les flux de trésorerie du groupe mais aussi d’améliorer et de fiabiliser les prévisionnels de trésorerie, témoigne Agnieszka Dunoyer, aujourd’hui directrice financement et trésorerie du groupe d’hôpitaux privés Elsan, également co-présidente des Journées de l’AFTE. Cette mission nécessite d’être en interaction permanente avec les opérationnels de terrain, notamment afin de bien anticiper leurs besoins et de les prendre en compte dans nos prévisionnels. » Il revient aussi aux trésoriers de gérer les flux financiers intragroupes, le cash pooling et les placements à court terme, et ce aussi bien au niveau de l’entreprise que du groupe. « Chez Elsan, l’ensemble des comptes est intégré dans un système de cash-pooling, ce qui permet d’optimiser la remontée de trésorerie et sa gestion, notamment à travers des placements financiers adaptés », poursuit Agnieszka Dunoyer.
«La gestion des liquidités au sein des organisations reste l’un des éléments clés du métier de trésorier.»
Des profils de banquiers plébiscités
La gestion des financements à court, moyen et long termes de l’entreprise est également de leur ressort. Ils ont pour vocation de choisir les financements et d’en négocier ou renégocier les conditions avec le ou les partenaires financiers, puis de suivre les échéances d’emprunt, les covenants bancaires et les lignes de crédit disponibles. La nature des financements pour investissements (et donc leur niveau de complexité) dépend de l’activité de l’entreprise. « Au sein du groupe Leclerc, j’étais notamment chargée de structurer les financements destinés à la construction de centres Leclerc en Pologne, puis d’en assurer le suivi opérationnel. Cette mission incluait la gestion des flux d’exploitation permettant le remboursement des emprunts, tout en prenant en compte les enjeux de couverture de change entre la devise locale et l’euro, ajoute ainsi Agnieszka Dunoyer. Plus tard chez Lafarge, dans le contexte d’acquisition par Holcim, j’ai également mis en place des financements obligataires de marché (émissions obligataires). Chez Unibail ensuite, véritable société immobilière fortement exposée aux marchés obligataires où j’occupais le poste de directrice des financements et de la trésorerie, ma mission consistait notamment à gérer ces financements obligataires ainsi qu’à structurer les financements liés à l’acquisition de centres commerciaux de Westfield aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. »
Au sein du LFB, les investissements servent pour leur part à financer le cycle de développement et de production. « A cet effet et en complément de la dette, notre rôle consiste à optimiser la gestion de nos liquidités, notamment en travaillant sur nos modèles de prévisions de trésorerie, mais aussi à recourir à différents instruments de financement du besoin en fonds de roulement à notre disposition, notamment l’affacturage », précise Martial Brouard. Si le financement n’entre pas dans le scope de tous les trésoriers, le besoin des entreprises en la matière est néanmoins croissant. « Auparavant chaque filiale de grands groupes était plutôt autonome en matière de financement, mais l’incertitude économique et politique actuelle change la donne et incite les entreprises à centraliser cette fonction au siège, au niveau de leur trésorerie groupe, explique Ilann Boukais. Dans le cadre de cette mission, les trésoriers ont notamment pour vocation de faire le lien entre l’entreprise et ses banques. Ils s’occupent par exemple de la négociation et du suivi des conditions, frais et garanties bancaires. Or, les trésoriers juniors expérimentés sur ces missions sont rares. En revanche, nous voyons de plus en plus de profils 100 % bancaires qui postulent sur ces postes. »
Les trésoriers qui ont fait leurs premières armes en banque d’investissement ou en salles de marchés sont également plébiscités pour leur capacité à appréhender les risques de marché. « Mes missions me conduisent à gérer les placements de trésorerie du groupe ainsi que les financements court terme mais aussi les risques de marché, de change, de taux, de matières premières, précise ainsi Thomas Prunier, responsable des risques financiers, trésorerie groupe au sein du groupe Seb, qui préside également la commission risques de l’AFTE. Mon expérience en banque d’affaires, au début de mon parcours professionnel, me permet aujourd’hui de mieux appréhender ces risques. » Cette expertise est d’autant plus nécessaire aujourd’hui au regard de l’évolution actuelle des risques auxquels les entreprises sont confrontées. « Par exemple, nous avons de plus en plus de problématiques à gérer autour des devises émergentes de pays des zones Asie ou Afrique, poursuit Thomas Prunier. La crise énergétique déclenchée par le conflit en Ukraine incite également de plus en plus d’entreprises à se couvrir contre l’évolution du cours des matières premières. » Ces compétences en matière de gestion des risques de change sont d’autant plus importantes pour les entreprises qui se développent à l’international, à l’instar de LFB. « Notre groupe a pour ambition de s’internationaliser de façon plus importante, précise ainsi Martial Brouard. Cette stratégie implique de réfléchir à notre politique de couverture de change, afin de l’optimiser en concertation avec toutes les équipes qui chez nous sont en charge des ventes, des achats de matières premières ou biens et services et des investissements. »
Une demande importante de spécialistes des logiciels de gestion de trésorerie
Parallèlement, alors que la profession se digitalise de plus en plus, l’appétence des trésoriers pour les nouvelles technologies est désormais indispensable. « Notre métier se transforme et nous appuyons de plus en plus sur des solutions technologiques telles que les logiciels de gestion de trésorerie (treasury management system, TMS), de communication bancaire, de gestion de la dette, ou encore de conformité pour assurer nos missions quotidiennes », souligne Agnieszka Dunoyer. Au-delà de savoir utiliser ces produits pour optimiser la gestion de leurs processus, la sécurisation et la mise en conformité des flux financiers, les trésoriers sont également attendus sur leur capacité à participer au déploiement de ces solutions au sein de l’entreprise. « Actuellement, nous avons ainsi sept mandats pour des profils de trésoriers spécialisés en système d’information et/ou TMS, indique Ilann Boukais. Il s’agit généralement de trésoriers bénéficiant de 10 à 15 ans d’expérience, ayant déjà travaillé sur la digitalisation de leurs processus et capables de déployer un nouveau TMS. Pour accompagner la transformation digitale de leur fonction trésorerie, certaines entreprises se tournent parfois vers des candidats plutôt experts en nouvelles technologies, quitte à les former à la trésorerie s’il s’agit de profils davantage expérimentés en IT. » Si les missions des trésoriers sont ainsi très diverses, elles leur offrent néanmoins de nombreuses perspectives d’évolution. Les trésoriers peuvent déjà évoluer au sein de leur cœur de métier, en qualité par exemple de responsable du credit management ou des financements, voire cumuler l’ensemble de ces fonctions en qualité de directeurs des financements et de la trésorerie. Des passerelles sont également possibles vers des postes de DAF, de responsables M&A ou achats ou encore de direction de la communication financière.
Une forte dispersion des salaires selon les postes
Analystes : entre 47 et 56 k€
Trésoriers expérimentés : entre 51 et 63 k€
Responsable de pôle : entre 69 et 83 k€
Directeur trésorerie/trésorier groupe : entre 77 et 109 k€
Directeur financement et trésorerie/DAF : entre 146 et 188 k€
Sources : Baromètre des salaires 2025 Forvis-Mazars, Mercer, et AFTE