Métier

L'audit interne s’ouvre à de nouveaux profils

Publié le 30 mai 2014 à 12h42    Mis à jour le 24 juillet 2014 à 15h25

Pierre Havez

Considéré comme une pépinière de talents, l’audit interne connaît une hausse récente de ses niveaux de recrutement. Habituellement réservée aux candidats issus de cabinets externes, cette fonction s’ouvre à des profils plus divers, et notamment internationaux.

Dans un environnement économique encore incertain, les grands groupes internationaux sont plus que jamais attirés par les métiers du contrôle des risques. Les cabinets d’audit externe forment ainsi un réservoir de candidats pour les entreprises à la recherche d’auditeurs internes. Une situation d’abord propice aux collaborateurs juniors, les plus recherchés.«Les entreprises demandent en priorité des auditeurs externes avec trois à cinq ans de cabinet, afin de renouveler leurs effectifs», décrit Marina Baillon, directrice associée chez Robert Walters. Mais les profils plus expérimentés sont également convoités.

Les postes nécessitant d’une certaine ancienneté en audit interne en entreprise, idéalement dans un secteur d’activité identique, s’avèrent particulièrement délicats à pourvoir. «Les profils de près d’une dizaine d’années d’expérience sont plus rares, explique Johann Van Nieuwenhuyse, directeur senior chez Michael Page. En audit, les déplacements peuvent représenter jusqu’à la moitié du temps de travail. À partir d’un certain âge, les candidats sont donc moins nombreux à accepter ces sacrifices difficilement conciliables avec une vie de famille.»Certains secteurs d’activité requièrent en outre des compétences particulières.

«Des groupes industriels comme Saint-Gobain, Valeo ou Air Liquide recherchent des auditeurs internes dotés d’une forte culture technique, poursuit le recruteur. Cette exigence implique soit une formation d’ingénieur, soit une première expérience opérationnelle plus difficile à trouver.» Mais la majorité des entreprises s’intéresse avant tout aux profils avec une forte dimension internationale, voire de nationalité étrangère. «Dans le secteur du textile, par exemple, nous avons été sollicités pour identifier des profils de culture asiatique, qui maîtrisent la langue et la culture locale de leur future zone d’activité», détaille Bruno Fadda, directeur associé chez Robert Half.

Quels que soient leur âge et leurs compétences, la majorité des candidats bénéficient actuellement d’un contexte favorable, et ce dans tous les secteurs d’activité. Depuis quelques mois, à la faveur d’une légère reprise de l’activité économique, les volumes de recrutement ont ainsi progressé de près de 25 % par rapport à leurs niveaux des deux dernières années, selon un recruteur. «Tous les grands groupes recherchent ce type de profil, précise Marina Baillon. Compte tenu de leurs moindres remplacements ces dernières années, ces recrutements deviennent en effet stratégiques pour les entreprises qui doivent reconstituer leurs viviers de cadres à haut potentiel».

Première expérience exigée

Les critères de sélection de ces collaborateurs prometteurs sont donc assez drastiques. Les candidats doivent d’abord pouvoir justifier d’un bon niveau académique, en général une école de commerce, voire, dans l’industrie, une école d’ingénieur complétée par un master 2 en finance ou par un MBA. De plus, en raison de leur domaine d’intervention fortement internationalisé, la pratique de deux langues étrangères devient de plus en plus impérative. «Même si l’anglais reste la langue de travail et peut donc suffire, notre équipe au siège est fortement internationalisée, avec des collaborateurs originaires d’Allemagne, d’Angleterre, des Etats-Unis, d’Inde ou d’Italie, car cela peut apporter un plus pour créer du lien sur le terrain», illustre Bérénice Chassagne, directeur de l’audit interne chez Atos.

En outre, les recrutements de jeunes diplômés étant très rares, cette formation initiale doit être complétée au minimum par une première expérience. Selon une étude publiée l’année dernière par Michael Page et l’association des directeurs financiers et de contrôleur de gestion (DFCG), 8 % des auditeurs internes de l’échantillon étaient issus d’un métier comptable et 22 % du contrôle de gestion. Mais malgré un attrait croissant pour ces expériences diverses, la majorité d’entre eux provenaient tout de même de l’audit, soit en interne (17 %), soit d’un cabinet externe (31 %). Ce dernier passage restant la voie d’accès privilégiée vers cette fonction.«Il renforce d’abord l’autonomie des auditeurs et leur capacité à s’adapter à des changements fréquents de problématiques, mais il accroît surtout leur capacité d’analyse et de détection d’éventuels risques», décrit Bruno Fadda.

Des qualités nécessaires pour ces collaborateurs, amenés à être confrontés à différents enjeux transversaux de l’entreprise comme le contrôle financier ou les problématiques de réglementation ou de gouvernance, mais aussi à des sujets plus techniques, lors d’opérations d’acquisition ou de projets de transformation d’un système d’information, par exemple. Mais le niveau d’exigence demandé lors de leur recrutement s’explique également par le fait que l’audit interne représente un tremplin vers des postes à responsabilités au sein de l’entreprise.

Un vivier de cadres à haut potentiel

Après quatre ou cinq ans, ces parcours mènent en effet généralement vers des postes fonctionnels de contrôleur financier ou de directeur financier de business unit, de filiale ou de pays. «Ces évolutions ne s’expliquent pas seulement par un besoin de sédentarité, mais également par un désir de dépasser le stade des recommandations pour jouer un rôle plus opérationnel et décisionnaire», analyse Johann Van Nieuwenhuyse. Les mouvements les plus courants concernent d’abord les métiers de la finance.«Parmi mes anciens collaborateurs, un auditeur senior vient de prendre la direction financière d’une filiale du groupe en Malaisie, une autre a évolué vers le domaine du management des risques, et un dernier en gestion de trésorerie», décrit Bérénice Chassagne, elle-même devenue directeur de l’audit interne d’Atos après plusieurs années d’audit financier.

Mais en dehors de ces mouvements classiques, l’audit interne peut également conduire à d’autres évolutions transversales. «C’est un métier très exposé au sein de l’entreprise, qui permet d’être en contact avec des intervenants très variés, de se faire connaître et d’ouvrir de larges perspectives d’évolution interne», relève Bérénice Chassagne. Des perspectives sont donc possibles, en dehors de la direction financière.«L’un de nos candidats a par exemple rejoint la direction de la stratégie de son groupe, un autre, dans l’industrie pharmaceutique, est devenu responsable commercial sur une ligne de produits, et un troisième a intégré la direction fusion-acquisition», illustre Bruno Fadda. En revanche, les mouvements externes sont plus rares. «Après avoir passé trois ans à comprendre le fonctionnement interne d’un groupe, il peut sembler contre-productif de quitter l’entreprise et de ne pas capitaliser sur cette expérience pour viser une promotion en interne», prévient Marina Baillon.

Des salaires fortement évolutifs

Pour retenir ces profils très complets, les entreprises proposent des salaires bruts annuels très évolutifs. Compris entre 40 000 et 45 000 euros dès deux ans d’expérience, ils s’élèvent ainsi de 50 000 à 80 000 entre trois et six ans d’ancienneté. Lorsque cette dernière est de sept à dix ans dans un grand groupe, ils peuvent même atteindre 90 000 euros. Toutefois, les niveaux de rémunération des cabinets étant également élevés, le gain salarial n’est pas toujours au rendez-vous dans un premier temps, au moment du passage du cabinet à l’entreprise.«Mais ces salaires peuvent ensuite grimper jusqu’à 100 000 euros par an pour un responsable de mission ou un directeur du contrôle interne d’un groupe de taille intermédiaire, voire atteindre 200 000 euros, plus une part variable de 15 % à 20 %, lorsque cette responsabilité s’exerce au sein d’une entreprise du CAC 40», ajoute Johann Van Nieuwenhuyse. Des niveaux très attractifs, susceptibles de convaincre certains candidats encore hésitants devant les contraintes de ce métier en matière d’implication professionnelle.

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