Directions financières

Réseaux sociaux d’entreprise : comment transformer l’essai

Publié le 13 mars 2020 à 11h56

Sabine Germain

Déployés dans la majorité des grandes entreprises, les réseaux sociaux internes n’ont pas tenu toutes leurs promesses : ils sont largement sous-utilisés et suscitent bien des réticences. Lorsqu’ils sont pleinement exploités, ces outils peuvent pourtant apporter de réels bénéfices, notamment pour la direction financière.

En voyant en ce début d’année la plupart de ses équipes basées en Chine être confinées chez elles quelques semaines en raison de la propagation du coronavirus, ce directeur financier d’un grand groupe ne pouvait qu’être satisfait de la décision prise il y a trois ans environ de déployer un réseau social d’entreprise. «Nous avions fait ce choix afin de renforcer les interactions entre les membres de la communauté financière et de favoriser une façon de travailler plus collaborative, indique-t-il. Grâce à cet outil, les collaborateurs des filiales chinoises ont pu à la fois continuer à avancer sur leurs dossiers à distance sans trop de difficultés et communiquer facilement avec le siège.»

Si cela n’était pas déjà fait avant, les communautés de partage sur le web et les réseaux sociaux d’entreprise ont pu démontrer, en pleine crise du Covid 19, leur utilité. Parmi ces outils qui permettent à la fois de stocker dans un espace unique des documents sur lesquels plusieurs collaborateurs peuvent travailler en même temps et aux équipes réparties dans le monde de discuter en temps réel sur des problématiques identifiées, on retrouve notamment Yammer, Jive, Chatter, etc. Au cours des dernières années, ces solutions se sont fortement développées au sein d’ETI et de grands groupes, y compris au sein de leur direction financière. Selon certaines sources, 80 % des sociétés cotées au CAC 40 seraient aujourd’hui équipées d’un réseau social interne.

Un manque de confiance

Si d’aucuns jugent les fonctionnalités de ces outils intéressantes, les résultats observés dans la pratique sont en revanche plus mitigés. Et pour cause : par habitude ou pour toute autre raison, de nombreux salariés ne pensent pas à les utiliser ou rechignent à le faire. Selon une étude produite par la chaire Intelligence RH et RSE de l’Ecole des ressources humaines IGS fin 2017, seulement 17 % des collaborateurs admettaient en effet les manipuler. Cette proportion monte à 25 % chez les cadres, ce qui conforte Jean Pralong, professeur titulaire de la chaire et auteur de cette étude, dans l’idée que les réseaux sociaux d’entreprise sont perçus comme «un outil politique au service de la direction». Illustration de ce constat : 48 % des 1 200 salariés interrogés déclarent n’avoir «aucune confiance» dans ces médias sociaux.

Très critique sur les usages actuels, et même «dubitatif quant à la capacité des entreprises françaises à développer des modèles collaboratifs», Jean Pralong continue pourtant de croire en l’utilité des réseaux sociaux d’entreprise. A condition que leur déploiement soit mieux encadré et mieux pensé (voir encadré). C’est aussi l’avis de Valérie Benvenuto, directrice générale opérations & finances et directrice ressources humaines du groupe informatique Open, qui a déployé, il y a plusieurs années, un réseau social interne. «Les réseaux sociaux internes sont de bons outils de communication, assure-t-elle. A fortiori dans une entreprise de services, avec de nombreux collaborateurs détachés chez les clients. Il me semble même impensable de ne pas disposer de ce type de réseau qui permet à la fois de relier et de décloisonner les équipes.»

La création de communautés

Pour qu’un tel projet soit gage de succès, encore faut-il respecter quelques règles. Déjà, gage aux managers de donner l’exemple. «Afin d’habituer les collaborateurs à se connecter sur le réseau social et y jouer un rôle actif, j’essaie autant que possible de n’utiliser que ce canal de communication, au détriment des emails», témoigne un responsable en charge de la transformation digitale de la fonction finance d’un grand groupe. Une autre condition sine qua non consiste à laisser des marges de manœuvre aux salariés. «Au sein du réseau social Open, l’expression est assez libre, insiste Valérie Benvenuto. Nous considérons que les désaccords peuvent être exprimés et nous acceptons l’idée que certaines personnes peuvent avoir des réactions “à chaud”, même si cela reste encadré par une charte de bonnes pratiques.» 

Autre prérequis : il faut accompagner et porter le déploiement de ces outils, via par exemple la création de communautés. «Pour fonctionner, les communautés au sein des réseaux sociaux d’entreprise requièrent un sponsorship fort et des animateurs capables de les faire vivre», poursuit Valérie Benvenuto. Groupes ouverts ou fermés, organisés autour d’une thématique ou d’un métier, il existe aujourd’hui une centaine de communautés vraiment actives au sein du groupe Open : «Les plus fréquentées comptent entre 50 et 300 membres, commente Valérie Benvenuto. Environ la moitié des salariés du groupe se connectent régulièrement au réseau social qui n’est que l’une des fonctionnalités de notre plateforme collaborative.» 

De quoi inspirer de nouveaux responsables financiers qui, d’après les concepteurs de réseaux sociaux d’entreprise, seraient toujours plus nombreux à manifester leur intérêt. 

Les 5 règles d'or des réseaux sociaux

  • Donner aux utilisateurs la garantie que rien de ce qu’ils publieront sur le réseau social interne ne pourra être retenu contre eux, notamment lors des évaluations…
  • … mais les former aux usages de ce nouveau moyen de communication, dont les codes sont très différents des réseaux sociaux grand public, notamment au niveau du ton employé.
  • Faire vivre les communautés en confiant leur animation à un manager ou un expert chargé de susciter les contributions et de faire vivre le débat. Une communauté sans animateur s’éteint très vite.
  • Valoriser les communautés transverses : il faut éviter à tout prix que le réseau reproduise les canaux hiérarchiques en place.
  • Formaliser la mise en place d’un réseau social interne par le biais d’un accord collectif se référant, par exemple, à la notion de «responsabilité numérique de l’entreprise» telle qu’elle est énoncée dans la norme ISO 26000 sur la responsabilité sociale et sociétale.

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