Métier

Ruée sur les spécialistes de la paie

Publié le 30 novembre 2018 à 16h43

Arnaud Lefebvre

Afin notamment de finaliser les réglages relatifs à l’entrée en vigueur du prélèvement à la source, le mois prochain, de nombreuses entreprises cherchent actuellement à renforcer leur département en charge de la paie. Une tâche loin d’être aisée, le marché des gestionnaires de paie se caractérisant de longue date par une pénurie de candidats.

Recherche gestionnaires et responsables de paie désespérément ! Depuis plusieurs semaines, les entreprises redoublent d’efforts pour mettre la main sur cette catégorie de collaborateurs. Une situation à laquelle contribue en grande partie la mise en place du prélèvement à la source (PAS). «L’entrée en vigueur de ce mode de collecte de l’impôt sur le revenu se traduit par un net surcroît de travail au sein des sociétés, confirme Grégory Lachmany, directeur comptabilité-finance-ressources humaines chez Walters People. Celles-ci doivent en effet non seulement reparamétrer l’ensemble de leurs systèmes de paie afin que les échanges de données avec l’administration fiscale s’effectuent correctement, mais aussi préparer les salariés à ce changement qui pourrait en contraindre certains à faire évoluer leur mode de consommation du fait de sorties de trésorerie plus importantes en début de mois.»

Une charge de travail accrue

Pour les recruteurs, la tâche se révèle toutefois particulièrement délicate. Sur le plan conjoncturel, cette période de l’année génère toujours, indépendamment de la mise en œuvre du PAS, un besoin de ressources supplémentaires. «Depuis début 2017, les entreprises sont tenues de transmettre à l’administration, à chaque début de mois, une déclaration sociale nominative (DSN), qui recense sur un fichier unique l’intégralité des données relatives à la paie des salariés, rappelle Mathilde Martin, practise manager au sein de la division ressources humaines et juridique de Page Personnel. Les entreprises tendent à renforcer leurs effectifs pour pallier la surcharge de travail liée aux travaux de fin d’année mais aussi pour préparer l’intégration de la DSN et les évolutions législatives ou réglementaires votées durant l’année». Intérim, CDD, voire CDI : tous les types de contrats sont concernés.

Dans ce contexte, l’instauration du PAS a de quoi déséquilibrer un peu plus le rapport entre l’offre et la demande, déjà très peu favorable aux employeurs.

«Nécessitant d’assurer une veille constante en raison d’une actualité sociale toujours riche en France et pouvant apparaître pour certains comme techniques, les métiers de la paie attirent depuis de nombreuses années relativement peu de candidats, ce qui aboutit à une pénurie de collaborateurs, observe Sébastien Charmille, manager chez Fed Human. Dans ces conditions, très peu sont disponibles sur le marché, ce qui rend le plus souvent indispensable d’approcher des spécialistes déjà en poste.»

De quoi provoquer des effets domino en cascade, les groupes qui ont vu partir leurs praticiens étant amenés à en débaucher d’autres, et ainsi de suite…

Des parcours revalorisés

Cette configuration de marché a des conséquences palpables sur les modalités de recrutement. Pour pouvoir mettre la main sur la perle rare, les entreprises doivent en effet être disposées à consentir des efforts en matière de rémunération. «En l’espace d’un an, le salaire moyen proposé a augmenté d’environ 6 %, prévient Grégory Lachmany. Pour les entreprises, il est difficile d’échapper à une telle inflation dans la mesure où les candidats, qui sont très souvent approchés simultanément par plusieurs recruteurs, ont toute latitude pour faire monter les enchères.»Selon plusieurs chasseurs de tête, les émoluments offerts aux postulants avoisineraient aujourd’hui 26 000 euros par an pour un gestionnaire junior et 45 000 euros par un responsable paie. Des niveaux qui sont parfois de nature à créer de réelles disparités en interne.«Le marché des gestionnaires de paie étant en forte tension depuis plusieurs années, il n’est pas rare de constater un décalage de rémunération entre les nouveaux arrivants et les autres collaborateurs du service, pourtant plus expérimentés», signale Mathilde Martin.

Mais pour fidéliser leurs spécialistes en paie, les entreprises sont conscientes qu’elles doivent aller au-delà. «De nombreuses sociétés cherchent à renforcer l’attractivité du poste via un élargissement des attributions des collaborateurs, informe un spécialiste. Il peut par exemple s’agir de confier, en sus des tâches relatives à la production des paies, la gestion de projets ou de dossiers précis au sein du groupe (système d’information des ressources humaines, déclaration sociale nominative, prélèvement à la source…), ou d’intégrer dans la fiche de poste des prérogatives de management.» Certains groupes n’hésitent également pas, dès la signature du contrat d’embauche, à garantir sur un horizon de plusieurs années des perspectives d’évolution en interne : promotion au sein de la direction des ressources humaines si le service paie est rattaché à cette dernière, ou au sein de la direction comptable, par exemple, si le département paie dépend de la direction administrative financière. Un modus operandi qui, pour séduire les professionnels idoines, se révèle généralement… payant !

Un déficit de formations diplômantes

Les difficultés rencontrées par les entreprises pour recruter des gestionnaires de paie peuvent en partie s’expliquer par le manque de formations diplômantes en France. «Il existe peu de formations diplômantes spécialisées en paye, l’Ifocop étant à ce jour la plus connue», pointe Mathilde Martin, chez Page Personnel.

Dans ce contexte, les parcours des candidats sont souvent variés. «La plupart sont diplômés en ressources humaines et suivent une formation en paie une fois recrutés, tandis que les autres évoluaient le plus souvent dans des départements comptables avant de faire la bascule», informe Grégory Lachmany, chez Walters People.

Un spécialiste désormais en première ligne

L’image d’un gestionnaire de paie passant ses journées derrière son écran d’ordinateur pour intégrer des chiffres dans un tableau relève-t-elle de l’imaginaire ? A en croire les spécialistes, elle ne s’apparente aucunement à la réalité actuelle. «Son rôle a sensiblement évolué durant les dernières années, affirme Sébastien Charmille, chez Fed Human. Travaillant autrefois en vase clos, il est aujourd’hui en première ligne pour expliquer aux salariés les évolutions sur leur bulletin de paie ou les informer sur des réformes importantes, comme c’est le cas en ce moment avec le prélèvement à la source. De telles attentes impliquent pour les candidats de développer de nouvelles compétences, principalement en termes de communication et de relationnel.»

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