Auditeur RSE

Une fonction en émergence

Publié le 17 octobre 2013 à 16h49    Mis à jour le 2 septembre 2014 à 16h53

Hafida Aboulouard

Le poids de la réglementation en matière d’informations extra-financières pesant de plus en plus sur les entreprises, celles-ci devraient de plus en plus faire appel à des auditeurs capables de vérifi er ces données, d’autant que les investisseurs accordent une importance croissante à ces informations. Un profil difficile à trouver sur le marché aujourd’hui

Alors que les questions de la responsabilité sociale et environnementale (RSE) occupent une place croissante dans les entreprises, un nouveau métier est appelé à se développer : celui d’auditeur RSE. «Après les Big Four et les agences de notations spécialisées, quelques grands groupes cherchent également à recruter ces experts, souligne Loïc Saluden, senior consultant chez Hudson. Nous sommes actuellement aux prémices de cette activité, mais il s’agit d’un métier qui va prendre de plus en plus d’importance dans les prochaines années.» En effet, la réglementation impose désormais aux entreprises de publier des données relatives à leur politique environnementale, sociale et sociétale dans leur reporting de gestion.

«Les nouvelles obligations de reporting RSE, induite par la réglementation qui est parue, aura pour conséquence une fiabilisation des données publiées, explique Delphine Pernot, consultante senior RSE chez Deloitte. La vérification des données RSE, qui devient obligatoire pour les entreprises ciblées dans la loi Grenelle II, permet de s’assurer de cette fiabilité.»En outre, les investisseurs sont également de plus en plus regardants sur ces informations. Les enjeux RSE peuvent en effet générer des risques d’atteinte à l’image de l’entreprise mais également avoir un impact financier important à moyen terme. Ainsi, les sociétés sont désormais plus vigilantes sur ces reportings qui peuvent attirer ou au contraire décourager un investisseur potentiel.

Une mission complexe 

Dans ce contexte l’auditeur RSE, qui collabore étroitement avec les auditeurs financiers, joue un rôle déterminant. Son rôle est en effet de passer au crible les données relatives aux bonnes pratiques de l’entreprise tant en matière de protection de l’environnement que de respect de la politique sociale. «Il est chargé de vérifier la conformité des processus au regard des différentes normes sociales et environnementales, mais aussi de contrôler le système de remontée des informations afin de s’assurer de la fiabilité de celles-ci.», indique un consultant. Pour ce faire, il est en contact au niveau du siège tant avec le responsable des ressources humaines qu’avec le responsable de développement durable mais également, au sein des sites de production, avec les opérationnels.

Il s’assure ainsi de l’adéquation des pratiques de la société avec les réglementations environnementales ou sociales et suit par ailleurs l’évolution de celles-ci. De même, ce dernier évalue les processus d’identification et de gestion des risques environnementaux mais aussi de ceux portant sur la santé et la sécurité des salariés. «Un auditeur RSE peut ainsi être amené à auditer des pratiques sociales afin de vérifier que les sites respectent la liberté syndicale et les droits de l’homme par exemple», illustre Delphine Pernot. Il peut par ailleurs apporter des conseils en termes de stratégie.«Il réalise des études sur les différentes options retenues par la direction avant d’arrêter le choix de la zone d’implantation d’une nouvelle usine par exemple, pour ensuite identifier celle qui serait la plus conforme en matière de politique sociale de l’entreprise», indique Loïc Saluden.

Un cadre polyvalent

Pour mener à bien ces missions, l’auditeur vert doit avoir une bonne compréhension de l’activité de l’entreprise. Mais, surtout, ce dernier doit pouvoir travailler dans un environnement international et faire preuve de rigueur et d’une capacité d’analyse forte. «Le volume de données à analyser est considérable et porte sur des thématiques aussi bien environnementales (énergie et émissions de CO2), que sociales (formation, absentéisme), et sociétales, souligne Delphine Pernot. L’auditeur RSE doit donc être polyvalent et savoir identifi er les informations les plus pertinentes.»

Ce type de poste étant très récent, il est rare de trouver des profils possédant déjà toutes les compétences nécessaires. Ce qui explique que certaines sociétés, principalement dans les secteurs du commerce ou des services, choisissent de faire évoluer un collaborateur interne vers ce poste. «Des petites équipes de trois personnes (jusqu’à sept collaborateurs dans les très grands groupes) commencent à se créer, précise Loïc Saluden. Ces derniers manifestent souvent de l’intérêt pour cette activité et entrent en contact avec le responsable du département avant même que l’offre ne soit publiée sur l’intranet de l’entreprise. »En outre, pour diriger ces équipes, ces sociétés s’appuient sur un manager interne, souvent un ancien directeur d’une business unit. «Ce dernier, qui travaille en étroite collaboration avec le directeur fi nancier, rapporte directement au directeur général et au comité d’audit», indique Loïc Saluden. 

Une double compétence encore rare

En revanche, les entreprises industrielles, qui possèdent des processus plus compliqués, font appel à un cabinet externe pour trouver leur auditeur RSE. Elles recherchent des cadres avec un solide bagage technique, souvent des ingénieurs avec une double formation en gestion, diplômé soit d’une école de commerce ou d’un MBA. Mais ces profils pointus sont difficiles à trouver actuellement.

«Peu de personnes disposent à la fois de compétences fortes tant pour les sujets économiques qu’industriels et d’un goût pour les problématiques environnementales et sociales, et il n’existe pas actuellement de formation en la matière, prévient Loïc Saluden. Nos clients nous demandent d’aller les recruter au sein des acteurs spécialisés dans ce domaine, comme les agences de notation ou les cabinets d’audit, mais ils sont encore trop peu nombreux. Nous proposons donc des auditeurs comptables et fi nanciers classiques qui maîtrisent parfaitement les méthodes de contrôle et d’analyse et ont des connaissances en matière réglementaire, qui peuvent ensuite se former à ces problématiques particulières.»

En raison de la technicité importante que nécessite cette fonction et de la rareté des profils, les auditeurs RSE avec trois à quatre ans d’expérience perçoivent une rémunération comprise entre 50 et 54 000 euros par an, selon Hudson. «Ce niveau reste inférieur au salaire d’un auditeur classique, en raison notamment de la jeunesse des candidats, précise Loïc Saluden. En revanche, ce chiffre peut monter jusqu’à 70 000 euros pour ceux qui peuvent faire valoir un MBA dans certains grands groupes.»

En matière d’évolution, la fonction étant relativement nouvelle, les débouchés sont encore difficiles à identifier. «Nos clients indiquent toutefois qu’il s’agit d’une fonction stratégique et qu’après deux à trois ans au sein du département audit environnemental, les auditeurs RSE peuvent se porter candidats au poste de directeur de site de production par exemple», précise Loïc Saluden. Plus largement, l’avantage de cette fonction est qu’elle est très exposée au top management de la société et le cadre peut donc se faire remarquer. D’autres possibilités d’évolution devraient certainement émerger à l’avenir !

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