Parole d'expert

Partage de la valeur : des enjeux d’évaluation indépendante à tous les étages

Publié le 22 février 2024 à 17h55

Oderis

Dans le prolongement de la loi Pacte, les acteurs du private equity instaurent de plus en plus régulièrement des mécanismes de partage de la valeur au sein de leurs participations, mécanismes qui recèlent souvent des enjeux d’évaluation indépendante.

Par Matthieu Bullion, associé évaluation, Oderis

Promulguée en 2019, la loi Pacte a mis au centre de ses objectifs un meilleur partage de la valeur créée par les entreprises avec ses employés. Sous la houlette de France Invest, les acteurs du private equity ont récemment décidé d’accélérer sur ce sujet crucial, qui doit permettre un meilleur alignement d’intérêts entre salariés, dirigeants et actionnaires.

Une charte et des engagements

Une charte d’engagements a ainsi été signée en juin 2023 par une centaine de sociétés de gestion, qui s’engagent à promouvoir de manière active la mise en place de dispositifs de partage de la valeur.

La notion de partage de la valeur n’est en réalité pas étrangère aux acteurs du private equity, qui ont très tôt identifié l’intérêt de motiver les forces vives des entreprises dans lesquelles ils investissent. Ce partage a néanmoins longtemps été réservé aux seuls dirigeants (au travers de mécanismes de management packages), tandis que la tendance actuelle vise à élargir significativement le cercle des bénéficiaires.

S’il est encore un peu tôt pour mesurer l’impact de ces outils pour les entreprises qui les mettront en place, il est en revanche déjà acquis que certains d’entre eux nécessiteront des besoins d’évaluation indépendante.

Bien évaluer pour bien sécuriser

Les management packages avaient là aussi ouvert la voie, en nécessitant une estimation rigoureuse des actions de préférence émises au profit de certains dirigeants, dans un but de sécurisation fiscale. Cette dernière a été mise à mal par les décisions du Conseil d’Etat de juillet 2021, une estimation de la juste valeur des instruments émis étant désormais une condition nécessaire mais plus suffisante pour que les gains tirés de ces dispositifs soient imposés comme des plus-values de cession et non comme des salaires. Les récents montages LBO font désormais la part belle aux actions émises à titre gratuit, dont le cadre fiscal, certes plus onéreux, apparaît néanmoins plus stable et plus lisible. L’attrait pour les actions gratuites a d’ailleurs été récemment renforcé, avec un certain nombre de modifications positives apportées à leur régime juridique.

Les BSPCE constituent un autre mécanisme de partage de la valeur dont les dispositions ont été récemment assouplies, avec notamment l’annonce en octobre 2023 par le ministre délégué au Numérique de la possibilité d’appliquer une « décote d’illiquidité » sur leur prix d’exercice. Si cette annonce a été largement relayée, le Code général des impôts permettait déjà en réalité depuis 2020 d’appliquer une décote potentiellement importante, justifiée par le différentiel de droits entre les actions ordinaires des fondateurs et les actions de préférence des investisseurs. Là aussi, le recours à un évaluateur indépendant apparaît plus que nécessaire, afin de déterminer la valeur économique de chaque classe d’actions composant le capital social de la société, et de pouvoir justifier d’un niveau de décote adéquat et opposable à l’administration fiscale.

D’autres mécanismes nécessitent ou vont nécessiter le recours à des évaluateurs indépendants. Ainsi, un nombre croissant d’opérations LBO s’accompagnent de la mise en place de FCPE, qui permettent d’associer les salariés au capital en les regroupant au sein d’une structure dédiée. Ce dispositif s’adresse dès lors à une population plus large que les seuls dirigeants, et permet de coupler l’entrée d’un investisseur avec un partage plus global de la valeur créée par l’entreprise. Dans ce contexte, le recours à un évaluateur indépendant est obligatoire, d’abord pour fixer la valeur de souscription, mais aussi pour définir une formule de calcul pérenne dans le temps, susceptible de servir de référence dans le cadre du suivi de la valeur de marché de l’entreprise. Cette formule doit faire l’objet d’une attention toute particulière afin de ne pas créer de biais entre la valeur issue de son application et la véritable valeur de marché de l’entreprise. L’évaluateur devra notamment veiller à intégrer dans la formule les effets liés à la croissance de la société, et s’assurer qu’elle respecte les intérêts de toutes les parties prenantes. 

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