Le récent arrêt Takima1 met fin à l’application d’une doctrine illégale qui conduisait de fait à générer des crédits d’impôt négatifs sur certains projets, équivalents à un impôt sur ces projets, sans base légale l’autorisant.
Par Lucille Chabanel, avocate associée, et Béatrice Prim, avocate, Deloitte | Taj
Il y a quelques semaines, commentant la décision FNAMS du Conseil d’Etat2, nous écrivions que les dépenses de sous-traitance attiraient le cœur des discussions en cas de contrôle et étaient en passe d’être le plus significatif «nid à contentieux» du CIR, sous de multiples angles et notamment sur le droit à CIR résiduel des sociétés agréées.
C’est précisément sur ce sujet des modalités pratiques de calcul du CIR pour les sociétés agréées que le Conseil d’Etat a apporté une solution claire, simple d’application, et rétablissant un équilibre entre l’administration et les entreprises mis à mal par la doctrine particulièrement discutable de 2014.
1. Eviter une double prise en compte des mêmes travaux de recherche
On sait que les dépenses de recherche confiées à des entreprises agrées par le ministère de la Recherche sont éligibles au CIR pour le donneur d’ordre (CGI, art. 244 quater B, II d bis).
La loi prévoit également que sont déduites des bases de calcul du CIR les «sommes reçues par les entreprises, organismes ou experts [agréés], pour le calcul de leur propre crédit d’impôt» (CGI, art. 244 quater B, III).
L’objectif du texte est ici d’empêcher la double prise en compte des mêmes travaux de recherche au niveau du donneur d’ordre et au niveau du prestataire.
En pratique, pour la société agréée qui souhaite déclarer du CIR, trois situations sont possibles selon le destinataire de ses travaux de recherche.
Cas 1 : la société agréée travaille pour le compte d’un donneur d’ordre soumis à l’impôt sur les sociétés (IS) ou à l’impôt sur le revenu (IR) en France. En ce cas, il n’y a pas de droit à CIR, dans le chef du sous-traitant ; une neutralisation est à opérer dans son assiette CIR. Celui-ci a abandonné son droit à CIR au bénéfice du donneur d’ordre. Pour rappel, sans préciser les modalités pratiques d’application, le Conseil d’Etat a jugé qu’un prestataire agréé ne peut retenir dans l’assiette de son CIR les dépenses exposées pour la réalisation d’opérations de recherche qui lui ont été confiées par un donneur d’ordre soumis à l’IS, quand bien même les dépenses de sous-traitance du donneur d’ordre seraient plafonnées ou que ce dernier renoncerait à les retenir dans son propre CIR (CE, 05/03/2018, n° 416836, sté Lunalogic).