Le Conseil d’Etat vient de se prononcer en faveur d’une appréciation économique de la condition de stabilité de l’activité à l’origine des déficits dont le transfert est demandé par voie d’agrément. Cette approche contredit l’interprétation littérale de cette condition retenue, encore très récemment, par certains juges du fond.
Par Frédéric Gerner, avocat associé, et Baptiste Delbourg, avocat, CMS Francis Lefebvre Avocats.
1. Les conditions d’un transfert de déficits en cas de fusion
Nombre d’opérations de fusion consistent à faire absorber des sociétés déficitaires par des sociétés bénéficiaires, afin de préserver ou développer des activités en les rentabilisant et leur donnant les moyens de leur financement. Dans ce cadre, l’article 209 II du Code général des impôts (CGI) prévoit que les déficits fiscaux reportables d’une société absorbée dans le cadre d’une fusion placée sous le régime de faveur de l’article 210 A du CGI peuvent être transférés à la société absorbante sur agrément de l’administration fiscale.
Depuis 2012, la délivrance de l’agrément est conditionnée, entre autres, par l’absence de changement significatif de l’activité à l’origine des déficits dont le transfert est demandé, « notamment en termes de clientèle, de moyens d’exploitation effectivement mis en œuvre, de nature et de volume d’activité », aussi bien pendant la période de constatation des déficits (actuel article 209, II 1-b du CGI) que dans les trois ans qui suivent la fusion (actuel article 209, II 1-c du CGI). Cette condition peut paraître paradoxale, puisque le caractère déficitaire de l’activité va généralement de pair avec une situation qui se dégrade et qui nécessite des changements. Elle s’explique par la volonté de ne pas permettre des transferts artificiels de déficits, et nécessite donc une appréciation qui tienne compte du contexte et des réalités économiques.
En pratique, le service qui délivre les agréments porte une attention soutenue à l’évolution chiffrée du...