Depuis près d’une quinzaine d’années, la Cour de cassation s’est appliquée à délimiter les contours de la force obligatoire et le régime procédural des clauses de règlement des différends imposant aux parties de tenter de régler amiablement leurs conflits avant de saisir une juridiction. Convenue lorsque les parties sont animées de la dynamique constructive qui entoure la conclusion d’un partenariat, il n’est pas rare qu’une fois un litige né, la partie s’estimant lésée ne voit dans la perspective d’une négociation avec son cocontractant qu’un obstacle inutile et dilatoire entre elle et le juge. La tentation est alors grande de brûler les étapes, en particulier lorsque les parties ont le sentiment d’avoir atteint un point de non-retour. Si la jurisprudence s’avère maintenant bien établie quant à la portée de telles clauses s’agissant des demandeurs trop pressés, la situation du demandeur reconventionnel n’avait pas été explorée. C’est tout l’intérêt de la décision commentée.
Par Clément Dupoirier, avocat, et Gregory Travaini, avocat, Herbert Smith Freehills
Par un arrêt du 24 mai 2017, la chambre commerciale de la Cour de cassation s’est ainsi prononcée sur la recevabilité d’une demande reconventionnelle n’ayant pas fait l’objet d’une tentative de règlement amiable préalablement à la saisine du juge.
En 2003, la société International Drug Development («IDD») a conclu avec la société LCO Santé (devenue Osny Pharma puis Cenexi) un contrat de développement et de production d’un médicament générique lié au traitement de l’hypothyroïdie. Dans le cadre du financement du projet, IDD a conclu avec la société Biogaran un contrat de co-développement en 2004, par lequel IDD a pris certains engagements financiers envers Biogaran.
En 2010, un différend est né entre IDD et Biogaran trouvant son origine dans le défaut de paiement de sommes que Biogaran estimait lui être dues. La clause de règlement des différends qui figurait au contrat de co-développement prévoyait qu’en «en cas de litige, de différend ou de réclamation découlant du présent contrat, les parties s’efforceront de régler le problème à l’amiable. Si les parties ne parviennent pas à un accord dans les soixante jours, à compter de la première notification faisant état de ce litige, de ce différend ou de cette réclamation, elles choisiront ensemble un médiateur qui aura soixante jours pour trouver un accord entre les parties, à défaut elles se soumettront à la juridiction du tribunal compétent de Paris (…) qui sera chargé de le régler.»2
Biogaran a mis en œuvre cette clause et une...