Un dirigeant de société doit être loyal envers ses actionnaires. Un arrêt prononcé le 5 juillet 2016 par la Cour de cassation conduit à s’interroger sur l’apparition d’un devoir spécifique de loyauté du dirigeant envers l’actionnaire majoritaire.
Par Gilles Vermont, avocat, of counsel, Delsol Avocats
Les dirigeants sont des mandataires sociaux. Or, mandat et société sont deux concepts juridiques régis par la loyauté. En effet, un principe de loyauté du mandataire envers le mandant s’est imposé dans le droit commun du mandat édicté par le Code civil1, et un principe de loyauté gouverne également le droit des sociétés : les associés y sont tenus entre eux, la société y est tenue vis-à-vis du dirigeant qu’elle révoque, le dirigeant y est tenu vis-à-vis de la société. La loyauté est donc un devoir inhérent au statut de dirigeant.
Les contours de ce devoir font toutefois l’objet d’une évolution récente qui pourrait s’avérer profonde.
Aux termes d’un arrêt prononcé le 5 juillet 20162, la Cour de cassation vient de laisser entrevoir l’existence d’un devoir spécifique de loyauté du dirigeant envers l’actionnaire majoritaire de la société. La Cour de cassation s’avance sur ce terrain avec une infinie prudence, à l’inverse de la cour d’appel de Versailles dont la décision était quant à elle étonnamment catégorique.
Dans cette affaire, le dirigeant concerné était directeur général d’une société anonyme sous LBO. Il lui était essentiellement reproché d’avoir exprimé des doutes sur la stratégie et la viabilité de la société, et d’avoir initié la recherche de nouveaux investisseurs. Il avait ainsi mobilisé avocats d’affaire et banque d’investissement afin d’entrer en contact avec un fonds d’investissement qui était le concurrent direct de l’actionnaire majoritaire de la société, ce qui n’avait pas manqué d’émouvoir la place financière parisienne. Révoqué pour faute grave, le dirigeant s’est pourvu en justice.