L’Autorité de la concurrence a rendu une décision concernant le rapprochement de centrales d’achats dans le secteur de la grande distribution alimentaire (déc. n° 20-D-13 du 22 octobre 2020). En acceptant et en rendant obligatoires les engagements de quatre enseignes, elle a appliqué pour la première fois les pouvoirs nouveaux donnés par la loi Egalim de 2018.
Par Alexandre Lacresse, avocat, et Jean-Louis Fourgoux, avocat associé, Fidal
Introduit initialement par la loi Macron, en 2015, le mécanisme d’information de l’Autorité de la concurrence préalable à la mise en œuvre de rapprochements à l’achat était né d’un constat d’impuissance des pouvoirs publics. Ne constituant ni nécessairement une entente ni une opération de concentration, ils échappaient à tout contrôle et, en particulier, à toute appréciation préalable de leurs effets, alors qu’ils conduisent à renforcer le pouvoir de négociation des acheteurs vis-à-vis de leurs fournisseurs. La même année, l’Autorité avait d’ailleurs rendu un avis au Sénat et au ministre de l’Economie, soucieux du développement de ces rapprochements dans le secteur du commerce de détail. A cette occasion, elle avait établi une grille d’analyse générale et une cartographie des risques que ces rapprochements pourraient soulever, en aval comme en amont. En 2018, les discussions lors des Etats généraux de l’alimentation avaient conduit le législateur à doter l’Autorité de la concurrence de prérogatives nouvelles, dans le cadre de la loi Egalim. Saisie quatre mois avant l’entrée en vigueur d’un accord d’achats groupés, au lieu de deux auparavant, lorsqu’un double seuil de chiffres d’affaires est atteint, l’Autorité mène désormais un bilan concurrentiel qui lui permet, de sa propre initiative ou à la demande du ministre de l’économie, de déterminer si les bénéfices de l’accord compensent une éventuelle atteinte à la concurrence. Lorsque cette atteinte est d’une particulière gravité et risque de survenir immédiatement après l’entrée en vigueur de l’accord, l’Autorité peut même prendre des mesures conservatoires en vue d’obtenir la résiliation ou la modification de l’accord.