La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Dossier

Les conventions de portage : souplesse contractuelle et prudence fiscale

Publié le 8 décembre 2022 à 18h28

CMS Francis Lefebvre    Temps de lecture 4 minutes

Figure imposée de l’ingénierie financière, le portage est une convention par laquelle un porteur s’oblige contre rémunération le plus souvent à souscrire ou à acquérir des droits sociaux pour le compte d’un donneur d’ordre, ce dernier s’engageant pour sa part à les lui racheter (ou à les faire racheter par un tiers) à un terme convenu et moyennant un prix prédéterminé ou prédéterminable. Le porteur – il s’agira le plus souvent d’un établissement de crédit – devient ainsi associé, mais sans avoir vocation à le rester. Sa démarche consiste en la fourniture d’un service financier au profit du donneur d’ordre, qu’il entend rendre en limitant son exposition aux aléas sociaux et sans être animé d’un véritable affectio societatis.

Par Jean-Charles Benois, avocat associé en fiscalité. Il intervient tant en matière de fiscalité des entreprises et groupes de sociétés qu’en fiscalité des transactions et private equity. jean-charles.benois@cms-fl.com / Et David Mantienne, avocat counsel en corporate/ fusions et acquisitions. Il intervient principalement en matière d’opérations de fusion-acquisition, de private equity et de restructuration de groupes de sociétés, pour des clients tant français qu’étrangers. david.mantienne@cms-fl.com

Une détention par essence temporaire

Contrat innommé, le portage repose généralement sur des promesses croisées de vente et d’achat, de nature à sécuriser le dénouement de l’opération qui doit toutefois rester subordonné à la levée de l’une ou l’autre des deux options que se consentent mutuellement les parties. La flexibilité qu’induit la forme contractuelle du portage autorise des utilisations multiples : instrument de financement et/ou mécanisme de sûreté, outil destiné à stabiliser un actionnariat ou à faciliter le retrait d’un associé, ou encore écran dissimulant l’identité véritable de l’auteur d’une prise de participation.

Bien qu’associé éphémère, c’est au porteur qu’il incombe d’exercer les prérogatives attachées à la qualité d’associé. Prérogatives pécuniaires d’abord, au titre desquelles la convention de portage prescrit fréquemment la restitution au donneur d’ordre des dividendes que viendrait à percevoir le porteur, ou leur déduction du prix de rachat des titres à l’occasion du dénouement du portage. Prérogatives politiques ensuite, au premier rang dequelles figure l’exercice du droit de vote pour lequel les parties prévoiront à tout le moins une concertation préalable entre elles. La convention doit en outre impérativement traiter des opérations sur le capital de la société susceptibles d’intervenir pendant la durée du portage.

Une absence de régime fiscal autonome

D’un point de vue fiscal, et sauf exception, la notion de portage ne fait l’objet ni d’une définition, ni d’un régime autonome. Ainsi, le portage est traité comme deux ventes successives à part entière, avec le transfert du droit de propriété qui en résulte, la constatation d’un gain (ou d’une perte) en capital, et l’application du régime fiscal dont relèvent le cédant et le cessionnaire. En particulier, aucun régime de neutralité fiscale n’est prévu, contrairement à ce qui existe en matière de pension ou de prêt de titres.

Paradoxalement, c’est en partie l’application du droit commun aux opérations de portage qui a pu conduire à un usage fiscal contesté de cette figure contractuelle, puisque les effets fiscaux attachés à la propriété juridique (et à sa mutation au gré des cessions) l’ont emporté sur la réalité économique sous-jacente. Tel était notamment le cas des allers-retours sur titres cotés autour de la date de mise en paiement du dividende, afin pour les associés non-résidents de réduire voire d’éviter toute retenue à la source française (1).

Est-ce à dire que tout portage serait par essence sulfureux au plan fiscal ? Non à l’évidence, du moins tant que le recours à ce mécanisme contractuel ne masque pas la poursuite d’un objectif exclusivement ou principalement fiscal, en violation de l’objectif poursuivi par le législateur. A cet égard, le fait pour les parties de demeurer pleinement exposées à la variation de valeur des titres objets du portage constitue un indice favorable de l’absence d’objet exclusivement (voire principalement) fiscal, puisque l’intention spéculative peut traduire à elle seule un but non fiscal suffisant. L’absence de prise en compte d’un éventuel avantage fiscal dans le prix auquel est réalisée l’opération serait un autre indice favorable.

Dans cette matière comme dans d’autres, le pire n’est donc jamais certain, mais la prudence fiscale reste de mise. 

1. Voir en ce sens CE Sect., 27 septembre 2006, 260050, Janfin, et plus largement les problématiques d’arbitrages de dividendes dites « CumCum ». Le dispositif anti-abus entré en vigueur à compter du 1er janvier 2019 ainsi que la convention multilatérale ont en partie limité la portée et l’efficacité de ces structurations.


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