La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Dossier

Rupture des pourparlers : simplifier et rendre prévisible son indemnisation par une clause de « break-up fees » 

Publié le 8 décembre 2022 à 18h20

CMS Francis Lefebvre    Temps de lecture 4 minutes

Afin d’éviter que l’indemnisation de la rupture de pourparlers nécessite l’intervention du juge qui se prononcera sur les fautes éventuelles commises par chacune des parties pour en déterminer le quantum, les parties préfèreront certainement anticiper les conséquences pécuniaires de la rupture des pourparlers par l’introduction d’une clause de « break-up fees ».

Par Jean-Thomas Heintz, avocat associé en corporate/fusions & acquisitions de CMS Francis Lefebvre Lyon Avocats. Il intervient en matière de restructurations de groupes de sociétés et de fusionsacquisitions pour des clients tant français qu’étrangers. jean-thomas.heintz@lyon.cms-fl.com

Préjudice pour rupture abusive des pourparlers et indemnisation

L’actualité récente des fusions-acquisitions et les menaces de demandes d’indemnités faramineuses qui pesaient sur Elon Musk lors du retrait de son offre sur Twitter sont venues remettre sur le devant de la scène la question de l’indemnisation du préjudice pour rupture abusive des pourparlers.

Ce préjudice, plus ou moins important selon l’état d’avancement des négociations représente souvent des montants assez conséquents et comprend très régulièrement les frais des conseils ou les frais internes engagés dans le cadre des négociations, les investissements éventuellement réalisés en prévision de la réalisation de l’opération et peut même parfois couvrir la perte de valeur de la cible dans les affaires qui défrayent la chronique.

Toutefois, pour être indemnisée, la victime devra être à même de démontrer l’existence d’un comportement fautif de son cocontractant, d’un préjudice découlant de ce comportement et de chiffrer ce préjudice.

Pour fixer le montant de l’indemnité, le juge sera par ailleurs amené à apprécier le comportement de chacun des acteurs afin de déterminer la part de responsabilité du cédant et du cessionnaire dans la décision de mettre fin aux négociations.

Ainsi, un cédant a pu se voir imputer la responsabilité de la rupture des pourparlers et condamner au remboursement des frais exposés par le cessionnaire dans le cadre des négociations, dès lors qu’il n’avait pas conduit loyalement les négociations en refusant de communiquer les éléments nécessaires à l’établissement de l’acte de cession (CA Montpellier, 14 septembre 2021, n°19/01635). A contrario, la faute de la victime qui modifie ses propositions contractuelles en cours de négociation va conduire le juge à réduire le montant de l’indemnisation qui lui est due en conséquence de la rupture des pourparlers (Cass. Com, 14 avril 2021, n° 19-13.998).

Clause de break-up fee ou comment prévoir les conséquences pécuniaires ?

Afin d’encadrer l’éventualité d’une rupture des pourparlers et en sécuriser au mieux les conséquences financières, les parties pourront préférer recourir à une clause de « break-up fees » couramment introduite dans les actes préparatoires à une opération de fusion-acquisition. En effet, issues de la pratique anglo-saxonne, ces clauses également connues sous le terme de « clauses d’indemnités de rupture » visent à permettre à l’une des parties (ou aux deux) de se désengager d’une négociation ou d’un contrat en contrepartie du versement d’une certaine somme d’argent, sans être tenue généralement d’avancer un motif.

Pour autant que la clause soit bien constitutive d’une clause de dédit et que son exercice par le bénéficiaire n’ait pas été abusif, celle-ci offre aux parties une certaine prévisibilité quant aux conséquences pécuniaires de la décision par l’une d’elles de ne pas mener un projet à son terme.

Souvent déterminée en pourcentage du montant de la transaction, la somme mise à la charge du bénéficiaire de la clause constitue le « prix de la liberté » permettant à ce dernier de se soustraire à l’exécution du contrat sans que le juge ne puisse la diminuer y compris lorsque la somme s’avère particulièrement élevée (Cass. Com., 18 janvier 2011, n° 09-16.863). Pour sa part, la victime n’aura pas non plus à démontrer l’existence d’un préjudice ni à le chiffrer afin d’en obtenir réparation. Les parties seront toutefois attentives au fait qu’une telle clause n’est pas exclusive d’une indemnisation judiciaire en cas de faute additionnelle non couverte par le contrat. 


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