Dans les processus de recrutement, l’examen des « soft skills » (compétences comportementales et relationnelles), parfois délaissé s’agissant des professions du chiffre, prend une importance croissante. Des tests adaptés au monde de la finance se développent, afin d’estimer les compétences des candidats, qui doivent se soumettre à de longues batteries de questions.
Au-delà des compétences techniques, quelles sont les compétences humaines recherchées au sein des directions financières ? Les chasseurs de têtes sont aujourd’hui formels. Dans un contexte d’incertitude macroéconomique et de nécessaire prise en main d’outils technologiques à l’évolution exponentielle, la capacité d’adaptation est indispensable à toute prise de fonction. Celle-ci doit également s’accompagner d’une grande intelligence émotionnelle, permettant de comprendre les dynamiques humaines et d’inspirer les équipes. Autre impératif : la communication. La direction financière se doit de cultiver des relations de confiance avec l’ensemble des parties prenantes, à l’interne et à l’externe. Impossible donc de rester muré dans son bureau : les responsables financiers sont en lien étroit et constant avec les opérationnels. Pour le CFO, numéro 2 de l’organigramme dans l’entreprise, cette capacité à communiquer est inhérente à sa fonction. Il se doit de prendre la parole face aux actionnaires et aux investisseurs, tout en étant capable de réagir vite et de faire face à des situations tendues, sans jamais perdre le contrôle.
Reste que pour les financiers qui aiment les indicateurs chiffrés, la mesure des compétences comportementales et relationnelles n’est pas chose aisée. Elle se fait souvent via des tests de personnalité réalisés au moment de l’embauche. Cette évaluation avant l’embauche est aujourd’hui un indispensable. « Il faut bien avoir à l’esprit qu’en France, toutes professions et tous secteurs confondus, le taux de maintien la première année est désormais de 25 % », explique Nicolas d’Hooghe, fondateur du cabinet de recrutement Work&You. Ces erreurs de recrutement sont souvent liées à une mauvaise appréciation des soft skills des candidats qui, in fine, débouche sur une incapacité à travailler de concert avec l’équipe déjà en place.
Des questions à choix contraints
Les tests de personnalité les plus fréquemment privilégiés sont les questionnaires ipsatifs. Contrairement aux questionnaires normatifs, qui demandent de choisir dans quelle mesure un candidat est d’accord avec une affirmation, les tests ipsatifs obligent à choisir entre deux affirmations. Pour cerner une personnalité donc, pas question de demander au candidat de se définir lui-même. « Les questionnaires sont faits de telle manière qu’il n’est pas possible de répondre par oui ou par non », explique Nicolas d’Hooghe. « Le candidat est obligé de faire un choix. Il doit se positionner entre différentes tâches. Ces tests ipsatifs permettent de déterminer les traits de personnalité dominants chez un candidat. » A titre d’exemple, un candidat sera amené à choisir entre deux items : solliciter de l’aide à l’extérieur ou résoudre un problème seul. Ce type de dilemme met en lumière l’autonomie ou la capacité à collaborer.
«Plus on monte dans les échelons, plus les tests deviennent techniques.»
Autre exemple : préférer respecter des procédures établies ou innover pour améliorer un processus. Ici, le test cherche à identifier si le candidat est plutôt conformiste ou créatif dans son approche du travail. Toutes ces questions à choix fermés vont permettre au recruteur de dresser un profil de la personnalité du candidat. Autre test éprouvé : le Big Five, qui mesure cinq grands traits de personnalité. Ce test est particulièrement utilisé pour le recrutement de profils évoluant dans des contextes exigeants.
Reste ensuite à faire travailler ensemble des personnalités différentes. Au sein des directions financières, la diversité est une source de performance. Néanmoins, tous les profils ne cohabitent pas de la même façon. Pour éviter les erreurs de recrutement, il faudra donc évaluer en amont les différents types de personnalité présents dans l’équipe. Le recrutement n’étant pas une science exacte, un candidat qui convient à une entreprise peut ne pas du tout convenir à une autre. Certains cabinets se distinguent aujourd’hui en proposant le recrutement par « matching ». C’est le cas de Work&You qui a mis en place une technique de recrutement prédictif. « Nous créons avec notre client le profil idéal, explique Nicolas d’Hooghe. C’est-à-dire qu’au-delà des compétences techniques, nous évaluons les sensibilités recherchées par l’entreprise. Nous réalisons ensuite une pondération qui nous permet de déterminer le meilleur matching entre une organisation et un profil. »
Un classement par couleurs
Parmi les tests psychométriques les plus utilisées se trouve également le DISC (dominance, influence, stabilité et conformité) qui consiste à classer les candidats en fonction d’une couleur. Les profils de décideurs tout comme les profils financiers seront idéalement rouge. C’est-à-dire directs, rapides, structurés et prudents. Les profils bleus (rigueur, fiabilité, organisation, analyse et logique) se prêtent également bien aux fonctions de manager à haut niveau. « C’est un test que nous utilisons souvent sur les fonctions finance, explique Angélique Cornet, consultante finance, legal, risk et compliance au sein du cabinet de recrutement Gentis. Au sein d’une même équipe, il peut coexister toutes sortes de profils. Néanmoins, dans la prise de brief, nous sommes très attentifs à la composition de l’équipe en place. Par exemple, si le manager est rouge, ce sera plus difficile de le mettre en présence d’un profil vert. » Si le recrutement ne peut pas se baser uniquement sur ces tests, il n’est pas non plus possible de recruter uniquement au « feeling ».
Des tests chronophages
Reste que les principaux concernés sont parfois agacés de la longueur de ces tests. « Plus on monte dans les échelons et plus les tests deviennent techniques », constate Angélique Cornet. Une erreur de casting sur « C level » (CEO, CFO…) peut avoir des conséquences délétères sur la vie de l’entreprise. L’impact est d’abord financier mais aussi en termes d’image puisqu’il envoie un mauvais signal à l’ensemble des collaborateurs. Dans ce contexte, les grandes entreprises multiplient les tests. « Il n’est pas rare que des entreprises demandent quatre heures voire une journée entière pour faire passer des tests. Cela signifie poser une journée de congés avec le risque de ne finalement pas être retenu, poursuit Angélique Cornet. Les C level détestent absolument ce type de tests ! Parce que ces tests vont très loin. Mais aussi parce qu’ils sont particulièrement chronophages. »
Connaître les tests
Si on ne change pas une personnalité, il est en revanche possible de progresser dans ses compétences relationnelles, notamment en se faisant accompagner. C’est le cas par exemple de la gestion de crise. Pour les fonctions dirigeantes, la connaissance des tests concernant les soft skills est une vraie aide au management. « Lire, s’éduquer. Tout cela va permettre de prendre conscience des différents types de personnalité. Cela donne des clés puissantes pour travailler avec des profils divers », explique Angélique Cornet, consultante finance, legal, risk et compliance au sein du cabinet de recrutement Gentis.