Table ronde/IT et Finance

Report de la réforme sur la facturation électronique : impacts et opportunités

Publié le 23 février 2024 à 9h40

Anne Del Pozo    Temps de lecture 30 minutes

Le nouveau calendrier pour la mise en place de la réforme sur la facturation électronique est désormais entériné, avec des échéances comprises entre 2026 et 2027. Certes, ce report place désormais la France au pied du mur, notamment par rapport à la directive européenne VIDA sur l’obligation de facture électronique en Europe et qui, pour sa part, devrait entrer en vigueur en 2028. Pour autant, il représente également et surtout une opportunité pour les entreprises de prendre le temps de mieux comprendre les contours de la réforme et de mieux s’y préparer.

Eric Valion, directeur de l’expérience client, coordinateur principal pour la facturation électronique B2B chez Esker : Le Conseil constitutionnel a validé début janvier le projet de loi de Finance 2024 tel qu’il a été voté à l’Assemblée nationale le 29 décembre 2023, et qui embarque donc le nouveau calendrier de la réforme sur la facturation électronique. Le 1er septembre 2026 et au plus tard le 1er décembre, les grandes entreprises et les ETI devront être en mesure de pouvoir émettre leurs factures. Pour toutes les autres entreprises (PME, TPE et microentreprises), cette obligation d’émission est fixée au 1er septembre 2027, avec potentiellement un trimestre de plus. En revanche, l’obligation de réception des factures électroniques est, pour sa part, fixée au 1er septembre 2026 pour toutes les entreprises. Enfin, les flux d’e-reporting suivront ce même calendrier.

Grégory Mignon, product evangelist team leader chez Yooz : Attention toutefois car la réglementation sur la facturation électronique dépasse le seul cadre de la France. En Europe, nous avons ainsi la directive VIDA qui porte un projet d’uniformisation, de simplification et de modernisation de la gestion de la TVA intracommunautaire via notamment la mise en place de l’e-reporting et de l’e-invoicing, la mise à jour des règles de TVA ou encore l’enregistrement unique de la TVA au sein d’une plateforme qui sera commune à l’ensemble des pays. Ces sujets sont portés depuis plusieurs années et le projet doit être finalisé en 20281, avec un potentiel report en 2030. Ce n’est donc pas un hasard si la France a posé décembre 2027 comme date butoir à la mise en place de sa propre réforme sur la facturation électronique. Un sujet à suivre par ailleurs car en France, la facture doit être émise directement via le PPF ou via une PDP, mais ne pourra pas être envoyée directement au client. Or, avec VIDA les e-invoicings et e-reportings devront être envoyés sous deux jours à partir du moment où l’opération commerciale aura été réalisée. Nous aurons donc des nouvelles obligations, en quelque sorte, qui vont s’affilier à la réglementation française.

Olivier Taligault, global mandate program lead de Basware : D’autre part, au-delà de l’harmonisation VIDA sur l’e-reporting, nous constatons que de nombreux pays sont également en train de modifier ou de mettre en place des réglementations autour de la facture électronique. En 2024, des pays comme le Danemark, l’Espagne, la Grèce, la Roumanie devraient y passer. La Pologne est également en ordre de marche, même si les échéances sont reportées. Cette dynamique dépasse par ailleurs les frontières de l’Europe : l’Australie, la Malaisie ou encore l’Israël vont également passer à la facturation électronique en 2024. Toutes les entreprises qui aujourd’hui opèrent justement sur différents marchés ou qui ont des filiales à l’étranger devront se conformer aux réglementations locales sur le sujet. Le non-respect de ces réglementations peut avoir un impact significatif sur ces entreprises. Par exemple, la Roumanie a déjà prévu tout un système de pénalités pour les entreprises qui ne seraient pas en mesure de respecter la réglementation. Il est donc important de suivre ces réglementations et d’en analyser l’impact sur son système d’information et de gestion des flux des factures en entrant et en sortant. D’ailleurs, certaines entreprises commencent à faire part de l’impact financier de ces réglementations sur leur PNL.

Plus de temps pour choisir ses partenaires

Alexis Coutier, responsable de marché chez Cegedim Business Services : Pour les entreprises, ce report représente néanmoins une opportunité à différents niveaux. Elle leur offre d’abord la possibilité de faire des choix plus éclairés. Actuellement et pour la première fois dans le cadre de cette réforme, nous recevons par exemple des appels d’offres ou des sollicitations qui portent désormais sur des PDP pour gérer à la fois les flux entrants et les flux sortants. Historiquement, il s’agit pourtant de domaines métiers qui, dans les grandes entreprises, sont assez différents. Auparavant, les réflexions portaient surtout sur les flux sortants dont l’impact était plus important et ce, parfois au détriment des flux entrants. Il y a également le sujet de choisir ou non un prestataire à l’international. Certaines vont vouloir trouver un acteur capable de les accompagner de manière globale tandis que d’autres préféreront prendre des spécialistes de leurs marchés nationaux.

Olivier Taligault : En effet, sur l’international, tout dépend de la stratégie d’approche de l’entreprise. Ce qui est important pour les entreprises, c’est de bien comprendre comment les plateformes partenaires vont aborder ces réglementations : le font-elles en développant elles-mêmes les différentes fonctionnalités qui seront nécessaires, ou vont-elles également passer elles-mêmes par des partenaires locaux ? Les deux sont possibles et ça fait partie des choses que les entreprises doivent regarder. D’autre part, si une entreprise choisit un partenaire pour l’accompagner dans différentes régions du monde, mais de manière différente (via leurs propres développements et/ou des partenaires), alors il est important de bien comprendre et s’assurer de la chaîne de responsabilité. En effet, ce sont les plateformes partenaires (PDP pour la France) qui vont porter la responsabilité de garantir aux entreprises que le flux de factures répondra bien à la réglementation.

Eric Valion, directeur de l’expérience client, coordinateur principal pour la facturation électronique B2B chez Esker

« L’e-reporting va couvrir l’ensemble des flux qui par défaut ne sont pas des flux d’e-invoicing entre deux assujettis à la TVA française tels que les flux internationaux ou les flux des caisses enregistreuses. »

Eric Valion est directeur de l’expérience client – coordinateur principal pour la facturation électronique B2B chez Esker.Diplômé des Etudes supérieures comptables et financières, Eric travaille depuis 30 ans dans l’industrie de l’édition logicielle, que ce soit chez des éditeurs ou des ESN (Cegid et Cap Gemini entre autres). Successivement formateur, consultant, chef de produit puis directeur de marché, Eric Valion est en poste depuis 12 ans chez Esker et a été préalablement chef de projet à l’international. Depuis 2018, il est directeur de la customer experience EMEA qu’il a contribué à créer chez Esker. Depuis mai 2023, il a également pris en charge les activités liées à la réforme de la facturation électronique pour le marché français.

Il coordonne les dossiers d’immatriculation en tant que PDP, ainsi que le dossier de candidature pilote au nom d’Esker.

Plus de temps pour mieux comprendre les contours de la réforme

Grégory Mignon : Ce report représente également une opportunité de mieux comprendre la réforme, une opportunité de cerner comment elle se traduira concrètement dans les entreprises et, à ce titre, de tester les plateformes. Chez Yooz, nous avons par exemple décidé de mettre en place en avance de phase notre portail collaboratif gratuit avec un annuaire identique à celui de l’annuaire central de l’administration fiscale, mais avec nos clients et nos fournisseurs. Chacun de nos clients et fournisseurs peut également inviter ses propres clients et fournisseurs à utiliser la plateforme. Ce portail va ainsi permettre de tester le modèle en émettant des factures aux formats socles de la réforme et en échangeant les statuts de l’administration (prise en charge, mise à disposition, bloquée en litige, etc.), mais aussi de tester le tchat collaboratif entre fournisseurs et clients, et de pouvoir ainsi commencer à préparer les collaborateurs à ce changement. Quand la réforme rentrera en vigueur, c’est l’annuaire officiel de l’Etat qui sera consulté en priorité. L’annuaire de Yooz restera actif notamment pour permettre les échanges internationaux et les échanges vers les non-assujettis à la TVA.

Eric Valion : Ce temps supplémentaire permet également aux entreprises de mieux appréhender et se préparer à l’e-reporting qui vient compléter le dispositif de l’e-invoicing. Si nous restons sur le socle de la réforme française, l’e-reporting concerne l’obligation de transmission des données de facturation et de paiement. Cet e-reporting va couvrir l’ensemble des flux qui par défaut ne sont pas des flux d’e-invoicing (de facturation électronique) entre deux assujettis à la TVA française. Il va ainsi prendre en compte les flux internationaux, les flux des caisses enregistreuses (les fameux tickets Z), qui contiennent des informations concernant la TVA qui doivent venir compléter le flux de facturation électronique afin d’assurer une complétude de l’information relative à la TVA. Rappelons d’ailleurs à ce sujet que la lutte contre la fraude à la TVA est l’un des principaux objectifs de cette réforme. Cette question de l’e-reporting entre également en ligne de compte dans le choix de son ou ses partenaires et il est de la responsabilité d’une PDP de gérer ces flux.

Olivier Taligault, global mandate program lead de Basware

« Toutes les entreprises qui opèrent sur différents marchés ou qui ont des filiales à l’étranger devront se conformer aux réglementations locales sur le sujet de la facturation électronique. »

Olivier Taligault est global mandate program lead chez Basware. Il a plus de 20 ans d’expérience dans les domaines de la finance d’entreprise, des solutions P2P et de la facturation électronique. Son expertise porte sur le conseil en stratégies de transformations des processus IT & finances au sein d’entreprises complexes et variées. Il a fait ses preuves dans la réalisation de propositions de valeur efficaces pour des solutions d’optimisation des processus comptables et P2P dédiées à des entreprises stratégiques. Olivier a rejoint Basware pour diriger le programme de mise en conformité de la facturation, suivant les différentes réglementations en vigueur en France et à l’international.

Plus de temps pour participer à la phase pilote

Eric Valion : Les prestataires qui ont déposé un dossier pour devenir PDP peuvent postuler également pour participer à la phase pilote. Etre candidat pilote consiste à se porter garant avec un ensemble de clients représentatifs, à réaliser des tests de cas d’usages mais aussi des cas de TVA (encaissement/débit), des cas d’e-reporting que nous pouvons rencontrer dans notre clientèle, et à assurer un test de bout en bout de ces flux entre un acheteur et un vendeur afin de permettre au gouvernement de valider la technologie, la sécurité et bien entendu les différents acteurs que constitue ce fameux schéma en Y.

A date, il semblerait que la phase pilote pourrait débuter en septembre 2024 ou début 2025, mais rien n’a été confirmé pour le moment. Nous restons en attente de nouvelles de la part de la DGFIP et de l’AIFE sur la mise en œuvre et sur le nouveau calendrier de cette phase pilote. Nous attendons également la confirmation d’une réouverture de la liste des sociétés candidates à cette phase pilote qui avait été fermée en juillet dernier ainsi qu’un nouveau calendrier pour ces dépôts.

Cette phase pilote s’articulera autour de trois grands chantiers : contribuer activement à la validité du PPF et de l’annuaire, qui sont les éléments fondateurs de cette réforme. Cette phase pilote se doit donc de valider l’infrastructure avec le PPF et l’annuaire ; organiser et participer à des ateliers entre utilisateurs finaux, entreprises et acteurs informatiques que nous sommes aujourd’hui ; réaliser des tests technologiques, de raccordement au portail, mais également entre PDP. Le réseau Peppol pourrait d’ailleurs dans le cadre de cette dernière démarche permettre aux PDP de dialoguer entre elles et être interopérables. A ce jour, 116 candidatures représentant 1 313 entreprises ont été enregistrées pour participer à cette phase pilote, tester les flux entrants et sortants de bout en bout et pouvoir, via nos applications et via nos infrastructures PDP, valider la bonne émission, la bonne réception et le bon cycle de vie des factures, à savoir ses différents statuts.

Alexis Coutier : Effectivement, les entreprises sont maintenant assez conscientes de la complexité de cette réforme et comprennent qu’il y a deux flux à traiter, en entrant et en sortant. Rappelons par ailleurs que cette réforme embarque 36 cas d’usages (un nombre qui pourrait d’ailleurs encore évoluer). Or, certaines entreprises ne connaissent même pas ces cas d’usages. En participant à cette phase pilote, les entreprises prendront le temps de bien identifier tous leurs cas d’usages et de faire ensuite en sorte qu’ils soient tous bien couverts afin qu’elles soient prêtes le jour de la bascule vers la facturation électronique.

Cette phase pilote va également permettre de répondre à toutes les questions que se posent encore les entreprises.

Aujourd’hui, nous avons beaucoup de clients qui s’interrogent sur les formats du socle. En effet, si un fournisseur souhaite déposer directement sur le PPF ce sera forcément un dépôt de factures dans un des trois formats du socle. D’autre part, comme pour devenir PDP il faut être en capacité de s’interopérer avec ses confrères, toutes les PDP doivent savoir gérer les trois formats du socle. Mais au-delà de ces trois formats du socle, qu’en est-il des formats historiques en place dans les entreprises et qui ne sont pas des formats du socle ? Nous parlons notamment de l’Edifact qui est un format international largement répandu. Normalement, les PDP devraient pouvoir interopérer entre elles librement autour d’un format déjà existant. Les entreprises ont néanmoins besoin d’être certaines que les flux qu’elles ont déjà mis en place avec leur opérateur candidat PDP pourront toujours être reçus par les clients même s’ils choisissent de leur côté une autre PDP. Elles ont besoin de savoir si les formats existants vont être maintenus, de connaître les choix des opérateurs autour de l’interopérabilité. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nous parlons actuellement beaucoup du réseau Peppol qui permettra d’échanger des flux de facturation autour du format UBL. Faire le choix d’une PDP c’est donc finalement aussi interroger son ou ses prestataires sur son historique en termes de gestion flux EDI ainsi que sur le nombre de contrats d’interopérabilité qu’il a déjà signés.

La phase pilote offrira ainsi le temps aux entreprises de s’assurer que tous les flux qu’elles avaient déjà mis en place et tous les nouveaux flux qu’elles vont mettre en place vont fonctionner correctement, que l’ensemble des éléments requis par l’administration fiscale lui seront bien transmis et que, dans ce schéma en Y, leurs clients qui auront fait le choix d’une autre PDP que la leur, recevront bien leurs factures.

Ce sont ainsi autant de raisons pour lesquelles nous incitons les entreprises à participer à cette phase pilote et nous espérons qu’elles pourront de nouveau déposer leur dossier à cet effet sur le premier trimestre de l’année 2024. D’autant que le report de la réforme a également pour vocation de laisser plus de temps aux entreprises pour participer à cette phase pilote qui initialement ne devait durer que six mois. Aujourd’hui, si les calendriers et promesses de l’administration fiscale sont tenus, elle pourrait s’étaler sur un an et demi. Tous les acteurs du marché et leurs clients sont donc très attentifs sur ce sujet. Pour notre part, nous avons fait le choix d’accepter d’inscrire à cette phase pilote l’ensemble des entreprises, qu’elles soient clientes ou prospects, dès lors qu’elles s’engagent avec Cegedim. De notre côté, nous nous engageons à les aider à participer à cette phase pilote et tester les flux avec leurs partenaires, fournisseurs et clients. En juin l’année dernière, nous avions ainsi déjà déposé une quarantaine de dossiers. Il est cependant vrai que peu d’entreprises se sentaient alors suffisamment investies pour pouvoir participer à la première phase pilote. Aujourd’hui ce n’est plus le cas. Avec le report, les entreprises entrevoient une nouvelle possibilité de participer à cette phase pilote de manière sérieuse, avec une contrainte temps moins importante.

Alexis Coutier, responsable de marché chez Cegedim Business Services

« La phase pilote offrira le temps aux entreprises de s’assurer que tous les flux qu’elles avaient déjà mis en place et tous les nouveaux flux qu’elles vont mettre en place vont fonctionner correctement. »

Alexis Coutier est responsable de marché flux santé chez Cegedim Business Services. Il travaille au sein du groupe Cegedim depuis plus de six ans. Avec 20 années d’expérience dans la digitalisation, son rôle consiste aujourd’hui à pérenniser et développer le 1er réseau français de dématérialisation de l’écosystème santé que Cegedim a initié il y a plus de 30 ans. Il a pour missions de conseiller et accompagner les entreprises dans la simplification de leurs processus et vers une transformation digitale en toute conformité, en adéquation avec leurs besoins, leur organisation, et la réforme qui va généraliser le recours obligatoire à la facturation électronique en France et prochainement en Europe.

Les immatriculations PDP seront-elles délivrées avant la phase pilote ?

Alexis Coutier : L’administration fiscale nous avait nous avait expliqué que, dans le contexte de ce report très tardif (plus de deux ans et demi), les candidats à l’immatriculation PDP allaient pouvoir être immatriculés sans attendre la phase pilote. Cette promesse est d’autant plus importante que nous avons besoin de faire en sorte qu’un maximum de flux soit opéré par les PDP, sachant que le portail public de facturation n’a pas pour vocation à accueillir le plus grand nombre de flux. D’ailleurs, l’administration fiscale fait en sorte de poser de fortes limitations à son utilisation par les fournisseurs qui voudront y déposer directement leurs factures. Il y aura notamment des limites en termes de bande passante, d’API, pour pouvoir déposer les factures. L’objectif consiste donc à ce que le PPF apporte un socle de services a minima tout en laissant la possibilité à des petites entreprises de pouvoir transmettre des flux gratuitement avec des contraintes : déposer un PDF, réaliser en ligne le vidéocodage des factures, etc. Nous attendons donc que les immatriculations soient effectives pour permettre aux entreprises de choisir une PDP et se faire accompagner par cette PDP dans la phase pilote.

Grégory Mignon : Ce report va permettre à certaines entreprises, qui n’étaient pas prêtes, de pouvoir prendre le pli de la mise en conformité. Il s’agit d’un temps supplémentaire qu’il va falloir mettre à profit. Les entreprises ne doivent pas céder à la tentation de mettre en pause leur projet sur le sujet et d’attendre 2026 pour le relancer. Au contraire, si nous avons pu observer qu’en 2023, beaucoup d’entreprises s’étaient intéressées au sujet et avons senti une émulation autour de cette mise en conformité, cependant, toutes n’étaient pas embarquées dans cette réforme. ça veut dire qu’il y a possiblement des entreprises qui auraient été dans un goulet d’étranglement parce que tout le monde aurait cherché à se mettre en conformité au même moment. Donc l’idée avec ce report consiste à anticiper sur les échéances.

Il permet d’une part, de tester les outils, de s’assurer qu’ils correspondent à ce que souhaite l’entreprise en termes de rendement, d’interface, d’utilisation. C’est important de pouvoir évaluer les outils avant la mise en application de la réforme, sachant que tous les éditeurs qui sont présents ce matin seront capables à terme de s’interfacer avec l’administration en tant que PDP. D’autre part, le fait de mettre en place une solution maintenant apporte des bénéfices globaux. Certes, cette solution permettra de faire des échanges de factures avec ses clients et fournisseurs. Cependant, en mettant en place une solution dès aujourd’hui, l’entreprise va aussi améliorer significativement le temps de traitement de ses factures. Elle sera en effet capable d’enregistrer une facture très rapidement dès sa réception, de savoir où elle se trouve, de la faire valider par le bon valideur, d’identifier très rapidement un éventuel litige, de savoir si elle est en cours de paiement, d’avoir une visibilité sur le traitement de cette facture (ce qui n’est pas possible avec des process classiques standards), d’améliorer les temps de traitement de la facture et ainsi la relation client/fournisseur. Cette optimisation des processus est d’autant plus importante à l’heure actuelle au regard des tensions sur les chaînes d’approvisionnement.

Ces projets de mise en conformité sont aussi une occasion de mieux gérer les fraudes, qu’elles soient internes grâce à des outils qui cloisonnent notamment la validation, qu’elles soient externes, en permettant de détecter des factures frauduleuses, photoshopées, trafiquées, PDF modifiés... C’est d’autant plus important que nous savons qu’il y a actuellement beaucoup de fraudes qui s’ajoutent à la fragilité actuelle des entreprises notamment due à l’inflation, aux problématiques de chaîne d’approvisionnement et aux coûts de gestion. Il est donc important de préserver la trésorerie grâce à des outils qui gèrent ces fraudes, de disposer par ailleurs de services complémentaires comme de l’archivage légal, des pistes d’audit fiables qui aident à se mettre en conformité dès aujourd’hui notamment dans le cadre d’audit, des rapports dynamiques qui permettent pour leur part de bénéficier de données quasiment en temps réel pour optimiser les coûts de gestion, savoir comment on peut mettre en place des stratégies d’optimisation fiscales, etc. Il est donc vraiment important aujourd’hui de ne pas limiter simplement le choix de l’outil à l’échéance de la réforme, mais de le faire dès maintenant pour pouvoir bénéficier des avantages offerts par tous ces services déjà disponibles et de pouvoir s’assurer que l’outil dans lequel on aura paramétré son flux de manière électronique corresponde bien à ce qu’on souhaite faire. C’est également le moment pour les entreprises de réadapter leurs circuits et processus, avant d’être dans l’urgence d’une mise en conformité et de ne plus avoir le temps de le faire.

Olivier Taligault : Il est également important que les entreprises puissent profiter de ce délai, en tout cas déjà sur le mandat France, pour avoir une réflexion peut-être plus globale sur l’optimisation de leur processus de gestion des factures, que ce soient des flux sortants ou entrants. Ce qui est très important, c’est la capacité de pouvoir automatiser totalement la gestion de ce flux de factures, et en particulier si on prend les factures entrantes, de pouvoir s’assurer que ce qui sera intégré dans les systèmes d’information sont des factures qui ont bien été contrôlées et qui répondent non seulement aux différentes réglementations, mais également aux différentes règles métier que les entreprises ont mises en place et qui sont importantes dans les échanges avec leur fournisseur. La fraude est également un sujet important. JP Morgan a sorti une étude qui montre qu’aujourd’hui déjà 70 % des entreprises ont connu une fraude ou tentative de fraude, soit à la facture, soit aux paiements. Aujourd’hui, la plupart des grands acteurs sur le marché ont des solutions qui permettent de pouvoir venir en prévention de cette fraude en mettant en place un certain nombre de contrôles qui vont apporter clairement une valeur ajoutée aux entreprises. Au-delà de l’aspect réglementaire qui peut déjà être extrêmement complexe à gérer, en France mais aussi dans d’autres pays, et qui représente une contrainte et un coût, il convient en effet d’élargir l’approche et de transformer cette contrainte en opportunité d’améliorer et d’optimiser ses processus, de les sécuriser, d’en retirer une valeur pour l’activité de l’entreprise et pour son business plutôt qu’un seul centre de coût.

Alexis Coutier : Ce n’est pas parce que la réforme a été reportée qu’il faut s’arrêter de digitaliser. Heureusement d’ailleurs, les entreprises digitalisent depuis plusieurs années. Chez Cegedim, nous avons commencé à faire de la dématérialisation fiscale dans les années 1990 et nous opérons aujourd’hui du flux dans tous les secteurs d’activité. Nous avons tout un écosystème aujourd’hui où les acheteurs rêvent de récupérer des factures en EDI parce que ce sont des flux très automatisés, qui permettent donc des intégrations beaucoup plus fiables. Or cette réforme va nous permettre d’aller vers davantage de flux structurés. Le bénéfice pour les entreprises, à terme, consiste à pouvoir complètement intégrer ces factures en EDI et faire des rapprochements ligne à ligne et pas seulement sur le pied de page. Nous sommes donc capables d’accompagner nos clients dans cette démarche et le faisons d’ailleurs déjà avec un certain nombre d’entre eux, notamment dans le secteur de la santé. Nous avons en effet près de 2 000 établissements de santé connectés à notre plateforme Hospitalité chez nous, et environ 500 fournisseurs, 500 laboratoires ou fournisseurs de dispositifs médicaux qui sont également connectés à Cegedim. Nous sommes donc déjà en capacité d’échanger du flux EDI. Cependant, les entreprises n’ont pas toujours cette habitude d’intégrer de l’EDI. On a encore des clients, et pas seulement de petits clients, qui ne savaient pas historiquement intégrer l’EDI. Lancer un projet, c’est aussi une manière de pouvoir capitaliser sur ces facultés d’automatisation qui sont liées à ces flux EDI.

Souvent, la réforme est vue par les entreprises comme une contrainte, mais au contraire, c’est vraiment l’opportunité de pouvoir fluidifier et mieux automatiser les processus. Et donc tant qu’à faire, autant ouvrir des chantiers maintenant en avance de phase ! 

Grégory Mignon, product evangelist team leader chez Yooz

« Ce report représente également une opportunité de mieux comprendre la réforme, une opportunité de cerner comment elle se traduira concrètement dans les entreprises et, à ce titre, de tester les plateformes. »

Arrivé chez Yooz en 2016, Gregory Mignon a d’abord eu pour mission d’accompagner et de développer les grands cabinets d’expertise comptable. Il a ensuite travaillé aux côtés des entreprises pour leur permettre d’adopter la dématérialisation. Après avoir également contribuer à renforcer les équipes fidélisation, Grégory Mignon s’est plus récemment orienté dans l’accompagnement technique des partenaires commerciaux, la promotion de Yooz et l’accompagnement des commerciaux, prospects et clients. Depuis 2023, il est en charge des ressources Product Evangelist pour les territoires UK et EMEA et étend le périmètre à l’Espagne en 2024.

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